Eros
Jambes en l’air
03 JUILLET . 2008
François Truffaut, en 1977, plaçait dans la bouche de Charles Denner cette sentence définitive : « Les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le monde, lui donnant son équilibre et son harmonie ». C’était dans L’homme qui aimait les femmes. Et nous sommes quelques-uns à avoir fait tatouer cette maxime sur notre torse, à l’avoir érigée en principe de vie et à en savourer, les yeux émerveillés, l’exacte vérité à chaque retour du Printemps.
Il faut dire que le retour des beaux jours est, pour l’amateur de fines gambettes, une époque bénie. La lumière amorce un retour triomphal, elle éclate en journée au dessus des villes en de vastes flaques blanches, et rase le sol le soir venu, dessinant aux silhouettes des contours scintillants. La chaleur vous saute au cou comme un parfum de violette et déshabille les femmes le matin, devant leur garde-robe. Exit les manteaux, exit les pantalons, finie la pesanteur, vive la légèreté. Les nuques éclosent dans l’air du temps, les épaules et les bras de dénudent, les jambes se dévoilent, avec ou sans un dernier rempart de soie. Genoux et chevilles s’offrant enfin au soleil et au regard des hommes.
Mais faut-il que nous soyons stupides pour ainsi nous emballer à la vue d’un mollet tendu comme un archet de violon par un haut talon ? Faut-il que nous soyons d’une sensiblerie maladive pour ainsi nous émouvoir d’une cuisse découverte, à la peau que l’on devine douce et chaude comme le sable le plus fin des plages les plus sauvages ? Faut-il que nous soyons d’une bêtise infinie pour sourire en coin béatement dès qu’une jupe légère, bousculée par le vent, caresse en un délicieux mouvement deux belles fesses aux rondeurs enfin exhibées ? Faut-il que nous soyons désespérément obsédés pour laisser notre esprit, à défaut de nos mains, courir le long de ces jambes nues d’inconnues quadrillant d’un air décidé l’asphalte de nos trottoirs ? Faut-il enfin que nous vivions à ce point à côté du monde pour nous oublier si longtemps dans les replis d’une robe remontée sur des jambes croisées bien haut ?
Peut-être. Peut-être sommes-nous tout cela, stupides, sensibles, obsédés et terriblement bêtes. Mais peut-être ne sommes-nous que des hommes. Des hommes qui aiment les femmes. Et la flamme qu’elles savent si joliment allumer en nos sens.
(Photos : Juliette Ranck)