Culture
Gilbert et George : Bouc(s) émissaire(s)
03 OCTOBRE . 2014
S’il paraît que la vérité sort de la bouche des enfants, les vieux, apparemment, ne sont pas mauvais non plus. A soixante-dix ans passés (dont plus de cinquante à travailler ensemble), Gilbert et George, figures paternelles d’un art contemporain anglais iconoclaste, arrivent encore à capter mieux que beaucoup d’autres le Zeitgeist de notre XXIe siècle. Avec une énergie provocatrice qui fait passer leurs héritiers pour des jeunes gens timides, ils mettent en scène un Londres sous les bombes au sein de l’exposition Bouc émissaire.
Dans cette série plus sombre qu’à leur habitude, réduite à un noir et blanc juste perturbé par un rouge sang et un sépia maussade, Gilbert et George se mettent toujours en scène, témoins imperturbables d’une civilisation traumatisée par le matraquage médiatique et le flicage étatique qui s’embourbe dans la paranoïa. L’islamophobie, la peur de l’autre, l’abêtissement né de la religion ou de notre surconsommation d’infos dominent des compositions détonnantes, bardées de slogans définitifs, qui détournent à leur profit les techniques de la propagande et de la pub.
Femmes voilées, bombes, ruelles grillagées, jeunes à capuche : dans la guerre des images, les deux Anglais s’avèrent redoutables, détournant les archétypes dont on nous abreuve quotidiennement pour stigmatiser la faiblesse de notre réflexion. Au passage, les bombes grises qui polluent leurs immenses photomontages sont en fait des capsules de gaz hilarant – quand G&G narguent notre obsession du terrorisme, c’est toujours dans une explosion de rire, sarcastique.
Edgar Levison
Jusqu’au samedi 7 novembre
Galerie Thaddaeus Ropac
69 avenue du Général Leclerc
93500 Pantin
http://ropac.net/
Entrée libre du mardi au samedi de 10h à 19h