Gastronomie

Epicerie RAP : l’Italie confidentielle

01 AVRIL . 2015

Il y a trois mois, Alessandra Pierini a déménagé de la rue Rodier à la rue des Martyrs. Quelques centaines de mètres pour squatter une boutique d’angle, de verre vêtue, se laissant inonder de lumière et lui rappelant ainsi sa Gênes natale…

A l’intérieur, la belle au doux accent a réuni le meilleur de l’Italie, son Italie. L’Italie confidentielle qu’elle va sourcer aussi souvent que possible depuis 22 ans. La semaine dernière c’était la Ligurie, la semaine prochaine ce sera la Sicile avec Antonio, un fin gourmet de Catane qui va l’emmener dans les marchés de la côte orientale. Et d’étal en étal, de bouche à oreille, ils se retrouveront probablement dans une ferme reculée avec quelques rares produits d’exception. « Il faudrait écrire un livre pour chaque produit que je trouve ».

Et des produits exceptionnels, qui font saliver, ses rayons en regorgent :

Ce matin sont arrivés des fromages affinés dans le vin comme l’Ubriani, un bleu baigné dans du marc de raison rouge et recouvert de myrtilles.

Plus loin, il y a diverses bouteilles de Colatura, l’ancêtre du nuoc mâm que les mammas utilisent dans la région napolitaine, à Cetara.

Autre condiment rare, le Saba ou moult de raisin concentré, l’étape première de la fabrication du vinaigre balsamique. Elle me dit qu’on l’utilise dans les cuisines d’Apicius, dans les salades ou en marinade.

Côté pâtes, entre les panoplies Martelli et Ori di Napoli, très bonnes mais que l’on trouve partout désormais, on trouve les rares Fregula Sarda al Nero di Seppia. Ce sont des boules de pâtes grillées, la fragole, au goût de noisette, que l’on cuit traditionnellement ou en risotto.

Enorme est la Caccavella, la plus grosse pâte du monde ! Elle s’achète à l’unité et se garnit tel un panier.

Parmi ses riz à risotto, il y a la rare cuvée de 7 ans de la maison Acquerello. Un vieillissement du riz qui lui confère un subtil goût épicé. La maison Dom Pérignon lui en commande régulièrement…

Les becs sucrés s’étonneront de la Ceci di cannito, ici l’ancêtre du Nutella. C’est une ancienne recette paysanne napolitaine, « très très difficile à trouver me précise Alessandra », à base de lait de chèvre, de pois chiche et de chocolat. La même marque, Biologica, produit une surprenante confiture de pommes et pommes de terre.

On ne connaît pas l’Italie pour ses chocolats, pourtant… A découvrir, le chocolat de Modica de Simone Sabadì : conché à -38° conserve toutes ses propriétés organoleptiques et bienfaisantes. Pas de beurre de cacao ni de lécithine de soja, juste un peu de sucre qui, du fait de la cuisson à froid, croque sous la dent.

Au fin fond des Pouilles, à Salata, une petite dame – et son chien, cultive le rare cactus Magenta, et en fait une confiture. C’est un fruit couvert d’épines dont elle a sa technique pour la ramasser, retirer chacune d’elle à la pince et réduire la pulpe en gelée.

La Mostarda est un produit typique de Vénétie, une confiture de fruits confits et de graines de moutarde. Elle se déguste précisément à Venise au moment de Noël. Une tranche de panettone, une louche de mascarpone par-dessus et encore une louche de mostarda…

Au sous-sol, sa cave comporte nombre de vins blancs, rouges et Proseccos. S’il fallait citer une bouteille, ce serait le Venissa, un vin blanc de la maison Bisol : le seul cépage produit à Venise même ! Il y a quelques années, la maison a retrouvé une vieille vigne dans un jardin, l’a fait analyser et il s’est avéré que c’était un ancien cépage autochtone. La production est aujourd’hui très confidentielle et peu de bouteilles peuvent être produites.

Je pourrais parler encore des citrons de Syracuse, des cédrats d’Amalfi, de la bergamote de Calabre, de la Testarolo, l’une des plus anciennes pâtes d’Italie, des rares revues Porthos, des fèves ramassées sur les pentes du Vésuve… mais je vous laisse les découvrir sur place. Et vos courses seront un voyage en Italie.

Anne Carpentier