Parfums
Martine Denisot, le parfum de l’enfance
15 JUIN . 2015
Ne dites pas à Martine Denisot qu’un parfum de nostalgie émane de ses créations. Certes, ces dernières puisent toutes dans le grenier olfactif de sa mémoire. Mais pour elle, « l’enfance est un monde parallèle, un sur-soi, un prolongement de soi-même en mouvement perpétuel ». À la fois défunt et terriblement présent.
Ce monde qu’elle tait derrière un regard bienveillant, elle l’exprime au fil des six fragrances de Pour toujours, la collection qu’elle vient de lancer en exclusivité au Bon Marché. Ainsi, Boule de Gomme, avec sa fleur d’oranger et sa lavande toutes voiles dehors, rappelle les bonbons d’hier. Graines, composition sèche et terreuse, évoque l’odeur d’une boutique de… graines, et contient justement des essences de graines de carotte, de cacao, de cardamome et d’orge.
Ce qui nous a bluffé chez Martine Denisot, c’est la fausse simplicité de ses parfums. Au moment où l’on croit en saisir l’esprit et l’alphabet, le jus change de braquet, chuchote une autre mélodie. Prenez Bootylicious. Un accord coing – rose – genièvre fruité et acidulé, solaire et insaisissable. Addictif. Son nom rend hommage aux formes replètes d’un fessier féminin, à l’image du coing… Pour toujours, c’est l’omniprésence de la nature, convoquée à jouer des partitions toujours sincères, parfois déroutantes, comme Pyrus, mêlant vetiver et poire et qui nous a particulièrement envoûté.
L’ensemble est finement troussé et assez culotté. Surtout quand on sait que cette nouvelle recrue de la slow parfumerie s’est formée sur le tard, après 25 annés dans l’univers du tourisme. Jacques Polge, parfumeur chez Chanel (Égoïste, Allure, Coco Mademoiselle…) lui permet de passer une année sabbatique dans son atelier, à la découverte des matières premières. Elle fonde ensuite FLAIR avec Amélie Bourgeois, qui aujourd’hui encore, l’aide à « verrouiller » certaines formulations. Sa prochaine étape ? Créer un parfum pour enfants, Mange le vent. Une évocation des promenades avec ses enfants lorsque la mer était basse et l’air gorgé d’iode.
Guillaume Tesson
