Bars
Maison Souquet, le plaisir en héritage
15 SEPTEMBRE . 2015
Une lanterne rouge brille dans la nuit, à l’heure où les bonnes gens rentrent bien tranquillement chez eux, d’autres pensent déjà aux plaisirs qu’ils s’apprêtent à assouvir. Tapie dans la petite rue de Bruxelles, en plein coeur du quartier Pigalle, la Maison Souquet se dresse, élégante et intemporelle, dissimulant derrière sa façade immaculée des secrets bien gardés.
Cette ancienne maison close, ouverte en 1905 et fermée en 1907, rouvre ses portes et ses fenêtres sur ce nouveau siècle après un somme long de près de 110 ans. Si les maisons des plaisirs sont désormais interdites, les nouveaux dandys, débarrassés de leur chapeau haut de forme, pourront s’y prélasser le temps d’un thé, d’un cocktail ou d’un 5 à 7 en charmante compagnie.
Car il faut bien l’avouer, ce luxueux hôtel 5 étoiles s’est réapproprié à merveille les codes de la Belle Epoque, exhumés avec brio par Jacques Garcia, le designer du lieu.
On pénètre dans l’établissement par le Salon des Mille et une Nuits, une invitation au voyage qui donne le tournis parmi ses ors, ses boiseries, ses cuirs de Cordoue et ses vitraux chinés avec goût. Si aucune Salomé de pacotille ne viendra agiter ses voiles impudiques, le visiteur pourra s’y installer pour se délecter d’un thé du Maître Tseng, à la manière d’un Baudelaire cédant aux plaisirs embrumés des opiacés.
Un petit couloir semiobscur comme le goulot d’une bouteille de Merlot, décoré d’un portrait de quelque courtisane dénudée, entraînera notre dandy dans le Salon des Petits Bonheurs. Une atmosphère raffinée, du bois foncé, des rayonnages de livres anciens, une cheminée massive et des divans rouges suggérant les poses lascives des femmes de petite vertue du Salon de la rue des Moulins, la fameuse toile de Toulouse-Lautrec… Nul doute que l’on s’imaginerait croiser la silhouette courte et chancelante du peintre, carnet de croquis à la main. C’est dans cet espace où flotte une capiteuse fragrance de rose et de jasmin (fragrance créée pour la Maison Souquet) que le visiteur d’un soir s’abandonnera pour siroter l’un des nombreux cocktails à la carte. Mais si la gourmandise lui en dit, la barmaid formée au Bristol et aux Ambassadeurs se fera un plaisir de lui servir un délice personnalisé selon ses envies.
Rhum, Suze, Chartreuse et Gum sirup de betterave, blanc d’oeuf et eau de coco aux notes salées, le tout réhaussé par quelques brins de coriandre, de baies roses et de graines de sésame offriront au disciple d’Epicure un cocktail mousseux, aussi léger et vaporeux qu’un jupon de mousseline. De quoi se laisser séduire, le temps d’un verre, par les lustres d’antan en se laissant tout doucement griser par cette pause dans le temps.
Jenny Stampa