S.T. Dupont : pas de succès sans feu

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12DÉC. 2016

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S.T. Dupont : pas de succès sans feu

12 DéCEMBRE . 2016

Écrit par La Rédaction

Sans lui, Maurice Ronet se serait senti bien seul. Electricité coupée, pas moyen d’y voir dans ce satané ascenseur pour l’échafaud. Heureusement, dans sa poche un beau briquet en or, probablement offert par son aimante maîtresse, madame Carala. A l’époque, tout le monde fume. En or, parce que c’est chic. Encore plus quand c’est un Dupont. 

 

La signature est mondialement connue, d’abord comme malletier, puis pour les accessoires du feu et d’écriture. L’entreprise a été fondée en 1872 par le savoyard Simon Tissot-Dupont. Carrossier à l’origine, ses mauvaises affaires le poussent à racheter un atelier de confections de porte-documents. Là, S.T. Dupont se fait très vite remarquer par ses produits simples et de qualité. Le savoir-faire artisanal français n’est pas un vain mot et l’atelier de Faverges, non loin d’Annecy, devient une vraie manufacture.

Au tournant des années 30, Lucien Dupont, qui dirige la société avec son frère André, voyage à travers les Etats-Unis. Les effets de la « Grande Dépression » le frappent. Il en tire la conclusion que face aux crises de l’économie de marché, il n’y a que deux situations profitables : développer des produits de masse à faible prix, ou se recentrer sur le très haut de gamme. S.T. Dupont sera donc une marque de grand luxe.

A partir de là, ses articles de voyage de très haute qualité vont plaire. Des nécessaires de cuir aux intérieurs gainés dans lesquels s’enchâssent boîtes et flacons. Altesses royales, capitaines d’industrie, chefs d’Etats et vedettes sont les clients de la maison française, qui travaille les métaux précieux et développe une maîtrise certaine de la technique de la laque de Chine.

En 1941, le maharadjah de Patiala passe une commande spéciale pour cent minaudières en laque, comme cadeau pour ses favorites. Chacune doit contenir un briquet en or. La guerre sonnant le glas des malles et nécessaires de voyage, il faut trouver une autre idée. Les briquets, bien sûr ! Cette même année, André Dupont dépose un brevet. A partir de 1952, S.T. Dupont introduit son briquet de poche baptisé « Ligne 1 ». L’objet plaît par son modernisme et sa fonctionnalité. Surtout, il ne fuit pas ; chose rare à l’époque. Façonné à la main, avec près de cent quarante opérations, à partir d’un bloc de laiton travaillé, son réservoir est d’une pièce, sans partie rapportée, pour garantir l’étanchéité. L’un des secrets de fabrication est le bain de graphite, et non de l’huile, qui s’évaporerait aux températures auxquelles les briquets sont travaillés, de l’ordre de 850 degrés. Ses flancs peuvent être gravés, souvent de motifs décoratifs. Les plus belles exécutions sont en laque de chine et or.

Le duc de Windsor fait graver, enlacées, les lettres du monogramme « W.E » pour ceux qu’il offre à Wallis. Coco Chanel, Marilyn Monroe, Humphrey Bogart et Audrey Hepburn ne s’en passent pas. Andy Warhol les perd régulièrement. Pour Noël 1962, Pablo Picasso commande trois briquets à offrir et dessine lui-même les décors : un Arlequin et un Pierrot pour son fils et sa belle-fille, un faune pour un ami. Celui de Jackie Kennedy est sobrement frappé d’un « J ». En 1972, madame Onassis commande un stylo pour être assorti et les artisans de Faverges inventent pour l’occasion leur premier stylo-bille, inspiré de l’entraîneur d’allumage du briquet. La suite est connue : S.T. Dupont deviendra l’une des plus grandes références en matière de stylos de luxe.

En parallèle, dès le début des années 60, l’entreprise se lance avec Marcel Bich dans les briquets jetables. Il faut rester à la page et sans cesse innover. Pour autant, le second souffle du briquet Dupont viendra de sa version la plus luxueuse.

C’est au jeune styliste Jean Dinh Van qu’est confiée la tâche de moderniser le produit phare, à la toute fin des années soixante. En repensant les dimensions, il étire l’objet pour lui donner les proportions idéales de hauteur et de largeur. Le « Ligne 2 » va, à son tour, connaître un succès ininterrompu. Pas un film des années soixante-dix ou quatre-vingt sans qu’il n’apparaisse, à une époque où le placement de produit n’est pas une priorité. Catherine Deneuve et Françoise Sagan s’échangent les leurs. Michel Piccoli les fait graver à ses initiales. Un bel objet qui se reconnaît tout de suite. Non qu’il saute aux yeux, car son allure est classique. Mais il se reconnaît à l’oreille. En effet, les premiers exemplaires font un bruit singulier à l’ouverture. Un petit bruit qui enchante les utilisateurs qui le trouvent bien plus joli que le claquement sec du Zippo plébéien.

Le briquet phare de Dupont évoluera un peu sous le nom de « Gatsby ». Aujourd’hui, il peut même s’équiper d’une flamme torche. Parfait pour la cigarette de bord de mer, l’allumage d’un cigare en extérieur ou l’éclairage des bougies au jardin. Mais le défaut de conception ne sera donc jamais gommé. La maison en a même fait l’une de ses signatures. Un tintinnabulement synonyme de l’art de faire feu.

 

Charles Ardoin

 

S.T. Dupont
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