Bateau
America’s cup 2017 : à la recherche du temps perdu
25 MAI . 2017
Oh temps suspend ton vol ! Ce vers de Lamartine doit trotter dans la tête de Franck Cammas chaque jour depuis deux ans. Le patron de Groupama Team France (GTF) compte les jours qui le séparent de la première confrontation dans la 35è coupe de l’America. Programmée demain 26 mai, elle opposera les Français au defender américain Oracle. Tout un symbole, à la fois sportif et médiatique, d’autant que la deuxième régate se courra contre Team New-Zealand, finaliste de la 34e édition.
L’heure de vérité
Quelques semaines d’entraînement supplémentaires pour relever ce super challenge n’auraient pas été de trop pour GTF. « Notre bateau est bien né, il va vite sur l’eau, les foils sont très performants, mais cela pêche encore dans les phases de transition » explique Bruno Dubois, le directeur de l’équipe française. « Il s’agit de mettre au point des réglages d’une technologie très sophistiquée. Il faut des centaines d’heures de travail » poursuit-il. « C’est le temps qui nous manque ».
Alors depuis février, les journées de 12 à 15 heures s’enchaînent pour GTF sur cette baie d’Hamilton aux Bermudes, avec enthousiasme, détermination, compétence, imagination et optimisme : « l’ambiance est excellente au sein du team, si fière d’avoir réussi à monter ce défi en si peu de temps » nous assure le directeur. Un premier succès pour une équipe partie un an après les 4 autres challengers en lice. (Le cas de l’équipe japonaise est à part ; elle profite de la technologie américaine). Une performance aussi, avec un budget de 30 millions €, soit moitié ou deux-tiers de moins que les autres prétendants à ravir aux Américains l’aiguière d’argent, symbole de la coupe qu’Oracle a conservé en 2013.
Une concurrence ardue
Difficile d’imaginer que le graal soit au bout de ce premier essai pour GTF. D’ailleurs, Franck Cammas n’a jamais caché que ce défi n’était que le premier d’une démarche à long terme.
Au premier round, chacune des deux régates avec les USA, la Nouvelle-Zélande, la Suède, le Royaume-Uni et le Japon comptera 1 point par victoire. Le dernier sera éliminé, à l’exception d’Oracle bien sûr. Si l’équipe de France passe ce premier tour, ce sera déjà une énorme victoire. Car face à lui, Aramis, le suédois qui s’était imposé à Toulon en septembre, n’a cessé de progresser. Team New-Zealand est très rapide. GBR, le britannique, a le plus gros budget et Softbank, le japonais est épaulé par Oracle.
Des demi-finales du 4 au 10 juin émergeront deux finalistes qui s’opposeront jusqu’au premier à atteindre 5 victoires qui lui ouvriront l’America’s cup match le 17 juin.
La Coupe pour les nuls : le principe
Un club de voile propose de challenger le détenteur. Pendant des décennies, il s’agissait d’une affaire entre tycoons milliardaires anglo-saxons. Les régates en match-racing (à deux bateaux) se disputent sur des gros monocoques puissants et lourds. Les architectes doivent composer avec une jauge très complexe et gardent jalousement leurs plans secrets. Ces règles, souvent obscures, contribuent à créer la légende de la plus vieille compétition sportive internationale.
L’histoire
La première édition en 1851 est remportée par la goélette America, au large de l’île de Wight, en marge de l’Exposition Universelle de Londres. Le trophée : La coupe des 100 guinées qui devient coupe de l’America en 1857.
Ce défi victorieux lancé par le New York Yacht Club en 1851 (NYYC), pour valoriser la construction navale américaine restera au club 132 ans malgré de nombreux défis.
En 1958, les 12 Mètres JI, beaux sloops d’une vingtaine de mètres s’imposent.
En 1970, Marcel Bich lance le 1er de ses 4 défis français au NYYC qui est déjà en discussion avec des Australiens. Impatient, le baron français propose de régater contre les Australiens. Le vainqueur deviendra le challenger. Le NYYC accepte le principe ouvrant la voie à la création, en 1980, de la coupe Louis Vuitton destinée à départager les challengers. Bruno Troublé, le barreur du Baron Bich a eu l’idée d’associer le malletier français aux éliminatoires de la coupe. Encore aujourd’hui, il faut gagner la coupe Louis Vuitton pour disputer l’America’s cup.
En 2010, nouvelle révolution. Le Néo-zélandais Russel Coutts double vainqueur de la coupe America pour son pays, puis vainqueur pour la Suisse, puis patron de l’équipe américaine victorieuse fait faire un bond dans la modernité à cette régate séculaire. Il impose les catamarans qui volent sur l’eau et fait basculer « la vieille dame » dans le 21è siècle.
Le bateau de cette édition est l’AC50, un catamaran de 50 pieds (15 mètres) équipé d’un plan porteur (foil) sur chaque flotteur et d’une aile rigide à la place du mât et de la grand voile. La vitesse de pointe ? Près de 40 nœuds par 18 à 22 nœuds de vent.
Patricia-M. Colmant