Truffe mésentérique, le diamant noir oublié

Gastronomie

08NOV. 2017

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Truffe mésentérique, le diamant noir oublié

08 NOVEMBRE . 2017

Écrit par Patricia Colmant

Au pays de la truffe, la tuber melanosporum n’est pas la seule digne d’intérêt. Certes, ces truffes noires du Périgord et du Tricastin sont les chouchoutes des tables étoilées, comme la tuber ucinatum, la truffe de Bourgogne. La truffe de Meuse ou mésentérique, à contrario, est la grande ignorée. Pourtant, la richesse de ses qualités mérite un petit détour par les forêts de noisetiers des grandes étendues ondulantes proches de Verdun.

Le pelage beige de Biloba se confond avec les feuilles automnales des noisetiers. Le petit chien fouineur court autour des bouquets d’arbres, le nez collé au sol, véritable chien de chasse qui suit une trace. Il s’arrête soudain et creuse frénétiquement au pied d’une racine. Quelques mottes de terre plus tard, Biloba revient vers Jean-Sébastien Pousse, son maître, le précieux champignon en gueule. Il vient de caver une truffe mésentérique, cette tuber méconnue au parfum si intense.

Biloba et Jean-Sébastien Pousse © Patricia Colmant pour Les Grands Ducs

La Meuse, un terreau favorable

Boncourt-sur-Meuse. Moins de 400 habitants, son église, son monument aux morts et … sa Maison des truffes. C’est que ce petit village qui ne paie pas de mine est posé sur un plateau calcaire qui renfermait un secret oublié jusque dans les années 70. Celui d’un terreau naturel favorable au diamant noir.

A l’époque, Gilbert Larcin et Lucien Ballureau, deux Boncourtois mycologues avisés, se sont lancés dans l’étude de ce champignon qui séduisait déjà les Romains. Leurs recherches leur ont permis de comprendre que cette tubercule capricieuse poussait naturellement en Lorraine et en Meuse.

Tuber mesentericum © Guillaume Ramon

En 1989, ils créent une truffière expérimentale sur la commune. Noisetiers mycosés, terrains calcaires et pluies de printemps ont fait le reste. Boncourt récoltait ses premières tuber mésentériques quelques automnes plus tard… Une production à l’origine d’un sacré rififi chez les trufficulteurs : voici nos deux compères à Paris pour présenter leur trouvaille à la Fédération. Fin de non-recevoir. Tuber mesentericum n’est pas digne de siéger aux côtés de tuber melanosporum. Il faudra vingt ans pour que la truffe de Meuse soit intégrée dans la petite famille truffière.  

Son parfum si fort

Petit fruit noir doté d’une belle fossette, la mésentérique cache une chair marron, tendance cacao, veinée de micro-sillons blancs. Coupée, elle dégage un arôme puissant, parfois qualifié de médicamenteux, ce qui n’est pas sans lui jouer des tours. “Son parfum est si fort qu’il décourage certains cuisiniers” admet Jean-Sébastien Pousse, passionné par ce champignon énigmatique et dirigeant de la Maison des truffes.

© Patricia Colmant pour Les Grands Ducs

Enfant de la Drôme, il avait entendu dire que son agriculteur de grand-père aurait volontiers consacré un peu de temps à la truffe. Le travail de la ferme ne lui en avait pas laissé le loisir, pas plus qu’à son père. Alors à 18 ans, le fils a planté des arbres mycosés sur une parcelle de la propriété. Sans succès, ni découragement. Son diplôme d’ingénieur forestier en poche, Jean-Sébastien fait un stage à l’Inra sur la truffe. D’accro, il en est devenu raide dingue.

Le diamant noir oublié

Depuis huit ans, il anime la Maison des truffes de Boncourt avec une passion aussi puissante que la tuber de Meuse est corsée. Pêle-mêle, il vous raconte tout sur les truffes, entraîne Biloba sous les noisetiers, histoire de caver quelques tuber qui prendront place dans une prochaine dégustation, qu’il orchestre de main de maître.

© Maison des truffes

“Avec la mésentérique, il faut faire attention au dosage. C’est la clé de son secret. La où vous mettez 10 à 15% de tuber melanosporum, vous mettrez 5% de mesentericum” explique notre homme qui a aussi des talents culinaires. “Elle est parfaite pour parfumer une terrine de viande à raison de 3 ou 4%, car elle supporte la cuisson, contrairement aux autres truffes”. Si la truffe du Périgord tolère les 80° sur une courte durée, celle de la Meuse supporte d’être stérilisée et n’a pas son pareil pour relever les sauces. “Vous mélangez une truffe à de la (vraie) crème, la laissez au congélateur 48h et râpez des copeaux de parmesan sur un plat de pâtes assaisonné du mélange… Quoi de meilleur ?” lance de son côté Bruno Fenaux, le propriétaire du Domaine de Sommedieue.

© Patricia Colmant pour Les Grands Ducs

A l’automne, la mésentérique servie à cette table campagnarde raffinée et roborative fait des heureux parmi les happy few qui viennent pêcher la mouche sur les lacs de cette propriété de douze hectares clos de mur. “Des amis m’en fournissent depuis des années. En fait, avant la guerre de 1914, la région était la plus grosse productrice de France” poursuit cet épicurien, qui devient lyrique à l’évocation du diamant noir. “Plus qu’un très bon champignon, la truffe est tout un cheminement.”

Quelques propriétaires terriens de la région ont compris l’attrait de ce diamant noir oublié : les petits bois de noisetiers, charmes, ou bouleaux mycosés ont fleuri en vingt ans. A l’automne, le rendez-vous du samedi matin à la Maison des truffes est devenu incontournable. L’occasion pour les amateurs et les curieux de découvrir la mésentérique…

Patricia-M. Colmant

La truffe mésentérique 
A la maison des truffes
Au Domaine de Sommedieue
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