Voyages
Epinal : les Vosges au-delà des images
20 DéCEMBRE . 2017
C’est écrit un peu partout : lorsqu’il s’agit de faire cap à l’est – surtout en cette période de fêtes – c’est à Strasbourg, Colmar ou Mulhouse qu’il faut poser bagages. Oui mais voilà, il y a aussi Epinal. Comment ça quelle drôle d’idée ?
Jamais dépourvu d’humour, le Grand Duc manie l’art de la taquinerie avec un certain brio. Lors de quelques soirées embu(ll)ées aux côtés de ces facétieux gentlemen, il m’est arrivé, avec sourire et autodérision, d’en faire les frais lorsque, presque timidement, j’avouais à certains d’entre eux que ma ville natale n’est autre qu’Epinal.
Las des “y a-t-il quelque chose à y faire / au moins une bonne adresse ?” et autres anecdotes sur un “passage obligé” pour un rendez-vous professionnel ponctué par un mauvais plat livré dans la chambre d’un hôtel d’une zone commerciale dénuée de charme et d’intérêt, je m’étais promis de prouver à mes compères (et au monde entier !) que la Cité des Images a de jolis atouts à faire valoir. Me voici donc en mission, avec la ferme intention de démontrer que mon bercail est bel et bien une escale que le Grand Duc saura apprécier à sa juste valeur…
Si elle ne présente pas les apparats de la ville qui tourbillonne, Epinal a bien tous les traits de la belle endormie par laquelle il faut se laisser séduire. Et ça se joue en quelques adresses ! Prenez Les Ducs de Lorraine par exemple (un nom bien trouvé, n’est-ce pas ?).
Aux manettes de la table gastronomique de la ville, trois Maîtres restaurateurs et Maîtres cuisiniers de France qui conjuguent savamment terroir avec délicatesse et créativité. Cassolette d’escargots revisitée (une tuerie), dos de sandre servi “comme une blanquette au vin jaune”, pavé de biche en croûte d’épices (…), on en frémit encore.
Pour la suite, laissez-vous aller : le personnel aux petits oignons n’attend qu’un coup d’œil pour faire venir jusqu’à vous les chariots de fromages et de desserts qui méritent à eux seuls qu’on s’attable aux Ducs de Lorraine.
Et dans les verres ? Rassurez-vous, peu de chance de se tromper en choisissant une des 10 000 bouteilles de la cave de ce restaurant où se côtoient quelques 650 références…
À la même adresse de cette bâtisse datant de 1873 (mais pas tenue pas les mêmes propriétaire, chacun sa marotte !), l’une des 14 chambres du Manoir des Ducs permet une digestion toute en douceur. Meubles de caractère et épais rideaux par-ci, toile de Jouy par-là : c’est charmant à souhait.
Si vous êtes d’humeur plus contemporaine ou simplement fou d’architecture, on vous conseille vivement de vous rendre sur les hauteurs de la ville, où Dominique-Alexandre Louis a dessiné les traits d’une incroyable maison usonienne. La propriétaire des lieux, qui y loue une (grande) chambre et une suite, prendra le temps de vous expliquer dans les moindres détails comment l’architecte lorrain, disciple de Jean Prouvé, a imaginé cette demeure unique dans la région.
L’Imagerie, la spinalienne qui traverse le temps
Fin d’année oblige, Epinal s’est parée des lumières et autres marchés de Noël annonciateurs de la trêve des confiseurs. Alors non, on ne va pas se mentir en affirmant que la belle des Vosges détrône Strasbourg ou Nancy. Mais par simple esprit de contradiction (le Grand Duc n’en serait pas un s’il faisait tout comme tout le monde), mais aussi parce qu’on y a repéré quelques produits locaux qui valent le détour, c’est bien ici qu’il faut venir assister au traditionnel défilé de Saint Nicolas en dégustant un délicieux pain d’épices à son effigie !
Point d’orgue du séjour, l’Imagerie d’Epinal – la dernière du genre encore en activité sur le Vieux Continent – édite depuis 1796 des trésors qui ont fait sa popularité. Dépoussiérée depuis 2014 et sa reprise par deux entrepreneurs originaires des Vosges, elle cultive son renouveau entre tradition et modernité.
Pas étonnant donc, d’y voir se côtoyer à la sortie des pressoirs de l’imprimerie ou sous les pochoirs travaillés à la main, les créations des nouveaux talents de l’illustration et les images des épopées napoléoniennes ou du Chat Botté qui ont fait sa renommée.
Signe que le coup de jeune semble se transformer en coup de maître : la présence de l’Imagerie d’Epinal au pop-up store du Made in France de New York aménagé en plein SoHo du 11 au 17 décembre (deux ans après avoir déjà sévit dans le capitale avec un premier magasin éphémère du côté du Boulevard Beaumarchais).
Oui, Epinal mérite qu’on s’y attarde. Je vous laisse donc avec mes bonnes adresses et un poil de nostalgie. Ma mère déménageant en Bretagne, me voici en effet contraint de troquer la quiche Lorraine et la tarte aux mirabelles contre les crêpes et le kouign-amann. Non sans une larme à l’oeil…
Damien Guillou