Eros
Montre tes nippons ! Le Festival du Film de Fesses, fantasque mais sérieux
30 JUIN . 2018
Montre tes nippons : pour cette cinquième édition du Festival du Film de Fesses, l’accent est mis sur le Japon. On a voulu rencontrer Anastasia Rachman, jeune co-fondatrice du festival… De quoi endiabler votre dimanche érotique !
Propos recueillis par Johanna Colombatti
Peux-tu nous présenter ce festival ?
Le Festival du Film de Fesses est un festival de cinéma, mais pas que, où l’on tend à rendre ses lettres de noblesse au genre érotique principalement à travers des œuvres cinématographiques d’hier et d’aujourd’hui dans les salles de cinémas et avec l’intervention d’artistes qui réfléchissent à ces questions à travers d’autres médiums comme la photographie, la lecture, la performance…
On a présenté ce projet un peu farfelu : créer un festival pendant l’été, ce moment où les corps se dénudent…
Comment vous est venue l’idée de créer un festival autour du genre érotique ?
Le festival est né de manière assez exaltante il y a 5 ans… Nous nous sommes rencontrées avec Maud Bambou sur les bancs de la Femis (l’école nationale des métiers de l’image et du son, ndlr) lors du concours distribution/exploitation qu’on a raté ensemble, et de là est née une amitié puis l’envie de créer un projet.
On cherchait à monter un festival de cinéma qui n’existerait pas encore, qui soit assez original, qui nous ressemblerait… Pendant un festival, le sujet qui bruisse, dont tout le monde parle, ce n’est souvent pas tant le film que les histoires d’amour, de fesses, liées à toutes les émulations qu’on peut vivre à travers l’écran.
On a donc décidé de créer le Festival du Film de Fesses avec Antoine Heraly, devenu réalisateur depuis. On travaillait toutes les deux dans le monde du cinéma, on en connaissait déjà les rouages. On a présenté au Nouveau Latina (aujourd’hui le Luminor Hôtel de Ville) ce projet un peu farfelu : créer un festival pendant l’été, ce moment où les corps se dénudent… Le Festival du Film de Fesses est né comme ça, et dès la première édition, il a finalement connu un certain succès. Les gens se sont emparés d’un concept différent de ce qu’on leur proposait d’habitude…
Finalement, c’est aussi un accès à la cinéphilie à travers ce genre assez universel qu’est l’érotisme…
Oui, mais l’érotisme à travers une communication assez solaire et joyeuse. Malheureusement, la sexualité aujourd’hui est souvent rattachée à une forme d’anxiété pour les jeunes générations. Nous voulions créer un festival enthousiasmant, mettre en place des discussions, des moments gais où on se retrouve dans un contexte festif autour d’œuvres d’art.
Sur la forme, le festival joue avec les codes et met en avant une certaine forme d’humour, de dérision, comme par exemple les prix ainsi nommés : La Fessée du public – La Fessée du jury. Un ton coquin et drôle qui désacralise le côté académique des festivals…
Dans la pornographie, il y a quelque chose d’immédiat, avec un but précis : l’orgasme, alors que l’érotisme c’est un véritable champ des possibles, un domaine qui fait appel à l’imaginaire, à l’espace du jeu. On voulait le retranscrire dans notre communication. Notre mot d’ordre c’est que le cul est un sujet sérieux dont il faut parler avec légèreté et vice et versa. Le but du Festival du Film de Fesses était de s’amuser et de prendre du plaisir, donc dans l’équipe, chacun doit s’emparer de ce qui lui fait plaisir…
Le cul est un sujet sérieux dont il faut parler avec légèreté
C’est un lieu où chacun est capable d’exprimer sa vision…
Oui exactement… Pour en revenir à la question du lieu, les deux premières éditions ont été présentées au Nouveau Latina, dans le quartier du Marais, ce qui faisait sens historiquement… Et finalement la troisième édition a eu lieu au Forum des Halles. Cela correspondait à un moment où nous avions besoin de changement, une édition où nous accueillions Brigitte Lahaie. Là, c’est notre deuxième année rue Champollion, dans le Quartier Latin.
Vous déployez des thématiques particulières à chaque édition. Cette année, pour la 5e, vous mettez à l’honneur le cinéma érotique japonais à travers la rétrospective Montre tes nippons, peux-tu nous en dire un peu plus ?
Chaque année, on essaie de se renouveler, d’inventer une rétrospective un peu différente.
Au début on a axé le thématique sur des réalisateurs, puis on a fait un focus Brigitte Lahaie et on a fini par se demander pourquoi ne montrer qu’une actrice filmée par des hommes, donc on a décidé de mettre à l’honneur des femmes réalisatrices. Cette année, on a pensé à un pays, c’était l’année du Japon en France et on a trouvé que c’était cohérent avec ce qu’on voulait montrer, que c’était une culture différente, des peaux différentes… L’occasion de présenter un auteur qu’on jugeait peu mis en avant : le cinéaste Vous présentez donc une vingtaine de films.
Oui un peu plus même, des années 1960 à aujourd’hui : des films en noir et blanc, des films en couleurs, des films d’animation. C’est une proposition éclectique, avec au programme : Sion Sono, Noboru Tanaka, Masaru Konuma, Toshio Matsumoto, Ryu Murakami, Masayuki Suo, Eiichi Yamamoto, Akihiko Shiota, et Sachi Hamano, l’une des seules femmes réalisatrices de cinéma érotique japonais.
C’est une programmation très dense…
Ce qui renforce le point fort du festival : il s’agit d’un lieu de rencontres. Tout passe par un système D lié au fait que nous n’ayons pas de subvention. Ce festival est fait de belles rencontres : ce sont des professionnels bénévoles qui y travaillent et permettent de mener à bien ce projet à travers une belle communauté.
Dans le titre de cette édition, il y a une injonction, comme une ode à une forme de liberté, de libération du corps… Dans le même temps, les réseaux entretiennent une certaine hypocrisie vis-à-vis de la nudité, du sexe. J’ai cru comprendre que Facebook avait fermé la page du festival, comment expliquez-vous la censure sur les réseaux sociaux de ce genre de projets ?
C’est un réel décalage entre ce qui est visible et le fond du discours qu’on défend. Les gens sont intrigués par Montre tes nippons, il y a quelque chose de mutin, de coquin…
Et dans le même temps le contenu est sérieux, artistique et nécessaire. Les réseaux sociaux voient une paire de fesses et ne vont pas chercher plus loin.
C’est une censure à priori sans considération de la dimension artistique du projet.
Exactement. La bande annonce du Festival a été elle-même censurée… Le fait est que la communauté qu’on a sur Facebook compte 10 000 personnes. Pour un festival qui existe depuis 5 ans, ce n’est vraiment pas négligeable… C’est le seul médium qu’on peut utiliser pour valoriser le contenu de notre programmation, et ils suppriment notre page à deux semaines de l’événement. C’est tout aussi frustrant que regrettable.
Il faut relever qu’en complément de l’expérience visuelle et sonore qu’est le cinéma, vous proposez des événements impliquant les autres sens, comme l’odorat notamment… Peux-tu me parler de la séance en odorama : venez sentir le film ?
Chaque année, on s’amuse à inventer un moment à part. En ce moment, on développe un projet avec une association à Caen, pedaloCiné : tu pédalerais sur des vélos pour voir à l’écran ton film.
Le Festival parle du corps, il nous fallait donc créer quelque chose de vivifiant, l’année dernière on a créé un calendrier avec le collectif Journal d’un anosmique. Nous sommes restées en contact avec cette jeune équipe et on a décidé de faire cette séance en odorama, en collaboration avec eux qui sont éditeurs, nez etc. On a réfléchi à la séance et on a choisi le film La saveur de la pastèque, qui est à l’image du festival : à la fois beau, inventif, délicat, drôle et en même temps très fort. On distribue un carnet de gammes aux spectateurs avec de petites mouillettes, comme dans les parfumeries. Il y a sept senteurs différentes et nous diffusons des signaux dans la salle pour inviter les gens à les humer…
C’est un festival fait appel aux sens, donc, et on peut se demander dans quelle mesure le spectateur peut en devenir acteur…
L’enjeu est de ne pas figer une image mais de réfléchir à des mouvements entre deux personnages, aux parcours psychologiques de chacun dans le film, aux odeurs qui durent 15 à 20 minutes, de se retrouver plongé dans des tableaux…
Le Festival vit tout au long de l’année à travers des rencontres, des lectures au lit, expériences olfactives. Peux-tu me parler des évènements que vous programmez le reste de l’année ?
On n’en fait pas assez à mon goût, mais on est tous bénévoles dans ce festival, et on a tous des vies assez riches… On a par exemple organisé une lecture de textes érotiques au Point Ephémère, on a aussi accompagné la ressortie en salle de La Fiancée du pirate de Nelly Kaplan, et de manière générale on essaie de faire voyager la programmation : on a fait des projections à la Roche sur Yon, Bordeaux, Marseille, Rouen et Caen.
Le clou du festival : vous organisez une Fin de partie au Lieu Secret avec des artistes, performeurs, conteuses, DJ… Comment vous l’avez imaginé ?
Ce sont des connections qu’on fait au fil des festivals, des gens que l’on rencontre, notre but est d’exposer de jeunes artistes qui n’ont pas forcément de visibilité. Pour la Fin de partie, c’est la même idée : carte blanche pour les artistes. Performances, lectures de textes érotiques japonais…
Si on rate le Festival à Paris, on vous retrouve où ?
Sur la plateforme Mubi avec lesquels on a un partenariat depuis le début !
Dernier jour ! Le Festival
Du 28 juin au 1er juillet,
Reflet Médicis,
3 rue Champollion,
75005 Paris
9,30 €
Les 3 Luxembourg,
67 rue Monsieur Le Prince,
75006 Paris
Pass 15 €
La filmothèque,
9 rue Champollion,
75005 Paris
9 €
Lieu Secret,
7 rue Francis de Pressensé,
75014 Paris