Eros
Zoé Duchesne, une poupée pas en toc à la galerie Marguerite Milin
21 SEPTEMBRE . 2018
La jeune femme canadienne, ex-mannequin, connaît mieux que quiconque le poids du regard des autres sur son corps. Une telle pesanteur qu’elle a failli étouffer. Heureusement, est née « poupée », son double artistique, qui s’expose rue du Château d’Eau à Paris jusqu’à la fin du mois d’octobre.
Pas besoin de taper son nom sur Google et de voir apparaître ses campagnes pour les plus grandes marques de lingerie et ses ouvertures de magazine glossy pour savoir que Zoé Duchesne est jolie. Son regard et son visage en disent déjà beaucoup. A l’heure du fameux diktat du sois belle et tais toi (ça c’était avant), Zoé était mannequin.
Il faut dire qu’à l’âge de 9 ans elle faisait déjà 1m65 et qu’on ne cessait de lui dire, parfois de façon très (trop) appuyée, qu’elle était jolie. Pas évident pour elle. Naturellement, elle a voulu être mannequin, pour voir si elle était si jolie que ça. Elle a pu constater que oui, a connu les podiums, les stars de la photo, de la mode, le regard des hommes, des marques de luxe… Mais le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle ne nage pas dans le bonheur.
Un jour, en rentrant chez elle, Zoé se regarde dans la glace, s’ébouriffe les cheveux, se barbouille de rouge à lèvres et retourne son appartement sens dessus-dessous. Poupée était née. Un double photographique, qui interroge sa vie, la questionne. C’est la première photo de cette exposition que consacre à la jeune artiste la galerie Marguerite Milin et qui va bien au-delà d’une démarche féministe à la Orlan, sur le thème « réapproprie-toi ton propre corps ».
Avec subtilité et beaucoup de travail (toutes les mises en scène, les photos et les installations ont été conçues par la jeune femme), Zoé Duchesne fouille son identité de femme à la recherche de réponses fondamentales de l’existence : qui suis-je, ou vais-je, et dans quel état j’ère ? Cet accrochage très bien réalisé et pas trop didactique donne à travers des photos et des vidéos des pistes de réponses.
Sensuelle, jamais vulgaire, elle convainc qu’elle est vraiment devenue une artiste à part entière. Comme quoi le mannequinat mène à tout… à condition d’en sortir.
A.M