Gastronomie
Le Schiap, couleurs italiennes à l’Hôtel de Berri
15 OCTOBRE . 2018
L’ancien hôtel particulier d’Elsa Schiaparelli retrouve des couleurs sous le pinceau d’Hippolyte Romain et la cuillère en argent du chef Michele dalla Valle, au Schiap, le restaurant italien du récemment ouvert Hôtel de Berri. Visite en V.O.
Par Thierry Richard
(Texte et photographies)
Les restaurants d’hôtel, c’est toujours toute une histoire. Entre faire-valoir, commodité et centre de toutes les attentions, il faut faire son choix. Introduire une cohérence, trouver le fil conducteur et jouer sa partition, enfin, sans fausse note. On imagine aisément les discussions animées ou les soupirs de désespoir qui précèdent leur naissance.
Ici, dans cet Hôtel de Berri et de luxe, récemment ouvert en bordure des Champs Elysée et cachant derrière une façade classée des années 70 un autre type de classicisme gréco-latin, la chose fut plutôt aisée. Puisque l’emplacement abrita l’hôtel particulier d’Elsa Schiaparelli, créatrice de mode aussi douée qu’excentrique, gloire de l’entre deux-guerres, il semblait d’évidence d’y loger un restaurant italien (Elsa, née à Rome était italienne). On l’appela donc, en clin d’oeil, le Schiap.
Pour filer encore plus loin la métaphore, une partie du décor de ce Schiap a été confié à Hippolyte Romain qui a jeté sur les murs de cette trattoria de luxe une vaste fresque en hommage aux héros de la mode et de la vie intellectuelle parisienne. On y croise Coco Chanel, Karl Lagerfeld aussi bien que Woody Allen et Jean Cocteau. Le homard cher à Mme Schiaparelli est lui aussi de la partie. La recherche de visages connus devrait d’ailleurs devenir une manière élégante de meubler la conversation lors de dîners trop plats…
Puisque d’Italie il est question, c’est un chef toscan qui emballe le bel canto des cuisines du Schiap. Michele dalla Valle, passé à l’Armani Caffè, au Relais Plaza et au Meurice, y déploie des assiettes louvoyant entre classiques italo-champs-elyséens et créations trattoriesques bienvenues même si, parfois, elles semblent ignorer les saisons.
Le “Vitello tonnato e fregola alla genovese” est très réussi, mêlant candeur, fraîcheur et vivacité d’une entrée qui pourrait jouer les plats principaux. La “Burrata d’Andria, piselli, rucola”, servie en offrande dans une belle assiette noir et blanc, évite le banal de la tomate pour rouler sa bosse aux petits pois croquants comme on les aime.
Côté pasta, les “Ravioli farciti con spinaci, ricotta e limone candito” ramènent ce qu’il faut de douceur et d’onctuosité, mixant épinards et citrons confits dans un concerto très italien. Petite déception en revanche sur les “Scaloppina di vitello al limone e fave” où de belles escalopes de veau donnent la réplique aux fèves en version paysanne mais dans une sauce beaucoup trop liquide. On se rattrapera sur le “Tiramisu classico” qui, comme il le clame, trace son sillon tradi avec bonheur et crémeux.
La clientèle du Schiap est telle qu’on peut l’imaginer, brassant costumes-cravates du quartier, jupes et hauts talons et sneakers touristiques. On aimerait y croiser le soir venu une faune plus authentiquement parisienne telle qu’Elsa Schiaparelli l’aurait aimée. Cela viendra peut-être.
T.R.