Gastronomie
Joia, le bistrot à prix astro d’Hélène Darroze
26 NOVEMBRE . 2018
Cela faisait bien longtemps qu’exilée chez les grands bretons dans les cuisines du Connaught, nous n’avions pas de nouvelles d’Hélène Darroze, chef star des années 2000. La revoilà sous les feux de l’actualité parisienne avec l’ouverture de Joia, son bistrot “comme à la maison”, déjà unanimement célébré. Et pourtant…
Thierry Richard
(Textes et Photographies)
Le tout-paris de la gastronomie a fait ses gorges chaudes à l’annonce du retour d’Hélène Darroze dans la capitale. Exit le gastro (sa table de la rue d’Assas après avoir connu le bonheur de deux étoiles Michelin en 2003 n’en affiche plus qu’une au compteur), bonjour le bistrot. Mais au-delà des emballements intempestifs et des effets de mode, que vaut vraiment Joia ?
L’expérience avait mal commencé. Réservation impossible sur le site Internet pour cause de bug inconnu, 12 (le chiffre est vrai) appels pour tenter de joindre le restaurant sans que personne ne décroche. Tant pis, allons-y la fleur au fusil, un peu tôt pour éviter le rush des maniaques du 2 couverts à 13h (Emmanuel si tu me lis…)
L’adresse est pleine comme un oeuf mais heureusement, il reste deux tables à l’étage. Nous voici donc propulsés sur un beau canapé rouge dans cette salle au décor très réussi évoquant, avec ses boiseries sombres, murs écarlates, canapés de velours profond, fauteuil panthère, banquettes de cuir et bar géant rétro-éclairé un New York des beaux quartiers. On préfère d’ailleurs nettement cette ambiance à celle de la cuisine ouverte et table d’hôte aux reflets métalliques du rez-de-chaussée, nettement plus lugubre et à l’éclairage paresseux. Une chouette réussite donc que ce décor cosy et chic.
Côté cuisine, la promesse d’une cuisine de ménage, bourgeoise mais pas trop bohême s’affiche à la carte. On y trouve quelques produits du Sud-Ouest, région originelle d’Hélène Darroze, native de Mont-de-Marsan) à l’image du Jambon noir de Bigorre ou du Poulet jaune des Landes. C’est joliment fait, sans extravagance ni surprise.
La “Terrine de canard sauvage au foie gras et figues sèches” a du corps et de la mâche, la “Truite de Banka rôtie à l’oseille, crème citronnée” moelleuse et alanguie se réveille grâce à sa sauce verte pétaradante et gentiment acide, la “Palombe flambée au capucin, embeurrée de choux de Pontoise, jus de salmis”, cuite parfaitement à la goutte de sang, très réussie, jouit d’un beau répondant et d’une réelle solidité giboyeuse.
Les desserts font mieux que de jouer les utilités : la “Pavlova aux fruits rouges, chantilly à la citronnelle” est d’une belle fraîcheur. Quant au dessert instagrammé sur tous les fronts, le “Mille-crêpes au thé matcha, crème au yuzu”, il révèle des saveurs un peu plates malgré son architecture toute de hauteur. Heureusement la crème de yuzu qui l’accompagne lui donne un peu de relief…
C’est bien fait, pas bouleversant mais agréable au palais. C’est moins le cas pour le portefeuille. Car l’addition grimpe vite : la moitié des plats proposés à la carte (entre 21 et 32 €) sont pour 2 et ne comprennent pas les accompagnements (compter 7 € pour des carottes au miel et à la feuille de laurier et 6 € pour une salade d’herbes).
Un peu exagéré pour une adresse qui se revendique “bistrot”, qui plus est dans un quartier en plein renouveau mais qui n’est ni le 6ème, ni le 8ème. Surtout si l’on évoque le service, oscillant entre indifférence volontaire et bonhomie candide…
On réservera donc ce Joia aux rendez-vous réglés à coups de notes de frais. Ah oui, j’oubliais, Joia signifie “joie” en occitan. Joie de donner ou de recevoir ? La question reste entière.
T.R.
Joia
39 rue des Jeûneurs
75002 Paris
Téléphone : 01 40 20 06 06
Fermé le dimanche
Menus déjeuner à 24 € et 29 € (menu unique sous forme de semainier)
A la carte compter entre 50 € et 70 €
Métro : Grands Boulevards