Gastronomie
La clarté « haute-cuisine » de Pilgrim
05 NOVEMBRE . 2018
On a beaucoup vanté, ici et ailleurs, le talent de ces chefs japonais revivifiant la gastronomie hexagonale de leur technicité irréprochable et de leurs influences lointaines. Même si, franchement, on s’est pas mal ennuyé chez certains d’entre eux. Chez Pilgrim en revanche, pas le moindre bâillement mais du bonheur doré sur tranche. Mise en lumière.
Thierry Richard
(Texte et photographies)
Il faut monter quelques marches. La vaste cuisine ouverte, organisée autour d’un immense ilôt central comme un carré au long cours, surplombent la salle aux tonalités scandinaves. Tables de bois clair bien espacées, grands traits de lumière du jour, sièges architecturés Copenhague années 50, minimalisme décoratif et quelques orchidées blanches pour la sophistication : voilà pour les bancs des spectateurs.
En surplomb, du haut de leur estrade magnifique mêlant transparences et reflets métalliques, s’activent les tabliers proprets d’une brigade nombreuse et affairée, placée ici sous la houlette du chef Terumitsu Saito (ancien du Grand Véfour et du Mandarin Oriental) à qui Hideki Nishi (également chef de Neige d’été, une étoile Michelin, à deux pas) a confié les fourneaux.
Nos yeux n’auront de cesse, durant tout le déjeuner, d’osciller entre la beauté des assiettes défilant sur notre table et le ballet de la cuisine à l’activité permanente. Beauté des assiettes ? Assurément, tant chez Pilgrim on cultive ce goût très japonais des constructions épurées qui racontent une histoire au premier coup d’oeil. Sans, bien sûr, négliger pour autant le travail des saveurs.
Ici le raffinement des plats n’est pas intimidant. Au contraire, il s’impose comme une vérité claire et limpide, un choix radical et gourmand. Cela démarre avec un “Oeuf parfait, mousseline de brocoli”, joliment mis en scène, onctueux et profond, où le quinoa torréfié, la poudre d’olive noire et l’amarante jouent les contrepoints. Le “Tataki de veau, salade de champignons” se présente virginal, cachant sa crème d’avocat et ses oignons marinés sous une belle composition blanche. L’automne entre ensuite en scène avec les “Légumes de saison mijotés”, mixant carottes, panais, chou, fanes de carotte, riz noir soufflé dans un ballet de couleurs sourdes et de saveurs puissantes.
Le “Lieu jaune, risotto citron”, présente son poisson nacré “ikejime” qu’accompagne un risotto de pâtes langue d’oiseaux et de haricots beurre joyeusement citronné qu’éclaire de son vert tendre une écume de roquette, cerfeuil et ciboulette. Plus robuste, le “Cochon Mac Meignan, déclinaison de navets” compose un beau tableau de cochon rôti à la cuisson impeccable crousti-fondante, de ravioles de navet au miso et de fane de navet croquante. Quand la gourmandise se fait sophistiquée…
Mention spéciale à Marie Blanche Robillart, la chef pâtissière, pour ses desserts de saison conjuguant inventivité, douceur et savoir-faire, à l’image du “Pin, poire fumée, miel et chocolat” où la poire pochėe et fumée au miel de châtaignes et épines de pin, s’accompagne d’une glace au chocolat blanc et épines de pin, d’un sablé chocolat et de noisettes torréfiées. Sans oublier une pointe végétale donnant à l’ensemble des reliefs de sous-bois. Un délice pour les yeux et la bouche. Un grand talent à suivre.
Si l’on ajoute à cela une carte des vins intelligente et bien garnie et un service très attentif, nul doute que l’on tient là un de ces petits gastros qui, dans l’ombre, préparent avec talent la relève parisienne. Une future étoile, en somme…
T.R.
Pilgrim
8 rue Nicolas Charlet
75015 Paris
Téléphone : 01 40 29 09 71
Fermé dimanche et lundi
Menu déjeuner (4 services) : 45 €
Menu dîner (7 services) : 90 €
Métro : Pasteur