Culture
Bon Voyage : 50 destinations chic et éthiques sélectionnées par Clara Le Fort
26 AVRIL . 2019
C’est une tendance forte, mieux que cela, une vague de fond qui, chez les Grands Ducs, pourrait s’apparenter à notre ligne éditoriale “voyages”. Dans une quête perpétuelle de sens et une recherche de responsabilité environnementale, le néo-voyageur moderne s’attache à sélectionner ses destinations selon de nouveaux critères. Plus éthiques. Rencontre avec Clara Le Fort, journaliste et précurseur de ce mouvement.
Propos recueillis par Thierry Richard
(Photo à la Une : Ani Villas – Mikael Benard)
Dans un livre qui vient tout juste de paraître aux très chics Editions Gestalten, “Bon Voyage : Boutique hotels for the conscious traveler”, Clara Le Fort, journaliste indépendante, a compilé le fruit d’années de voyages aux quatre coins de la planète à la recherche des spots les plus incroyables et à l’empreinte écologique la mieux maîtrisée.
Elle y a rassemblé pour nous une cinquantaine de destinations étonnantes, des jungles d’Afrique aux escapades citadines en passant par des îles perdues au milieu de nulle part. Sans jamais sacrifier à ce qui fait une halte inoubliable (qualité de l’accueil, design, gastronomie remarquable…) son attention s’est aussi portée sur la démarche d’éco-responsabilité engagée par ces lieux tant dans leur approche du séjour que de l’impact sur les populations et l’environnement local. Une grille de lecture qui ne pouvait que nous plaire.
Il en ressort un magnifique ouvrage qui pourrait bien nous servir de boussole pour les années à venir.
Il fallait donc que nous rencontrions Clara et lui posions quelques questions.
- Clara Le Fort, comment vous est venue l’idée de ce livre ?
Je suis obsédée par l’idée de l’impact positif. Donc le point de départ était : « quels sont les hôtels où le prix du séjour a le plus grand impact positif sur l’artisanat local, une architecture intelligente, des produits récoltés à proximité, une école, les animaux, etc. » Comment le voyage peut-il devenir ‘bon’ – sous-entendu vertueux, meilleur.
- Cette préoccupation pour le voyage « éthique » vous a-t-elle toujours habitée ?
Oui ! Quand j’étais enfant, nous allions en Himalaya car mon père y travaillait. En tant qu’homme de sciences, il nous a transmis des valeurs fortes : la préservation de la planète, des écosystèmes existants, et le respect de l’humain, quel qu’il soit. Elles ne m’ont jamais quittées et se révèlent d’autant plus vives que la planète va mal. Les solutions existent et regarder le monde avec ‘éthique’ permet des rencontres extraordinaires.
- Avez-vous le sentiment qu’il s’agit là d’un marché en croissance rapide ?
C’est une évidence, car les citadins cherchent de plus en plus une respiration : un contact avec la nature, avec l’humain, le contact avec les éléments voir une forme de mindfulness (spiritualité contemporaine). Dès que l’on place le vivant au-dessus (avant ?) la ‘consommation à tout prix’, on voyage différemment. Avec l’arrivée de la nouvelle génération, qui a cette conscience là, l’engouement ne peut que s’accélérer.
- Les grands groupes hôteliers sont-ils aussi engagés dans cette voie ou cela ne concerne-t-il que des établissements de petite capacité ?
J’aurai tendance à dire que les groupes hôteliers qui répondent à des actionnaires sont motivés par le profit. Un des essais du livre est « Nature over Profits », où je parle du fait que nous vivons dans une économie de l’extraction. Les grands groupes la valorisent cette économie là, à quelques belles exceptions près comme ALILA, Explora, Singular ou Six Senses. Certains groupes familiaux font par ailleurs des choses remarquables comme Coucoo. Il faut aussi être réaliste, quand on emmène un seul lieu, il est plus facile de mettre en place des initiatives intègres – même si l’impact positif, global, est moindre. Il faut que les grands groupes s’inspirent des initiatives individuelles pour accélérer le changement (l’objectif premier de ce livre). Nous sommes tous à bord du même navire !
- Comment avez-vous effectué votre sélection ? Sur quels critères ?
Je suis essentiellement partie de projets, lieux, groupes ou personnes que je connaissais. L’intégrité, l’honnêteté, le combat, l’humanisme, le partage, l’aide au population locale (approche non colonialiste !), la quête du beau étaient des critères importants.
- Vous avez vraiment visité tous ces lieux ?
Une grande majorité. Et oui, j’ai – à l’échelle de ma vie – une empreinte carbone détestable ! je la compense en essayant de faire les choses bien !
- On peut donc être chic, luxueux et éthique ?
Evidemment ! On est même encore plus chic quand on a une conscience, non ? Loro Piana ou Hermès font cela très bien. J’ajouterai même qu’avoir une éthique rend beau, lumineux ! Etre chic et éthique c’est être fondamentalement bien dans sa vie.
- Pourriez-vous nous donner deux ou trois de vos adresses préférées piochées dans cette vaste sélection et nous expliquer en quoi elles vous touchent particulièrement ?
Difficile, nous en avons sélectionné 50 sur plus de 150 que j’aimais !! L’approche architecturale de Studio KO au Berber Lodge (au Maroc). L’exemplarité des cabanes en bois et du concept des éco-domaines Coucoo (en France). Les valeurs de Barrocal, dans l’Alentejo qui cultive ses propres légumes, préserve une architecture bicentenaire, fait sa propre huile d’olive. La vision unique de Shipwreck Lodge qui permet de découvrir une région unique en Namibie avec une empreinte réduite au minimum. L’engagement de Ani Villa Dickwella au Sri Lanka – réalisé de manière exemplaire par les architectes AW2 – qui a construit une école d’art et permet à des jeunes d’être diplômés chaque année. En fait, chaque projet est dans ce livre car il a une approche exemplaire.
- Une version en français est-elle prévue prochainement ?
Non. Anglais et allemand seulement.
Bon Voyage (en anglais uniquement)
Clara Le Fort
Editions Gestalten
288 pages – 39,90 €