Gastronomie
Bouillon 47 : la convivialité bien mijotée de Rémi Lazurowicz
13 MAI . 2019
Le duo de Fulgurances, trend-setters bien avisés de la jeune cuisine, avait créé les dîners “Les seconds sont les premiers”. Car plus qu’une mode, c’est une réelle tendance : l’envie d’autonomie de jeunes chefs, pas encore blanchis sous le harnais, de s’affranchir de leurs maîtres à cuisiner pour ouvrir leurs propres restaurants. Un “chez eux” vécu non pas comme un aboutissement mais plutôt comme les prémices de nouvelles aventures. Alors quand un second de Bruno Doucet reprend l’adresse ouverte il y a quelques années par un second de Jean-François Piège, nous, on va voir de quoi il retourne.
Par Thierry Richard
(Texte et photographies)
Tout est dit sur le tirage photographique géant qui vous attire l’oeil en rentrant chez Bouillon 47. Un déjeuner de plein air sans prétention où la bonne humeur mâtinée de chic à la française règne en noir et blanc. Ce pourrait être n’importe quel groupe d’amis. Sauf qu’ici ils fument à table et s’appellent Serge Gainsbourg et Jane Birkin.
Cette photo chinée par le jeune chef Rémi Lazurowicz, passé par les fourneaux de la Régalade, est une profession de foi. L’envie farouche de faire de ce Bouillon 47, une table chaleureuse, généreuse et ouverte aux amis. Un lieu où l’on aime revenir. Le décor lui-même tricote d’ailleurs gentiment cette atmosphère des années 70, insouciante et optimiste. Table d’hôte, mini-comptoir géométrique, miroirs ébréchés, suspensions design et un bleu profond pour emballer le tout. Peu de pièces sur les murs en attente de nouvelles acquisitions photographiques.
La clientèle qui ne rechigne pas à franchir quelques arrondissement pour rejoindre ces lieux (c’est de plus en plus rare) remplit la salle de ses humeurs joyeuses et fait grimper juste ce qu’il faut les décibels. Sautet n’est pas loin.
Les hostilités s’ouvrent sur un amuse-bouche qui donne le La. Un pâté croûte de pommes de terres, recette de l’Allier et de la grand-mère du chef né à Montluçon, dont on accompagne la rondeur et le sablé d’un verre de Macon Village “Les Sardines” de Robert Denogent. Avant-propos parfait.
Puis le talent et l’imagination du chef font le reste. Des entrées franches du collier et bien balancées comme cette intrigante et délicieuse “Soupe froide de citron, magret fumé, chèvre frais au paprika, croûtons dorés” frissonnante, cette “Poêlée de couteaux, condiment gingembre” très parfumée ou le “Saumon gravlax, gel d’aneth, fromage frais, sucrine” gras comme on l’aime.
Ravis, on enchaîne et le ton monte : “Quasi de veau, gnocchis citron, carottes glacées, prosciutto, jus à la sauge” tendre comme un baiser, aux gnocchis fondants et acidulés, “Queue de lotte rôtie au beurre, écrasée de rattes, condiment céleri et pomme grany” où le poisson parfaitement non-cuit enrobe le palais, accompagné d’une famille de légumes aux saveurs fondues, des pommes de terre au fenouil braisé en passant par une brunoise combinant la vivacité et le croquant du céleri branche, de la pomme, de quelques croûtons juste assaisonnés d’huile d’olive, de citron et de fleur de sel. C’est parfait de générosité et de goût.
L’assiette de fromage affinés est on ne peut plus locavore puisqu’elle provient de la ferme Saint-Hubert, crèmerie réputée, situé sur le trottoir d’en face. En dessert, saveurs fraîches et mordantes d’un “Crémeux citron, shortbread écossais, meringue italienne, sorbet basilic”.
On gardera de ce dîner de beaux souvenirs, une belle compagnie, une atmosphère chaleureuse, un service empreint de bienveillance, une réelle envie de bien faire et de donner du plaisir. Tout ce que l’on aime au restaurant.
Il faudra néanmoins y mettre – un peu – le prix (le menu déjeuner est plus abordable) et, même justifiée par de très bons produits, on regrettera – un peu – l’abondance de suppléments à la carte. Mais quand on aime…
T.R.
Bouillon 47
47 rue de Rochechouart
75009 Paris
Téléphone : 09 51 18 66 59
Fermé le dimanche et le lundiFormule déjeuner : 21 € (entrée-plat ou plat-dessert)
Menu Carte : 42 €
Menu dégustation (6 services) : 80 €
Métro : Anvers, Cadet, Poissonnière