Sport
Rencontre : Romain Pilliard, coureur au large et marin écolo
16 MAI . 2019
Après avoir avoir parcouru le monde, navigué et travaillé dans les plus beaux endroits – souvent souillés par la pollution – Romain Pilliard, 42 ans, coureur au large et partenaire de la marque horlogère suisse Ulysse Nardin, s’est lancé dans le combat d’avenir de l’économie circulaire. Rencontre avec le marin à l’occasion du Tour de Belle-Île…
Plus de 300 bateaux à voile sont attendus dans la baie de Quibéron ce samedi pour la course : des trimarans de plus de 20 m, des monocoques de 60 pieds, une escouade de Figaro-Bénéteau 2 et 3, des voiliers de plaisance à partir de 6 m au milieu de Classe 40 très sportifs… A bord, des skippers de renom aux côtés de “voileux” du dimanche. Une flotte très éclectique et près de 2000 marins pour un départ spectaculaire le long d’une immense ligne, programmé à 10 h. C’est la 11è édition du Tour de Belle-Île, qui fait la fierté de son fondateur-organisateur, Romain Pilliard, lui-même coureur au large. Mais pas que !
A 42 ans, l’homme a surtout couru le monde avec sa petite famille et pas toujours sur l’eau, même si les activités nautiques n’étaient jamais loin. Car comme nombre d’enfants qui passent leurs vacances à la mer, le petit Parisien a très vite été mis dans le grand bain de la voile, à Carantec. Et il aime être sur l’eau. Au point d’être membre actif de la section voile de l’ESSEC quand il était étudiant…
Premiers ébats et faits d’armes
Ce penchant le conduit après ses études à s’aligner à la Solitaire du Figaro en 2000 et 2001. Le championnat de France de la course en solitaire dont l’esprit de compétition est poussé au paroxysme, l’emballe moyennement. Il se tourne alors vers les régates en équipage : Tour de France à la voile puis IMOCA 60 pieds avec Ellen Mac Arthur sur son Kingfisher. A l’époque, la jeune anglaise est reconnue par ses pairs, skippers hauturiers, après sa 2e place dans le Vendée Globe 2000-2001.
Romain enchaîne ensuite les embarquements sur les grands multicoques – championnat des ORMA 60, puis des MOD 70 – des bateaux puissants qui ont besoin d’équipiers aguerris. Régates tous les week-end au large des côtes bretonnes, normandes, anglaises… C’est la belle vie, celle des coureurs du large, qui ne s’accommode pas toujours de la vie de famille. Alors, avec sa femme Aurélie, il crée en 2004 EOL, une agence de marketing sportif, histoire de mettre en pratique les enseignements de l’ESSEC sans s’éloigner de son terrain de jeu favori. Clientèle d’entreprises, coaching de marins, recherche de sponsors, EOL surfe, ces années-là, sur un secteur qui a le vent en poupe.
En 2008, le couple crée le Tour de Belle-Île, une régate d’un jour, ouverte au plus grand nombre de voiliers, avec un seul départ et un seul parcours : le tour de l’île chérie par Sarah Bernhardt. Le succès ne s’est pas démenti depuis dix ans.
La prise de conscience
Cette année, l’édition sert de tremplin au plaidoyer pour l’économie circulaire, le nouveau combat de Romain, à l’image de celui que Dame Ellen mène depuis qu’elle a renoncé à la course au large après sa formidable performance en solitaire autour du monde sur le trimaran Castorama, en 2005. Celui-là même que notre nouvel avocat du recyclage a récupéré, il y a 18 mois, en piteux état sur un quai de Brest. Il l’a entièrement réarmé avec du matériel déclassé par les avancées technologiques ou jugé amorti (même si encore en bon état) par d’autres skippers de très grands trimarans, pour s’aligner dans la dernière Route du Rhum-Destination Guadeloupe. Et malgré de sérieuses avaries, Romain Pilliard a terminé 4e (sur 6) de cette épreuve mythique.
Pendant des années, Romain et sa famille ont couru le monde, en avion, de la Californie à la Polynésie, de la Nouvelle-Zélande à la Chine, sans trop se soucier de leur impact carbone… En posant leurs sacs à Shanghai, le couple prend conscience de la gravité de la situation. ”On a adoré ce pays, mais on ne peut qu’être choqué par la pollution, l’air irrespirable, l’eau non potable, le dérèglement climatique” explique le marin entrepreneur. Les fondateurs d’EOL, n’écoutant plus que leurs fibres entrepreneuriales et leurs responsabilités parentales, décident de ne plus être spectateurs de cette dégradation de la planète. Ainsi naît le projet Use it again, qui voit le jour en France et prend forme en retapant le Castorama à l’abandon.
L’économie circulaire, version maritime
Romain sait être convaincant. C’est ainsi qu’il séduit l’horloger suisse Ulysse Nardin qui n’a pas oublié ses racines marines à l’époque où il était fournisseur des chronographes nécessaires pour faire le point en mer.
Use it again est aussi parfaitement en phase avec les objectifs d’un jeune entrepreneur normand hyper dynamique, Matthieu Millet, fondateur de Remade. Les 700 employés de la société installée dans la Manche, à Poilley, donnent une seconde vie à des produits high-tech (iPhone en tête). Recyclage des winch, des écoutes ou des portables, même combat auquel Romain veut rallier le plus grand nombre de navigants.
Il est cette année, pour la première fois, sur la ligne de départ du Tour de Belle-Île, pour faire flotter haut les couleurs de l’avenir de l’économie circulaire… Et les affiches de l’événement ont été imprimées sur l’envers de celles de l’an dernier !
P-M.C