Gastronomie
Aux Origines, la cuisine délicate et précise de Julien Boscus
17 FéVRIER . 2020
L’ouverture d’un premier restaurant est un marqueur profond des ambitions d’un chef. Bistrot ou gastro ? Paris Ouest ou Paris Est ? Julien Boscus, déjà étoilé aux Climats (Paris 7) en 2015, ne cache pas ses ambitions. Avec Origines, son premier restaurant en propre, il place la barre à hauteur de Michelin. Démonstration d’un talent sur lequel il faudra compter.
Par Thierry Richard
(Texte et photographies)
L’endroit n’est pas très grand – on y dresse 35 couverts à peine – mais il respecte tous les codes d’un restaurant parisien de luxe. Une décoration soignée où le bleu est roi, les matériaux nobles (très jolies tables en noyer massif et au piètement en fer forgé), les fauteuils profonds et confortables, la cuisine avec vue, les arts de la table choisis avec goût, le beurre artisanal sur table et le pain de Poujauran craquant comme une écorce de pin maritime au mois d’août.
Il règne chez Origines une atmosphère paisible, presque recueillie, où l’espacement convenable des tables éloigne les conversations à bonne distance. La clientèle de gourmets que l’on y rencontre peut venir de loin, attirée ici par la réputation de son jeune chef ou de près, de ce quartier du bas des Champs Elysées où les affaires sont les affaires. Mais tous se croisent ici mus par un amour partagé du beau, du bon et de la discrétion.
Il faut dire que Julien Boscus, aux origines aveyronnaises passé par les cuisines du Meurice et de Pierre Gagnaire, y fait preuve d’un talent de haut niveau. Ses assiettes sont savamment composées pour conjuguer technicité et générosité, rigueur et poésie, avec une belle dose de créativité en prime ! Il travaille avec bonheur les pièces les plus nobles comme les plus simples, mettant un point d’honneur à sourcer des produits rares comme les poissons du Lac Léman, souvent proposés à la carte.
La démonstration s’ouvre côté menu du jour avec un “Veau rosé basque”, présenté en tartare, assaisonné d’une fine mayonnaise iodée, de moules et de radis d’hiver, avec quelques chips de topinambour : c’est frais, léger, délicat.
On pourra aussi à la carte s’essayer à l’une de ces compositions originales dont le souvenir restera en mémoire, les “Oursins de Galice en deux services”, d’une part au naturel, avec un crémeux de fenouil (délicate saveur anisée) et un granité d’orange sanguine Moro servi dans une coque d’orange carbonisée, mimant l’oursin, et en bisque avec pâtes artisanales des Pouilles. C’est magistral de maîtrise et d’inventivité. Tour à tour frais et crissant puis doux et caressant, mais toujours puissant.
Même maîtrise avec les plats principaux. Qu’il s’agisse d’une rare “Féra sauvage du Lac Léman”, grillée sur la peau, avec son chou pak choï et jus de viande agrémenté de Savagnin, et servie avec des crozets au sarrazin ou d’un “Ris de veau Maison Vadorin”, doré au sautoir, à la consistance crousti-fondante, posé sur un velours de cresson de Méréville au beurre noisette, et parsemé de citron cédrat et de poutargue de l’Ile de Groix.
Beau contraste de saveurs où la terre et la mer créent l’harmonie entre poisson d’eau douce, jus de viande d’un côté et abats et saveurs iodées de l’autre, avec le petit plus d’une légère acidité vivifiante apportée par le cédrat, comme sur une grenobloise.
Auprès de Julien Boscus, c’est la jeune hollandaise Laura Vervoort qui réalise les pâtisseries d’Origines. Et, là encore, de fort belle manière. L’“Irish coffee”, avec son parfait au café, sa ganache Jivara, son gel au whisky, crème fouettée à la vanille et croustillant de céréales, se nappe d’une sauce Bailey’s qui, dès la première bouchée, fait remonter des souvenirs de jeunesse. Avec précision et délicatesse, sans forcer sur le sucre.
Pièce maîtresse de la carte, la “Tarte soufflée au chocolat”, ravira les amateurs avec sa pâte sucrée au cacao, sa ganache Caraïbes 66%, surmontée d’un appareil à soufflé lui donnant belle allure et accompagnée d’une crème glacée aux baies de Timut aux légères notes d’agrume.
Côté vin, les conseils furent judicieux qui, pour accompagner de vin blanc ces moments rares, déposèrent dans nos verres un Chablis de Dauvissat en 2012 et un Château de Fosse Sèche d’Adrien et Guillame Pire en cuvée Arcane.
Nul doute que l’on assiste ici aux origines d’une belle aventure, de celles que l’on aime suivre, où le talent d’un chef et d’une équipe rencontre avec bonheur les goûts de l’époque. Ou, plus simplement, les nôtres.
T.R.
Résumons
Atmosphère : Un cocon contemporain chaleureux et accueillant où le bleu domine.
Le plat à ne pas louper : L’oursin en deux services ou le gibier traité avec délicatesse, en saison.
Liquides : Belle carte des vins mixant classiques et pépites.
Prix : On est en plein 8ème, dans un gastro de haute tenue, faut-il en dire plus ?
En pratique
Origines
6 rue de Ponthieu
75008 Paris
Téléphone : 09 86 41 63 04
Fermé samedi et dimanche
Réservations acceptées
Menus déjeuner à 44 €
Menus dégustation à 85 €
A la carte compter entre 70 € et 80 €
Métro : Saint-Philippe du Roule