Gastronomie
Petit guide de survie pour l’amateur de spiritueux, nos 5 essentiels
09 AVRIL . 2020
A l’heure qu’il est, le niveau des bouteilles de nos bars est comparable à la probabilité de voir se tenir Rolland-Garros ou le Festival de Cannes cette année : faible. La bonne nouvelle est cependant tombée le 15 mars dernier. Le Gouvernement autorise l’ouverture des “commerces de détail de boissons en magasin spécialisé”. Autrement dit, nos cavistes nous accompagnent dans cette épreuve, en restant ouverts ! Histoire de se prémunir au mieux, voici une liste non-exhaustive de quelques flacons à déboucher d’urgence à l’heure de l’apéritif ou du digestif pour lutter contre le Corona.
Par Yves Poupon
1. Arran Sherry Cask “The Bodega”
Notre premier malt est écossais. Une évidence quand on aborde les spiritueux… A quelques miles nautiques au large de Glasgow, l’île d’Arran compile, dit-on le meilleur de l’Ecosse. Entre paysages de bruyère, montagnes ancestrales et falaises plongeantes dans l’Atlantique, la distillerie indépendante, située sur la partie septentrionale du rocher est l’une des attractivités locales. Relativement récente sur la carte du scotch, Arran a su se faire un nom et une place.
Récemment, la gamme à été relookée et les packagings dépoussiérés, offrant un flacon court et un étiquette épurée particulièrement réussie. A cette occasion, la distillerie vient de présenter un whisky passé en fût de Xérès. Non-filtré à froid, présenté à 55,8% dans sa couleur naturelle acajou, ce nectar convoque en dégustation de jolies notes de figues mûres et de cerises bigarreau. La finale longue et élégante évoque à merveille la rencontre du chocolat, du poivre rose et de la noisette. Un atout précieux pour accueillir le printemps avec délice, depuis son balcon.
2. Woodford Reserve Bourbon
Notre deuxième est bourbon, et américain. Woodford Reserve reste l’une des pépites du Kentucky, l’etat le plus prolifique en matière de bourbon. Élégant, son flacon rectangulaire ne manque pas de panache quand on s’active à préparer un Old-Fashioned ou un Manhattan.
Raisonnablement gourmand sans tomber dans le cliché du bourbon trop “chamallow”, servi sec ou sur glaçons il est épatant. Une jolie combinaison de notes épicées qui oscillent lentement sur des notes plus florales, explosent en bouche. Un passe-partout, donc, qui donnera du relief à votre bar et vos soirées confinées.
3. Hampden Pure Single Rum
Notre troisième est longtemps passé sous les radars, mais possède pourtant une histoire rhumière très riche… J’ai nommé la Jamaïque ! On l’oublie mais elle fut le plus important producteur de sucre au monde. De ce fait, même, elle demeure le coeur battant des rhums de types anglais, autrefois servis aux matelots de la Royal Navy.
Ses spiritueux aux caractères charpentés se sont constitués une place de choix sur les étals de nos cavistes. Ils trustent désormais les rangs des incontournables pour les amateurs de rhums vieillis.
Parmi les Worthly Park, les Appelton Estate, Hampden se présente comme l’une des expressions les plus intéressantes. Avec une fermentation longue de près de 7 jours et sans aucune levure ajoutée, l’eau-de-vie prend une ampleur incroyable en bouche.
Vieillie sous les tropiques pendant 7 ans, l’eau de vie épouse à merveille le boisé du fût révélant une étonnante complexité en dégustation. On part sur de jolies notes épicées, de fruits mûrs avec une structure bien charpentées caractéristiques de ce type de rhum. Un détour inédit qui ravira les amateurs de nouveaux territoires gustatifs autant que des amoureux de belles eaux-de-vie. Dépaysement garanti !
4. Caorunn Gin
Notre quatrième fait un retour fracassant. Il s’agit du gin, bien sûr, qui s’impose un peu partout dans l’hexagone et face à l’offre, le choix du flacon demeure parfois complexe à l’heure de l’apéritif. Dans cette offre prolixe, le Caorunn gin, prononcez “ka-roun” se démarque par sa simplicité et son équilibre, directement inspiré de la nature environnante de la distillerie située dans un coin reculé du Speyside, au nord de l’Ecosse.
Ce “small-batch” (petite cuvée) est distillé dans un alambic, autrefois utilisé pour recueillir les huiles essentielles. Onze ingrédients glissent le long des parois en cuivre de l’alambic, formant au final un distillat délicat. Frais en bouche, avec de subtiles notes de bruyères et d’agrumes, ce gin offre une étonnante sensation délicatement parfumée. On l’appréciera en tonic de qualité en apéritif ou, pourquoi pas, à l’heure du Negroni voire du Martini bien serré.
5. Armagnac Domaine de Charron 2004
Mon dernier est cocorico ! Impossible de passer à côté de ce qui reste l’un de nos fleurons nationaux en matière d’eau-de-vie, l’Armagnac. Le Domaine de Charron est l’une des pointes de cette catégorie d’alcools trop souvent relayée à la ringardise. Pourtant, en dégustation pure, les atouts du flacon révèlent un parfait équilibre de ce qui se fait de mieux en la matière.
Rappelons l’essentiel : l’Armagnac est un spiritueux distillé à base de raisins, vieillis par la suite dans des fûts de chênes locaux. On distille entre 3 départements du sud-ouest, le Gers, le Tarn et Garonne et les Landes. Excellente référence, le domaine de Charron est landais, et cavale dans des vignobles uniquement constitués de cépage Baco. Les embouteillages sont présentés en brut de fûts et rencontrent depuis plusieurs années un très bon accueil sur la scène internationale.
Ne manquez pas le millésime 2004 (mais tout ce qui touche de près ou de loin au Domaine vaut le coup). Son passage en fût de chêne gascon révèle de somptueuses notes de fruits confits, de tabac et de pruneaux. Un régal à savourer en digestif, où la rondeur et la gourmandise s’équilibrent à merveille, avec chaleur. Un spiritueux de qualité, non-filtré, non-réduit, au plus proche du terroir.
Y.P