Pas le temps de déjeuner ? Petite histoire de la street food à la française

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04JUIN. 2020

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Pas le temps de déjeuner ? Petite histoire de la street food à la française

04 JUIN . 2020

Écrit par Morgan Malka

Être pressé au point de ne pouvoir se restaurer à table n’est pas une nouveauté. Si de nos jours la street food fait partie du quotidien des Français et se décline en burgers, sushi et autres ramen, son histoire dans l’Hexagone remonte au Moyen Âge. Voyage dans le temps à la recherche de la cuisine de rue à la française et du prêt-à-manger à l’ancienne. De quoi se donner quelques idées pour l’avenir… 

Par Morgan Malka 

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Un boucher aux Halles, à Paris, 1956, D.R

Le repas gastronomique français, inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco, aurait-il fait disparaître une cuisine nationale simple et rapide, pouvant être dégustée sous une porte cochère ou en se promenant dans les jardins publics ? Oui et non. L’apparition des restaurants dans la France des Lumières a occulté la cuisine de rue et modifié en profondeur nos habitudes alimentaires. 

Ces établissements ont conduit la haute cuisine et la cuisine bourgeoise à se démocratiser pendant que les bouillons remplaçaient les marchands ambulants qui avaient pourtant restauré le petit peuple depuis le Moyen-Âge. 

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George Emmanuel Opiz, Porte Saint-Denis : Le château d’eau, le marchand de coco, le porteur d’eau et la limonadière, D.R

Dans le même temps, le niveau de vie des gens modestes qui ne disposaient ni de feu, ni d’âtre, ni de bûches leur permettant de cuisiner à domicile s’est amélioré. Avec la professionnalisation des commerçants de bouche, les vendeurs de rue se trouvèrent vite fragilisés et disparurent peu à peu. Finalement, on en est venus à oublier cette histoire, dont les derniers balbutiements pouvaient encore résonner au nord et au sud-est du pays jusque dans les années… 1980 !

Alors la cuisine de rue française, qu’est-ce que c’est ? Le principe reste le même qu’à Bangkok, New York ou New Dehli : s’offrir un repas rapide, bon marché et pas trop salissant. 

 

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Édouard Ecman, Un jeune homme se bouche le nez en marchandant des tripes à une tripière, XVIIe siècle

Oyers, tripières, sauciers, ces métiers de rue oubliés

Voilà l’plaisir, messieurs, voilà l’plaisir, mesdames, Régalez-vous !” Les crieurs des Halles ou du Cours Saleya savaient mettre l’eau à la bouche des badauds avec un certain talent. Dès midi moins le quart, quand l’estomac est dans les talons, la vue d’une marmite fumante ou d’une rôtissoire produit un effet saisissant sur l’esprit et l’organisme. 

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Joachim Von Sandrart, February (1642) © Musée du Palais de Schleissheim, Allemagne

Au Moyen Âge, la distinction entre plat salé et sucré n’existe pas : pour un encas, ce sont les gaufres et les oublies, de petites galettes portant un symbole religieux qui ont la préférence des Parisiens. Avant Noël, on se régale de châtaignes appelées à tort marrons chauds. 

Les rues des grandes villes comptent leur lot de fouaciers, gasteliers, gaufriers, nieuliers et échaudeurs (différentes variétés de biscuits secs sucrés ou salés). Des pâtes levées sont ébouillantées, rôties, séchées, frites et toutes sont succulentes. Les oyers qui deviendront ensuite, tour à tour rôtisseurs, saulcissiers, chaircuitiers puis charcutiers trimballent des fours mobiles appelés fournaises à pardon. On y fait cuire oies, veaux, agneaux, chevreaux, cochons, bœufs et saucisses. 

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Nicolas Larmessin, Habit de pâtissier (1638-1794)

Jusqu’au XXe siècle, les sauciers vendent des plats chauds qui sortent directement de lourdes marmites de fonte et de cuivre, on y mange des mirotons (plat de bœuf) et autres galimafrées (Fricassée composée de restes de viandes rôties). Les tripières, quant à elles, se promènent d’une place à l’autre pour nourrir le chaland. On trouve aussi les regrattiers qui vendent les restes des maisons bourgeoises à consommer tout de suite ou à rapporter chez soi.

La pâtisserie (qui définit encore seulement les pâtés de viande) contribuera aussi très largement à la gourmandise urbaine des Français. Au XIIIe siècle, Jean de Garlande parle déjà des pâtés de porc, de volaille, d’anguille qui s’achètent et se bectent en marchant. Ces préparations deviendront pâtés-croûtes. Tartes salées ou sucrées, flans, tartelettes, darioles (tartelettes au fromage) rencontrent dès 1440 un brillant succès. Au XIXe siècle les pâtissiers se feront galants et inventerons galantines, dodines et ballotines (charcuterie fine contenant différents inserts de mousses, foie gras et autres truffes).

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La marchande de soupe aux Halles, à Paris, D.R

La friture est aussi en odeur de sainteté : rissoles, croquettes et cromesquis se dégustent avec les doigts dans un cornet.

Au nord du pays, les baraques à frites où on mange tout ce qui se fait dans un bain d’huile continuent d’avoir un certain succès, pommes de terre bien sûr mais aussi crevettes grises et beignets. On y reconnaît l’origine de certaines spécialités… 

 

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La vendeuse de Socca à Nice, D.R

Le sud de la France, dernier bastion de la cuisine de rue

Dans le sud avec la proximité de l’Italie qui revendique un goût certain pour la cuisine sur le pouce, on trouve encore quelques vestiges traditionnels de la cuisine de rue. Il n’est pas rare de déguster entre deux rues socca, panisses, chichi fregi, pan bagnat, fritures de poutines ou de petits poissons appelés mange-tout, pissaladière…

“A l’aïgo sau, leï limacoun ! N’aven dei gros, e dei pichoun.” (A l’eau salée, les limaçons ! J’en ai des gros et des petits.) Quel Marseillais n’a jamais croisé Gisèle, la vendeuse de limaçons qui troquait un cornet de petits escargots blancs au fenouil contre quelques pièces ? L’échange se faisait parfois depuis la fenêtre en faisant descendre un panier muni d’une corde. 

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Les porteurs de socca, dans le sud de la France, D.R

Ces limaçons chauds capturés dans la garrigue pouvaient encore être dégustés dans les années 80 dans les rues du Panier. Quant à la Brasserie de Lyon elle proposait des chips et des escargots cuits à emporter avec une bouteille de bière brune brassée sur place.

Mais l’arrivée de nouvelles populations accompagnées de fricassées, pizzas et autres shawarma aura aussi eu raison de nos petits marchands qui ne surent pas se réinventer. La mondialisation et l’uniformisation des goûts aura fait germer les vendeurs de burgers en lieu et place des anciens repères de gourmandise. Certains irréductibles résistent cependant encore et ont su préserver un peu de cette authenticité d’autrefois.

Alors plutôt que de choisir la mono-diète et la malbouffe importée, redécouvrons notre culture gastronomique, y compris dans la « street food » ! Savoureuse, gourmande, vite et bien faîte. Elle n’attend que d’être ressuscitée. 

M.M

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