Gastronomie
Nouveaux artisans des spiritueux oubliés, Mathieu Sabbagh et Sab’s Distillerie
02 SEPTEMBRE . 2020
Ils sont quadras, dans le vent et n’ont pas froid aux yeux. Artisans dans l’âme et nourris de la fibre entrepreneuriale, leur dada c’est de dépoussiérer les alcools anciens. Audacieux, culottés, inconscients ? Seul l’avenir le dira. Passionnés et à l’énergie contagieuse c’est certain ! Mathieu Sabbagh a quitté Paris pour relancer une vieille distillerie Bourguignonne et créer des produits de terroirs à travers sa marque Sab’s. On l’évoquait il y a peu… Portrait de ce nouvel artisan des spiritueux pour une rentrée 2020 décidemment très alambiquée !
Par Laurène Bigeau
L’agitation de la rentrée pèse déjà sur nos agendas et toutes nos bonnes résolutions de retours aux sources matinées de slow life sont déjà bien loin rangées dans les tiroirs de nos pensées, au même titre que nos cartes postales estivales. Pour prolonger un peu le fantasme du temps suspendu et des doigts de pieds en éventail sous un panama au bord d’une mer bleu azur, cap sur un entrepreneur qui a su réaliser le fantasme de tout un chacun : changer de vie et plonger dans l’art du concret, en relançant des produits oubliés.
Du corporate au vignoble
24 août 2020, il est dix heures du matin et Mathieu est agité au téléphone. Normal, les vendanges ont débuté il y a seulement quelques jours et c’est pendant cette période qu’il récupère son précieux butin des mains des vignerons en pleine effervescence : les marcs des raisins juste rentrés et pressés. C’est cette matière première – par la suite distillée – qui donnera vie à l’un des produits phare de sa marque Sab’s.
Avant de sauter le pas, ce quadra heureux a eu plusieurs vies, un peu comme tout le monde. Avec son profil corporate, Mathieu fut tour à tour commercial world wide chez Bosch Siemmens au département électroménager, puis 5 ans chez Pernod Ricard où il occupa le poste de directeur international en charge du développement des marques françaises hors champagne et cognac, avant de prendre les rênes de la communication internationale de la marque.
Lorsqu’il claque la porte du grand groupe français, il met à disposition son expertise du secteur spiritueux au profit de marques existantes ou en devenir au travers de sa structure de conseil The Liquor Club, une « cellule » toujours active qui a accompagné quelques marques comme le Calvados 30&40 ou encore le rebranding du Gin Citadelle.
Relancer une belle endormie
Mais au-delà de l’immatériel, ce qui titillait Mathieu c’était de mettre les mains dans le cambouis, comme une envie de tâter du terrain et de tout maîtriser de A à Z. Et plutôt que de créer une marque from scratch, il se met en tête de relancer une belle endormie. Sa quête le mène aux quatre coins de France avant de trouver une belle opportunité en Côte d’Or.
Si le projet n’est pas en tous points celui auquel il aspirait, cette distillerie qui se mettait au service des vignerons et vendait du vrac aux gros opérateurs lui inspire l’envie de relancer les alcools du cru tels que fine ou marc de Bourgogne. Pendant un an il se forme au métier et procède à quelques investissements techniques.
Valoriser le terroir bourguignon
Sa démarche : valoriser des produits de terroirs bourguignons et des alcools oubliés en mêlant subtilement tradition et innovation et en misant sur le goût et le savoir-faire. Mathieu nous apprend ainsi qu’il se consommait avant les deux guerres autant de marcs et de fine de Bourgogne que de Cognac, alcools presque totalement disparus à ce jour… De quoi nourrir sa motivation et son projet.
Les premiers produits voient le jour au moment de la vente des vins des Hospices de Beaune en 2019. Aux côtés des marcs et autres fines, Mathieu et son jeune binôme Paul de Vaucorbeil (de la famille Bouzereau, vignerons à Meursault), élaborent également un gin dans l’ère du temps « il y a beaucoup de climats bourguignons qui portent le nom de « Genevrières », les genévriers sont les seuls arbustes endémiques de la Bourgogne, c’est même l’arbre de la Saint-Vincent ! (La Saint-Vincent est la fête annuelle qui célèbre le saint patron des vignerons, ndlr) cela fait donc totalement sens ». Sab’s élabore enfin une eau de vie de Poire dont les fruits ont été récoltés cette année autour de Saint-Romain.
Dernier distillateur ambulant de Bourgogne, Mathieu sillonne la Côte en hiver pour y poser son alambic dans les villages et organise des casse-croutes conviviaux où saucisses et poulardes chantent dans l’alambic et réchauffent les cœurs et les corps des artisans du vin.
Sab’s est indissociable de la vigne, Mathieu et Paul poussent même le bouchon encore plus loin en pleine réflexion sur l’élaboration de marcs parcellaires. En Bourgogne décidemment, rien ne se perd, tout se transmet et tout se transforme !
L.B
Où trouver ses produits ?
En visitant son site web, alambic-bourguignon
La Carte des Vins, 26 boulevard Beaumarchais, 75011 Paris
Et aussi… La Cave des Pères à Biarritz
La Cave Pierre Noble, à Rouen
Le Vintage, à Reims
Et pour Noël, Mathieu sort en éditions limités 2 marcs et 2 fines vieillis en fûts de whisky… à découvrir !