Cuisine

Tous à la cueillette ! Les saisons secrètes des champignons

explications et recettes

07 OCTOBRE . 2020

Amusant paradoxe : depuis que l’homme a coupé le cordon ombilical qui le reliait à la nature, la saisonnalité et l’alimentation sont devenus pour lui deux questions centrales, en tout cas pour ceux qui s’inscrivent en lutte contre le prétendu progrès par qui tout déraille. Et pourtant ! Cette saisonnalité érigée parfois en étendard est parfois mal comprise. C’est le constat que l’on peut faire avec les champignons. Rencontre avec les quatre saisons des sous-bois.

L’amanite des Césars (ou oronge).

La nature mouvante, les espèces de champignons nombreuses et différentes

Les réseaux sociaux, véritables tribunaux de la bien-pensance sont quelques fois le théâtre de virulents procès. Gare au gastronome ou au chef cuisinier qui se risquerait à publier une salade de cèpes fin juin. Méfiance chez celui qui brandirait une truffe à Noël car comme chacun le sait, les truffes naissent le jour de l’ouverture du marché de Sarlat et celles de Noël sont destinées aux gogos, appelés aujourd’hui bobos.

Pourtant, n’en déplaise aux ayatollahs des quatre saisons, la nature bien qu’en adéquation parfaite avec les règles qu’elle s’est elle-même créée est aussi mouvante, déjà par la région qu’elle occupe mais aussi par le fil des ans qui parfois varient plus subtilement qu’un calendrier grégorien.

Les temps changent ! Un mois de mai de 1685 n’est pas celui de l’année dernière. La nature est affaire complexe et même si quelques agronomes de génie parvinrent à en dompter les premières vagues, on ne domine pas complètement l’incertitude et le hasard, n’en déplaise à ceux qui s’en persuadent et se rassurent.

Pire encore que la nature est l’infinie variété d’espèces et de matières encore inconnues qui l’habite. Parmi ces curiosités succulentes, le champignon dépasse toutes nos espérances. A la fois délice d’Empereur et fossoyeur, réseau permettant aux chênes de communiquer, nourriture de subsistance des braconniers et mets des rois. Le champignon est encore incompris et prétendre pouvoir affirmer le jour, l’heure et le lieu où il apparaîtra est pure gasconnade.

L’automne des champignons… Et l’hiver, le printemps et l’été !

Quand vient l’automne aux parfums d’humus, l’appétit se focalise sur son désir de champignons. Les marchés regorgent soudainement de cèpes et de girolles, même les grandes surfaces imitent la nature en couchant quelques champignons portugais ou estoniens sur un lit de fougères artificielles.

On laisse libre court à ses désirs en ouvrant une barquette de champignons de couche (ou de Paris) qui servira de garniture à un réconfortant risotto. Puis aux premiers frimas cette consommation, cet appétit s’amenuise et déjà les cuisses dorées d’une grasse poularde de Noël nous font de l’œil.

C’est là que s’ouvre enfin le bal secret, celui des cercles de fées, qui le long des haies et sous les pommiers offre aux gourmands promenant de larges paniers. Car le champignon possède une saisonnalité bien plus complexe qu’on ne le pense ! Hélas, pour l’être urbain que nous sommes devenus, il faudra se chausser et tôt se lever pour aller le cueillir car les marchands ont bien compris que nos sens étaient tronqués et jamais ou presque sur un marché vous ne trouverez de champignons hors des mois d’octobre et novembre. Rare sont les truffes de pleine saison, celles de février. Invisibles ou presque sont les morilles de mars.

Voici donc notre petit calendrier qui devrait vous conduire à Fontainebleau, Marly ou plus loin encore. Comme le dit le proverbe, les essayer, c’est les adopter, tous sans hiérarchie… et sans attendre l’automne. Vous le saurez pour l’année prochaine.

Notre tableau des saisons des champignons

Cette liste n’est pas exhaustive. Elle se focalise sur les champignons qui poussent au gré de leurs envies en France, bien qu’il soit aujourd’hui possible de se procurer des truffes d’Italie et de Croatie ou des champignons frais venus d’Asie.

Et tenez-le vous pour dit : le champignon est présent dans les bois de France tout au long de l’année et pas seulement pendant les deux mois qui suivent l’overdose de tomates ! Libre à nous, à vous, d’ouvrir plus grand votre appétit.

Mieux encore, dans ces intersaisons naissent des miracles comme la salade de pêches de vigne aux cèpes de Cesare Giaccone ou encore l’union de champignons issus de deux saisons. A vos fourneaux !