Gastronomie
Maison Drouot à Maussane-les-Alpilles
un poème de gastronomie locale
26 OCTOBRE . 2020
Mini-table par les dimensions et la modestie, maxi-table pour la qualité des assiettes et l'esprit des lieux. Auberge 3.0 dans une Provence dont elle sait éviter tous les (nombreux) écueils, Maison Drouot réinvente le restaurant. Voilà pourquoi ils devraient tous être comme ça.
Fini la lavande, l’huile et le rosé fadasse !
N’ayons pas peur des mots. Il y a bien longtemps, pour ne pas dire des années que je n’avais pas été aussi agréablement surpris par une table, surtout dans la région, où il y en a tant de surfaites, qui sulfatent la lavande et l’huile d’olive, qui tapenadent à qui mieux mieux et vous bassinent les oreilles avec leur accent sudiste teinté de rosé fadasse.
Maison Drouot se situe clairement aux antipodes. De la simplicité, de l’élégance, de la maîtrise, de la fraîcheur, n’en jetez plus la cour est pleine. Je défie nos lecteurs de trouver à une heure de route alentour une meilleure adresse, où l’esthétique rime autant avec gastronomique que sympathique.
Avant de vous dire pourquoi, il faut aussi rendre à César ce qui lui appartient. Car en matière de bonnes adresses, chacun se prétend le Christophe Colomb de la bistronomie. Que nenni, c’est notre membre et ami Ministry of French Food (venu en voisin) qui nous avait aiguillé sur cette petite maison au centre de Maussane il y a déjà deux ans. Merci Clément !
Bienvenue à cette nouvelle race de restaurateurs, tout au local et à la nature
Il aura fallu deux saisons pour trouver une table libre parmi la petite dizaine répartie autour du piano ouvert et sur la terrasse au bord de la piscine. Et apprécier la félicité des lieux, la discrétion de nos hôtes, couple à la scène comme à la ville, autant que la cuisine, savoureuse, nette et inspirée.
D’une nouvelle race de restaurateurs, passionnés par les produits locaux, les vins bien faits qui respectent la nature, qui sait marier à sa table les influences méditerrannéo-provençales sans nostalgie. Salade de haricots verts et pêches jaunes, thon évoquent plutôt le Japon après des grignotages succulents, locaux, plein d’amour et généreux. Tomates, pâtes à suivre, dorade, oignons de vers, fenouil et citron. Tout est maison, local ou du marché et préparé avec un soin immense.
Les vins sont le fruit d’une sélection lente, au gré des rencontres avec les vignerons. Pas de figure imposée, que des fulgurances qui s’imposent. Le bio, le nature règnent en maitres. Le bon aussi. Le Gramenon dégusté ce soir-là m’a laissé un vif plaisir. Et pour ceux qui seraient trop enjaillés pour repartir, une chambre (oui, une seule !) décorée par la maîtresse des lieux vous accueille avec douceur. Tout est dit. Mais non. Car la magie des lieux opère et dans cette modeste maison (par la taille), où l’on pratique l’art ancestral de la cuisine avec un bonheur et une joie communicative.
Que la vie est douce lorsqu’on profite de la douceur du Midi, la tête dans les étoiles et qu’on savoure jusqu’à les lécher les jolies assiettes de Maison Drouot. On quitte les lieux avec regret, non sans s’être promis de revenir. Et on conserve longtemps dans un coin de sa bouche, de sa tête, le souvenir heureux des textures et des goûts, des tensions et des attentions.
Une persistance qui, (malheureusement pour les uns, heureusement pour eux !) séduit déjà tant d’habitués, de curieux et de touristes, qu’y avoir une table est parfois tout un poème. Ce qui prouve si vous aviez un doute, qu’on est bien en Provence, au pays de Mistral, de Tarascon et de tous les autres. Il y a bien lieu de s’en réjouir.
A.M