Culture
Constance Gennari et sa Socialite Family
Des influences franco-italiennes, des pièces nomades et durables
13 NOVEMBRE . 2020
Gioia ! Le terme, s’il décrit la joie italienne dont on aurait bien besoin ces jours-ci, désigne surtout l’un des best-sellers de la collection de The Socialite Family. Pièce-phare du média devenu aussi éditeur de mobilier et d’objets contemporains, la lampe Gioia résume à elle seule les valeurs de la maison : lumière, joie et pêle-mêle d’influences franco-italiennes. Rencontre avec celle qui créait TSF un vendredi 13, justement : Constance Gennari, toujours entre deux (bonnes) idées.
Influences croisées
Une mère française, flamboyante et chineuse dans l’âme, un père italien qui transmet à sa fille l’amour inconditionnel de Milan : Constance grandit avec une inspiration constante. Pas étonnant, donc, que la jeune fille au combo gagnant Lübeck-Janson de Sailly étudie l’histoire de l’art puis le droit à la Sorbonne dans l’espoir de passer le concours de commissaire-priseur. Mais le hasard est déjà à l’œuvre : elle devient, après une rencontre fortuite, rédactrice en chef du tout jeune magazine Milk. Une opportunité du « bon moment, au bon endroit, sous la bonne étoile » affirme-t-elle en souriant.
« Ensuite, je suis partie dans la pub. » Plus précisément faire ses armes dans l’agence des Ouvriers du Paradis, mythique bureau désormais fermé, en plein âge d’or dans les années 1990 et « à l’origine de cet esprit de la femme rive gauche pour le Bon Marché. » Constance y confronte et y forme son goût, puis deviendra acheteuse d’art, toujours dans la publicité. « Art buyer, c’est trouver le bon photographe pour le bon projet, proposer une patte, une signature photographique au client. C’était passionnant, mais je n’arrivais pas à entrer dans le moule des agences de pub. Moi, j’aime l’accident ! »
Devoir toujours correspondre à un modèle donné la frustre. Ne pas créer pour soi tout autant. « The Socialite family est arrivé à un moment opportun : c’était l’heure, ça ne s’explique pas. On a fait ses études, on a eu des expériences différentes, atteint une certaine maturité pour se lancer seul. TSF est arrivée d’une façon assez claire dans mon esprit. »
The Socialite Family, une observation sociologique de la famille
C’était l’époque des blogs. « Des formats faciles pour montrer son goût. En réalité, une opportunité dingue pouvant faire sortir beaucoup de talents de l’ombre ! » Constance se donne le temps de ses indemnités de chômage pour monter le site. Tout de suite, l’idée est presque celle d’une observation sociologique : « parler de la nouvelle famille, de son format contemporain, surtout par le prisme féminin. La femme qui travaille, qui fonde une famille de nos jours, et ce que son intérieur dit de cette famille, en quoi il lui ressemble. Au début, mon inspiration était très mode. Mais attention, j’entends Socialite non pas comme mondains mais comme des familles de leur temps, qui vivent en connexion avec leur monde et leurs enfants !»
Constance se lance un vendredi 13, en 2013, et tout de suite de façon professionnelle, prenant en main la direction artistique de ce qui n’est encore qu’une newsletter, investissant pour s’entourer de professionnels du web, avant de s’associer. La communauté suit.
Pénétrer l’intimité, l’âme de la famille chez elle, montrer et raconter des histoires de femmes puis, plus généralement, de personnalités qui marquent Constance, faire découvrir leur relation à la famille et à l’intérieur : la recette plaît. « La déco, c’est un compromis, on le sait ! Le couple doit faire des concessions pour arriver à son intérieur, à son accord. Sans parler des enfants et du quotidien… L’intérieur révèle la manière dont on élève ses enfants, dont on vit. De nos jours, par exemple, on fait beaucoup plus de choses avec eux et l’habitation s’en ressent : la pièce à vivre ne cesse de s’agrandir, la chambre rapetisse… Dans TSF, nous avons toujours exploré ces facettes et véritablement montré les familles dans leurs intérieurs. » Exit les intérieurs vides d’hommes et de femmes des magazines de décoration. Bienvenue à l’humain.
Paris et Milan, deux constantes du style « TSF »
Le style de Constance Gennari est un savant mélange. Elle cultive ce goût du détail jusqu’au-boutiste. Son plaisir est celui d’une esthète qui trouve dans le quotidien la beauté. Quand le jour baisse, que les lumières des appartement parisiens s’allument, elle observe le nez levé le détail d’un plafond, les pampilles d’un lustre ancien, l’ornementation d’une moulure : les décors que chacun se crée.
Très vite Paris ne suffit plus. Comme une évidence, un retour aux origines, Milan devient alors une nouvelle pépinière d’intérieurs à découvrir et à dévoiler. Capitale du design, la ville des origines de Constance est pour tout amateur un incontournable. Ici, la source est intarissable. Il suffit de voir le soin porté aux entrées des immeubles, à leurs sols en marbre, leurs poignées en laiton, leurs boîtes aux lettres, leurs luminaires pour saisir l’esprit milanais. Certes, difficile d’y projeter un saut en ce moment… Mais Constance nous fait voyager avec l’un de ses livres préférés : Milanese Entryways, publié aux éditions Taschen.
Milan jouit d’une grande émulation artistique avec la présence de galeries renommées : Nilufar représente entres autres l’artiste-designer contemporain Roberto Baciocchi. C’est justement l’une des rencontres les plus marquantes de Constance : une maison aux pierres apparentes près d’Arezzo, le respect d’un lieu, l’éclectisme des matériaux et de leurs usages, des styles pour créer un intérieur unique qui reflète la personnalité audacieuse de son propriétaire.
Le raffinement porté à son paroxysme, sans jamais dénaturer l’histoire de la bâtisse. Voilà ce qu’émeut Constance, cette certaine idée de l’art de vivre. Et contrairement aux classiques magazines de décoration où les lieux lisses semblent parfois bien vides, Constance met un point d’honneur à d’abord faire parler les propriétaires -et à les montrer.
Un média devenu éditeur
Après de nombreux reportages en France, en Italie et parfois ailleurs, l’aventure The Socialite Family prend un autre tournant avec l’édition d’une ligne de mobilier et d’objets. Là encore, l’Italie est au cœur du sujet. Le lancement a lieu en 2017, en off du Salon du Meuble de Milan.
Quatre ans sont passés et la collection qui n’a cessé de s’enrichir est aujourd’hui diffusée dans la belle boutique de la rue Saint-Fiacre, dans une espace dédié au BHV, et sur internet.
Constance garde un oeil sur tout. Le studio de création est intégré à l’équipe de The Socialite Family : la direction artistique, c’est elle. Les matériaux sont choisis avec une grande attention, les artisans français ou italiens qui produisent les pièces travaillent dans le respect noble de la grande tradition. La recette d’une belle réussite qui s’exportera peut-être un jour à l’étranger…
Transmission, adaptation et durabilité
Les pièces ont tout pour plaire, résolument contemporaines dans leur usage tout en s’inscrivant dans la belle tradition des arts décoratifs : le canapé Rotondo par exemple, une chauffeuse d’abord, à laquelle s’en ajoute une autre puis une troisième et voici un canapé confortable et surtout modulable… Car cette idée de mobilier adaptable, qui bouge dans la maison et accompagne ses propriétaires selon leurs besoins, est primordiale. La lampe ? Elle se posera n’importe où et s’adaptera à tous les intérieurs. Les guéridons et les tables basses ? Ils sont déclinés en de nombreuses versions, matériaux, couleurs, se déplacent et combinent au gré des envies. L’intérieur TSF est nomade et durable.
Dernièrement, la marque proposait en pré-commande -« j’aime cette idée de devoir patienter pour une pièce qu’on désire, une autre manière de consommer, même si c’est un défi »- une version du canapé Rotondo dans un tissu hommage à la designer italienne des années 1970, Gabriella Crespi, en collaboration avec la marque Roseanna. L’idée de Constance ? La transformation et de la transmission, deux points essentiels pour elle et toujours liés. La lampe Gioia rappelle elle-même le goût de la créatrice pour les luminaires historiques, particulièrement ceux proposés par les galeries parisiennes Kreo ou Meubles & Lumières.
Et la maison idéale de demain, alors ? « A l’heure où l’on vit, en plus, beaucoup à la maison, l’objectif est bien sûr une habitation autosuffisante, zéro déchets, avec un intérieur qui rappelle ces valeurs : des pièces nomades, réutilisées et adaptables à tout environnement. Et stylistiquement… L’éclectisme, évidemment ! »
Propos recueillis par P.DC-S et E.C
The Socialite Family
Média et e-shop en ligne
Boutique
12 rue Saint-Fiacre,
75002 Paris
(Actuellement en click & collect)