Horlogerie
La musique du temps
Partie I : l'art du son parfait, les montres à sonnerie
24 NOVEMBRE . 2020
Les « notifications » n’ont pas été inventées par les informaticiens. Depuis le XVème siècle, les horlogers ont donné une musique à l’écoulement du temps. Répétitions, grandes ou petites sonneries, réveils : les complications sonores de ces montres à sonnerie sont des prouesses. Un art subtil qui stimule toujours la créativité, à la recherche du son parfait. Plongée dans les mécanismes poétiques de la musique du temps. De quoi accentuer la magie de Noël et des douze coups de minuit...
La nouvelle montre à sonnerie Patek Philippe fait grand bruit. Certes, la manufacture genevoise fait partie depuis très longtemps du cercle restreint des maisons capables de maîtriser ce type de complications. Un club assez fermé, dominé depuis toujours par les savoir-faire d’exception des plus grandes manufactures, en particulier Vacheron Constantin, Jaeger-LeCoultre et Breguet.
Le sujet a toutefois aussi pris un jour nouveau depuis quelques années, sous l’influence de maisons créatives, comme F.P. Journe ou A. Lange & Söhne, entre autres, et des indépendants, tels Greubel-Forsey, Philippe Dufour, Christophe Claret, ou les frères Grönefeld, par exemple. Car les sonneries sont considérées par les connaisseurs comme les complications horlogères les plus délicates.
Les sonneries, reines des complications
Récemment, la montre Octo Grande Sonnerie Calendrier perpétuel de Bulgari faisait sensation en cumulant les plus belles complications dans une montre au design résolument contemporain et innovant. Cette pièce hors du commun marque le 25e anniversaire de la toute première Grande Sonnerie créée par Gérald Genta.
Devenue aussi célèbre pour ses innovations horlogères que pour ses créations joaillières, Bulgari a développé 90 modèles à grande sonnerie depuis 1994. Il s’agit bien de la cour des grands.
Une place que personne ne conteste à Patek Philippe. Si leur nouvelle montre à sonnerie fait parler d’elle, c’est pour ses qualités intrinsèques mais aussi parce que, pour la première fois, la marque, qui réservait plutôt ce type de mécanismes aux commandes spéciales ou à certaines montres de poche exceptionnelle, a décidé de l’intégrer dans sa collection courante de montres-bracelet.
Cette Grande Sonnerie référence 6301P devrait donc faire date. Elle offre la grande sonnerie (répétition des heures aux quarts), complétée par une petite sonnerie (pas de répétition des heures aux quarts), une répétition minutes (sonnerie à la demande) et une nouvelle petite seconde sautante brevetée.
Le mouvement à remontage manuel, doit cumuler assez d’énergie pour être actif trois jours tout en assurant le rythme des sonneries – soit 1056 coups par 24 heures – avec une qualité du son constante malgré la place réduite. Pour relever de tels défis, le calibre GS 36-750 PS IRM bénéficie de deux paires de barillets montés en série, l’une pour le mouvement, l’autre pour la sonnerie. Une débauche d’inventivité technique mise au service de l’harmonie.
L’oreille du patron chez Patek Philippe
Tel est bien l’enjeu : enchanter l’oreille avec un son limpide et si possible varié. Une gageure avec un si petit objet. La production de pièces de montres à sonneries ne peut pas normalisée ni standardisée, notamment en raison de l’accordage et des réglages des marteaux.
En aucun cas ils ne doivent se toucher entre eux ni entrer en contact avec un élément du mouvement ou du boîtier. La phase finale des tests est placée sous le contrôle personnel de Thierry Stern, président de Patek Philippe. Incarnant la quatrième génération de cette famille à la tête de l’entreprise, il écoute lui-même chaque montre pour s’assurer qu’elle a bien la mélodie typique de la marque.
La magie du sonneur de bois d’Audemars-Piguet
Presque au même moment, Audemars-Piguet a également présenté cinq nouvelles montres à sonneries dans sa collection 11.59. Originale, chacune de ces Grande Sonnerie Carillon Supersonnerie bénéficie d’un cadran d’art réalisé par la célèbre émailleuse suisse Anita Porchet.
La technologie spécifique de construction de la boîte et des timbres, baptisée « Supersonnerie », a été brevetée par la manufacture du Brassus. Développée conjointement par les horlogers et des ingénieurs de l’école polytechnique de Lausanne, cette technique exclusive, dévoilée en 2015 avec la collection Royal Oak Concept, permet une puissance acoustique, une qualité sonore et ses tonalités harmoniques inédites.
L’autre originalité vient du processus de résonance employé pour les réglages et l’écoute. Dans le secret des ateliers, les maîtres horlogers affinent chaque montre à l’aide d’une tablette d’un bois spécialement choisi par un « sonneur de bois ». Ce personnage énigmatique, à l’oreille aussi parfaite que sa connaissance de la botanique, est capable de trouver au cœur de la forêt environnante les troncs d’arbres dont l’essence et le fil du bois permettront une mise en valeur parfaite du son. Un lien supplémentaire entre l’art horloger et les merveilles de la nature.
Direction Abbey Road avec Vacheron Constantin
Si l’ambition d’une montre est de saisir l’écoulement du temps, Vacheron Constantin a également souhaité que les possesseurs de ses garde-temps puissent garder la trace de leur sonorité.
La manufacture, considérée comme au sommet de l’art horloger, est particulièrement connue pour ses créations sonnantes. La première mention d’une montre à sonnerie remonte à 1806 et la collection courante offre de nombreux modèles dans diverses exécutions, de la Patrimony Répétition Minutes Ultra-Plate à la Traditionnelle Répétition Minutes Tourbillon, sans oublier les Traditionnelles Grandes Complications.
La maison propose même une ligne très exclusive dénommée La Musique du temps. Chaque réalisation développe une personnalité sonore unique. C’est pour cela que la manufacture offre à ses clients un enregistrement exclusif réalisé par le célèbre Studios Abbey Road, à Londres.
Que serait la magie de Noël sans ses horloges et automates mystérieux sonnant les douze coups de minuit, sans la poésie et la magie des mécanismes dans lesquels se perdent les enfants comme les amateurs, par lesquels perdure le savoir-faire secret des artisans, sans les tintements, le carillon, la mélodie cristalline fendant l’air calme d’un soir d’hiver ? A suivre, dans le prochain épisode, on s’intéressera aux montres à alarmes…
F.B