Bijoux indiscrets, un beau livre d’art érotique

« Oui »

Revisiter l’art érotique du XVIIIe siècle

Un beau livre ? Plutôt un petit objet délicat qui mesure 17 centimètres. Doux au toucher, sensuel, il promet des nuits qui chantent sans les lendemains qui déchantent.

Celle qui est à l’initiative de cette très délicate publication est à la fois journaliste, auteur et artiste. Depuis des années, dans la solitude de l’atelier, elle se prend au jeu, à ses heures perdues, de réaliser des miniatures de scènes érotiques dans la tradition très en vogue au XVIIIe siècle, période phare de l’art érotique s’il en est.

« Petite mort »

Afin de les dissimuler aux regards non autorisés, elle décide de les loger dans des boîtes à bijou et même dans un exemplaire d’un livre célèbre de Denis Diderot, Les Bijoux indiscrets, publié au départ anonymement en 1748, dont elle a auparavant collé les pages, avant de le creuser.

Un livre à secrets, multiples, comme on n’en faisait plus, dont Aurélie Galois a donné le titre à son exposition, puis à ce recueil. Mais il ne faut pas voir dans ces « collaborations érotiques » un simple catalogue d’exposition. C’est bien plus que cela.

« Napperon rouge », boîte fermée et vue intérieure

Un livre érotique conçu à plusieurs mains (de vilains)

Sophie Bramly, Peggy Sastre, Lydie Salvaire, Catherine Robe-Grillet ou encore François Simon ont accepté de livrer des textes tantôt pornographiques et explicites, tantôt pudiques et poétiques, certains très crus, d’autres plus éthérés. De nombreuses femmes au sommaire, et ce n’est que justice, tant l’érotisme a longtemps été seulement l’apanage des hommes. Pour une fois, ils sont ici en minorité et personne ne songerait à s’en plaindre, bien au contraire.

« Il a filé »

Les textes donc, n’illustrent pas les miniatures délicieuses et suggestives d’Aurélie Galois, qui émaillent ce recueil comme autant de merveilles. Ils sont placés en regard, comme devant un miroir. Mais une glace qui ne renverrait pas un reflet exact et qui ne serait pas non plus déformante. Un miroir correspondant.

Difficile d’ailleurs de savoir qui se glisse entre qui et qui tant la mise en page est subtile, raffinée. C’est à un dialogue qu’invite l’artiste, à un jeu de va et vient entre les mots et les images. Il fonctionne avec régal.

Quand le plaisir règne en maître

« Menteur est le peintre, écrit Aurélie Galois dans sa préface, qui ne se dira pas sidéré de plaisir en dégouttant de la pointe de son pinceau (qui vient du latin pénicilium, petit penis) trempé dans le blanc d’argent, une perle de sueur sur l’ocre rose d’une fesse à peine sèche. » Le ton est donné de cette pièce en vingt actes, tous inspirés par les scènes souvent osées peintes par l’artiste.

« Déjà vu » fermé

C’est le plaisir qui règne en maître, dans le plus pur esprit des ouvrages libertins du siècle des lumières. Écrits qui valurent à certains de leurs auteurs jadis des années de purgatoire. Ceux d’aujourd’hui prennent moins de risques, en livrant ces perles littéraires qui font écho aux miniatures, qui y renvoient parfois sans même les citer ou qui s’en éloignent avec une grande liberté.

« Déjà vu », intérieur

L’exercice n’en reste pas moins délicat et les auteurs de Bijoux indiscrets s’en sortent avec brio. Qu’il s’agisse de la jubilation masturbatoire de trois toréros, de fessée ésotérique ou d’une pénétration un peu violente, les auteurs jouent avec les corps, avec le sexe, l’amour, sans tabous. C’est audacieux, jouissif et salutaire.

« Fessée »

L’érotisme, on entend souvent qu’il y a ceux qui le pratiquent et ceux qui en parlent. Mais on oublie trop souvent ceux qui l’écrivent ou qui le peignent. Pour le plus grand bonheur des autres qui, pour le coup, n’ont plus qu’à lire ou à regarder, comme des voyeurs. A moins que…

A.M

Bijoux Indiscrets, Aurélie Galois, collaborations érotiques, 30 €
120p. Autopublication.
Disponible à la librairie Un regard Moderne,
10 Rue Gît-le-Cœur,
75006 Paris

Ou contacter l’artiste via son site