Gastronomie
Le tour de France des whiskies
Décryptage et sélection
14 JANVIER . 2021
Des contrées celtiques bretonnes aux plaines lyonnaises, du fin fond des Haut de France au plateau alpin du Trièves, la France vit au rythme du malt ! Il faudra bientôt être aveugle, sourd ou exilé fiscal pour passer à côté du phénomène whisky français. Pas un mois, pas un jour sans qu’on en parle, 2020 aura marqué l’année du virus mais aussi celle de la révélation au grand public du “sky” made in Gaulle. Décryptage.
Avec près de 85 distilleries en activité et plus de 100 marques lancées en moins de 10 ans, la scène des whiskies français déborde de tous les côtés et prend les allures d’une revue de French Cancan Belle Epoque. Histoire d’y voir un peu plus clair, La Maison du Whisky a lancé le mois dernier la première sélection de whiskies de l’Hexagone sous une seule et même gamme, Version Française.
L’initiative est directement inspirée de l’Ecosse où les embouteilleurs indépendants établissent des liens entre les distilleries et les consommateurs, en parallèle des circuits officiels de distribution. On découvre ainsi de nouvelles facettes de ses single malt favoris – c’est aussi une opportunité pour les distilleries d’accrocher un nouveau public.
La sortie de Version Française est l’occasion de se pencher sur les différences et les spécificités des malts Made in France qui gonflent le torse et poussent de l’épaule les flacons des grandes nations sur les étagères de nos cavistes. Alors un whisky français, c’est quoi ?
1. Un whisky français est local et a les pieds dans son terroir
C’est en Bretagne que sont apparus les premiers malts en France. La connexion celte sonne comme un évidence !
En 1998 la distillerie Warengheim berce les premiers fûts d’Armorik non loin de Lannion dans les Côtes d’Armor. Le single malt résonne dans la péninsule celte puisqu’avec Glan Ar Mor et la distillerie des Menhirs dans le Finistère, la Bretagne a, pendant la première partie des années 2000, incarné le porte-drapeaux du whisky en France.
L’affirmation appartient désormais à l’histoire et nombre de régions ont depuis rejoint les troupes, avec chacune des spécificités locales.
L’orge sans sulfite ajouté du Domaine des hautes Glaces dans les Alpes, le dynamisme des brassins de Ninkasi, les fûts de vins blanc frais de La Roche aux Fées, la distillerie craft basée entre Rennes et Nantes : chaque distillat du territoire est un peu comme une étape du tour de France. Un terroir, des matières premières et un savoir-faire : c’est tout une ode à la France qu’on fait tourner au fond de son verre.
2. Le chemin du whisky français passe forcément par Cognac
Si la distillation d’orge maltée en France est récente, il en est une autre dont les français maîtrisent parfaitement les nuances : le Cognac possède une aura qui dépasse largement les frontières de l’Hexagone.
En Chine, en Scandinavie, aux Etats-Unis comme en Afrique, l’eau de vie charentaise opère comme un véritable corps diplomatique. Pendant longtemps d’ailleurs, le whisky était considéré comme un adversaire frontal par les cognaçais.
Depuis, Cognac prend sa revanche, puisque bon nombre de distilleries françaises de whisky utilisent des alambics charentais ! Des distillations à repasse qui conviennent parfaitement pour composer les distillats riches et fruités. Dans la sélection Version Française, 3 distilleries sur 5 utilisent des alambics de tradition charentaise.
3. Le whisky français est souvent vieilli en fût de vin
Le vieillissement se fait en barriques ou en fûts mais avant d’accueillir des eaux de vie, ces derniers ont souvent été utilisés pour servir aux transports du vin. Invention gauloise, le fût est aussi, par une curieuse parabole de l’histoire, beaucoup utilisé dans le vieillissement et la maturation des whiskies français.
Condrieu et Ninkasi, Saint Joseph pour le Domaine des Hautes Glaces, vin blanc frais pour la Roche aux Fées… Le vin et le malt font désormais bon ménage.
On retrouve généralement dans ces whiskies vieillis en fûts de vin des notes de fruits mûrs (Domaine des Hautes Glaces) ou exotiques (Ninkasi), des variations autour des agrumes et des fleurs (La Roche aux Fées) qui relèvent les palais et se marient aux notes céréalières, typiques des jeunes whiskies.
4. Le whisky français, c’est accessible !
L’heure de la spéculation dans le monde des spiritueux a bel et bien sonné. Après le whisky, le rhum flirte avec des prix s’approchant de ceux des grands vins. Cette tendance générale ne gagne pas les whiskies dans leur globalité : oui, il est toujours possible de se faire plaisir à moins de 50 ou 70 euros !
5. Le whisky français était attendu par tous
Parlez donc de whisky français en famille cette année, le répondant vous surprendra : fini le temps où les deux termes accolés dans une même phrase paraissaient inimaginables.
En un rien de temps, toute une génération de nouveaux distillateurs, entrepreneurs et passionnés ont fait leur apparition, abordant le whisky sans complexe.
Les techniques et les process sont désormais abordables. La conscience d’achat est venue titiller les cerveaux reptiliens des fondus de malt. Résultat, une idée forte de défense et d’aide à l’économie locale quand il s’agit de passer à la caisse. Un argument de poids face aux détracteurs.
Des distilleries qui ne cessent de se construire, des marques et des expressions nouvelles et originales, des whiskies locaux par leur process mais exotiques en dégustation, le whisky français ne serait-il pas, à ce stade, notre meilleur vaccin anti-Covid ?
Y.P
On choisit lequel ?
Glann Ar Mor 2007 – 57,7 % – l’un des sommets de la gamme mêlant la gourmandise pâtissière à la minéralité. 139 €
Domaine des hautes Glaces – 53,5% – floral et fruité, une arabesque céréalière en bouche qui atteint des sommets. 129 €
Armorik 2011 – 50% – Citron, pomme et miel, un hommage subtil et charpenté aux racines bretonnes de la distillerie. 109 €