Sport
Qui est Yannick Bestaven, vainqueur du Vendée Globe ?
04 FéVRIER . 2021
80 jours seul au milieu des océans mais tous ceux qui le connaissent disent de lui qu’il n’aime rien tant que les soirées joyeuses entre amis, les bonnes tables et les moments festifs ! Pourtant, ce sont des années qu’il a consacré sinon sacrifié à la préparation du Vendée Globe, cette folle course à la voile autour du monde en solitaire, sans assistance et sans arrêt. Gagner ce summum de l’effort physique et mental, cette quintessence de l’abnégation et de l’isolement, cet Everest de la pression stimulante et anxiogène, c’est affaire d’être d’exception. Yannick Bestaven fait désormais partie de ceux-là. Portrait.
Humble vainqueur du Vendée Globe
De son arrivée victorieuse dans la nuit des Sables d’Olonne, on retiendra de Yannick Bestaven, 48 ans, l’air si heureux, émerveillé, presqu’incrédule. « C’est un rêve d’enfant. Tous ces gens partout, le feu d’artifice, c’est fantastique » déclarait-il en parcourant le chenal à la lumière des feux de Bengale.
Mais n’oubliant pas la spécificité de sa victoire, il a ajouté très vite « dans ce Vendée il y a deux vainqueurs, Charlie et moi. » Preuve d’une personnalité enthousiaste, généreuse et mais aussi partageuse. Car s’il s’inscrit en vainqueur de la 9e édition du Vendée Globe, il sait qu’un concurrent, Charlie Dalin, était le premier sur la ligne d’arrivée, 7h et demie plutôt. Sans feux d’artifice !
Comment a-t-il fait ? C’est qu’en pleine course – le 30 novembre, alors qu’il était dans le peloton de tête au large de l’Afrique du sud- la direction du Vendée Globe lui demande de se dérouter pour aller épauler Jean Le Cam dans le sauvetage d’un troisième concurrent, Kevin Escoffier (souvenez-vous, on vous racontait tout cela par ici). En dédommagement, le jury lui a attribué 10h15 de bonification décomptées de son temps réel, ce qui lui permet de souffler la victoire au Normand à qui il a tendu le trophée, en affirmant « il est un peu à toi ».
Son geste élégant et plein d’humilité est un des traits de caractère de cet homme joyeux, toujours content de partager et d’échanger autant sur des points très techniques d’un bateau que sur le dernier match du club de rugby de La Rochelle dont il est fervent supporter.
« Mon frère est un épicurien » a déclaré sa soeur Emma qui lui connait un bon coup de fourchette et son goût pour les soirées amicales gentiment arrosées. Loin des rigueurs ascétiques d’une course en solitaire de 80 jours
Bien que né à Saint-Nazaire, « c’est un homme du sud. Il est chaleureux, rieur, très sympa . Un mec bien » nous assure le Breton Roland Jourdain, lui aussi grand marin, qui a fait trois Vendée Globe.
C’est lui qui a vendu le bateau « Maître Coq » à Yannick Bestaven. Une coque construite pour le Vendée Globe 2016 et qu’il a fiabilisé, modernisé et mis à sa main avec l’aide du chantier Kairos de Roland Jourdain. « C’est très agréable de travailler avec Yannick : il fait confiance et il délègue. » Et pourtant l’homme a la réputation d’être « un super technicien, très attentif au détail » nous dit Yann Dollo, patron du chantier CDK qui avait construit le bateau.
L’appel du large
Sa rencontre avec la mer et la voile remonte à l’enfance. Ses parents s’installent à Arcachon où il fait ses premières armes à six ans. La passion de la glisse sous toutes ses formes ne le quitte plus. Il profite à fond du terrain de jeu que lui offre cette région, devient moniteur de voile, s’éclate en kite surf -sans négliger sa formation d’ingénieur.
En 2001, il décide de se lancer dans la course au large, construit son bateau et s’inscrit à la mini-transat, cette régate en deux étapes La Rochelle-Lanzarote—Salvador de Bahia sur des monocoques de 6,5 m. Il gagne haut la main les deux étapes.
Il enchaîne les courses, souvent comme équipier, fait une incursion en classe Figaro. Sa rencontre avec l’Arcachonais Yves Parlier, autre grande figure de l’histoire du Vendée Globe (en 2000, il avait démâté et remâté seul dans un crique de Nouvelle-Zélande avant de finir l’épreuve en mangeant des algues pour survivre) va l’orienter vers cette course mythique.
Elle va rester un souvenir douloureux pendant dix ans.… En gagnant le Vendée 2020-21 il vient d’effacer de façon magistrale ce cauchemar de novembre 2008, lorsqu’après 30 h de course, il avait démâté avec « Aquarelle ». A toute chose malheur est bon, cet abandon lui permettra d’assister à la naissance de sa seconde fille Loïse le 24 décembre.
Un succès industriel …qui n’éloigne pas Yannick Bestaven des pontons
Plus skipper qu’équipier, il continue de monter ses propres projets et sans abandonner la régate il crée avec Matthieu Michou Watt&Sea, une société qui conçoit, fabrique et commercialise un hydro-générateur permettant aux voiliers de s’alimenter en électricité. Une innovation qu’il avait espéré tester sur Aquarelle et qui aujourd’hui équipe tous les Imoca 60 du Vendée ! Cette révolution énergétique (imaginée en son temps par Eric Tabarly) permet aux bateaux de croisière d’être en autonomie complète.
Ce succès industriel ne l’éloigne pas des pontons, d’abord en Class40, des voiliers plus petits donc avec des budgets plus abordables avant de se relancer en Imoca 60 dans l’aventure du Vendée Globe en 2018. Dans ses projets, Yannick Bestaven aime être son propre maître. « Yannick c’est d’abord un entrepreneur qui sait prendre des risques et c’est ce qui a plu à son sponsor Maître coq explique Anne Combier, son project manager. Il en prend en achetant le bateau avec lequel il vient de gagner, mais il en prend aussi dans l’océan Pacifique où il a mené la flotte pendant 26 jours. »
Une victoire qui sanctionne un leadership régulier dans une épreuve planétaire qui aura été hors normes, y compris sur le plan météo.
P.M-C