En voiture avec Bruce Meyers

La scène est mythique. Du genre qui a façonné la légende de Steve McQueen alors au sommet de sa gloire. Dans le film L’Affaire Thomas Crown de Norman Jewison (1968) l’acteur, dont on connaît la passion pour les sports mécaniques, emmène la charmante Faye Dunaway dans une virée sur la plage à bord d’un buggy Meyers Manx. Le King of cool est au volant de l’auto la plus cool d’alors.

Le buggy de Bruce Meyers, l’automobile de plaisance

Si elle est née sans toit, rapidement l’automobile (au sens large) est devenue une boîte bien fermée, généralement dotée d’un coffre pour les bagages et de deux ou quatre portières pour l’habitacle, auxquelles il est réclamé une étanchéité parfaite. Pourtant, l’auto décapotable, devenue avec le temps automobile de plaisance, n’a jamais cessé d’exister. Des autos pour les gens heureux, ceux qui veulent s’évader de la grisaille quotidienne !

Né en Californie, le buggy est amoureux du soleil, des longues plages de sable fin et des grandes étendues désertiques. Nous sommes à une époque où aucune restriction n’existe à la circulation des automobiles sur l’estran des cotes de l’océan Pacifique.

Le buggy, l’insecte des dunes

Le terme buggy peut être considéré comme un diminutif de «bug », un insecte. Ainsi un dune buggy est un insecte des dunes, une traduction qui correspond parfaitement à son esprit.

Bruce a grandi en Californie, a longtemps pratiqué le surf et conduisait une Ford vintage des années 1930. Mais il n’a pas à proprement parler inventé le premier buggy. Avant le Manx, quelques bricoleurs pionniers conduisaient de vieux tacots avec des pneus surdimensionnés destinés à rouler sur le sable. « Je n’ai pas inventé le buggy des dunes … J’ai inventé ce style de buggy des dunes. » affirmait-il modestement.

Certains des premiers dune buggies n’étaient que des cadres de tramway ou dans le meilleur des cas des Jeep, avec des éléments de carrosserie retirés et des pneus plus gros ajoutés dans le but d’une utilisation sur plage. Le début des années soixante a vu un engouement pour ces voitures de sable, comme quelques années auparavant celui pour les hotrods de rue (mouvement chez les jeunes Américains qui transformaient des voitures d’avant 1949 en y installant de gros moteurs, ndlr). La plupart de ces dune buggies étaient lourds et laids mais ils ont été l’inspiration pour cette voiture de sable plus stylée.

Le buggy, la Coccinelle devenue scarabée

Bruce Meyers était ingénieur de formation et avait compris qu’une carrosserie de buggy plus élégante et plus légère – tout en restant peu onéreuse – pourrait cartonner chez ces  jeunes californiens épris de fun.

Il combina ainsi son expérience en tant que constructeur de coques nautiques en fibre, sa passion pour les plages de sa région et celle pour l’automobile. Bruce transforma la Coccinelle en Scarabée : il prit une Volkswagen d’occasion, la démonta, la découpa, la raccourcit, changea la coque pour une carrosserie ouverte en fibre de verre de sa conception, adapta un moteur et ressouda un châssis !

Large et minuscule, l’œil rond et démesuré, l’avant avec sa gueule de dauphin et la silhouette trapue posé sur ses grosses roues… « Est-ce une formule 3 adaptée au labourage, ou un tracteur de compétition ? » s’interrogeaient les premiers journalistes qui l’essayèrent.

L’engin est baptisé Meyers Manx, en référence au chat sans queue de l’île de Man, râblé et musclé de l’arrière train. Bien qu’il soit à deux roues motrices, le buggy est un tout-terrain étonnant.

Le buggy, phénomène de société  

En juillet 1964, Meyers propose l’engin sous forme de kits à monter soi-même : à partir de 350 $ pour le kit le plus accessible. Il n’y avait plus qu’à dégotter une Volkswagen Coccinelle d’occasion. Pas vraiment un problème en 1964, plus d’un million et demi de Cox sillonnait déjà les États-Unis.

Sa création fait la une de Hot Rod Magazine en août 1966 : on y voit son engin en plein jump à travers les dunes. Trois ans plus tard, on dénombre 50 constructeurs de buggy ! Ils envahissent les déserts et les plages du Nevada, de l’Arizona et de la Californie.

Tout le show business veut son buggy : Elvis Presley, Jimi Hendrix ou James Garner auront le leur. Jusqu’en 1971, près de six mille Meyer Manx seront produits mais aussi une quantité astronomique de copies, souvent disgracieuses. On parle d’environ 250 000 buggies fabriqués, toutes marques confondues.

Et le buggy rouge de Steve Mcqueen, alors ? Un amateur n’hésitera pas à débourser pas moins de $ 456 000 (400 351 euros) lors de la vente aux enchères Bonhams d’Amelia Island, en mars 2020. Le symbole d’une époque !

A.M