Petite histoire de la contrefaçon dans l’assiette,

Ces recettes trompeuses

Cuisine

22MARS. 2021

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Petite histoire de la contrefaçon dans l’assiette

Ces recettes trompeuses

22 MARS . 2021

Écrit par Morgan Malka

Souvenez-vous : en 2013 éclate le scandale de la fraude à la viande de cheval. 4,5 millions de plats concernés, du cheval en place du bœuf dans les lasagnes du consommateur. Les retentissements de l'affaire sont colossaux, le public, choqué. Pourtant la contrefaçon dans l'assiette est une vieille histoire ! Faire passer des vessies pour des lanternes est monnaie courante en cuisine. Chronique des recettes trompeuses qui ne sont pas ce qu’on pourrait penser…

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Au temps du monde d’avant, les touristes américains grassouillets venaient en France se goberger d’escargots et de cuisses de grenouilles importés depuis les rivières de Thaïlande et ionisées aux portes de l’Europe, pensant goûter au plus étrange et au plus typique de la gastronomie locale.

Nos goûts sont-ils si étranges ? Pour l’émission Bizarre Foods, la star de Travel Channel, Andrew Zimmern, se rend ainsi en France. Au programme : tablier de sapeur, oreiller de la Belle Aurore, quenelles, tarte aux pralines. Si on exclut la présence d’extrait de cochenilles, un adorable petit insecte, présent dans les pralines pour leur donner cette jolie couleur, rien de bien étrange. L’estomac de bovin, le gibier, le thymus du veau ou encore le brochet restent des aliments assez conventionnels à nos yeux. Pourtant, sur les anciennes cartes et les vieux manuels, notre regard se porte parfois sur des aliments qui surprennent même un Français aguerri de la fourchette…

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© Esther Ghezzo / Renards Gourmets

 

1. Des rognons trompeurs et des crêtes de coq… à la viande bouillie

Avant d’aller plus loin, précisons immédiatement : si d’aventure vous deviez trouver un ou deux rognons dans un coq, vous devriez vous méfier. En effet les gallinacés n’ont nul besoin de reins puisqu’ils ont un gésier. Les dits rognons sont en vérité les testicules de l’animal, absents chez le chapon mais au nombre de deux chez n’importe quel coq ou poulet bien formé.

Ces testicules sont tellement gros qu’ils ressemblent à des rognons. Il était également plus acceptable de travestir le nom des uns pour le nom des autres. Ces fameux rognons de coq une fois sautés se retrouvent dans les véritables vol-au-vent de nos ancêtres (on vous donnait justement la vraie recette par ici).

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© Esther Ghezzo / Renards Gourmets

La crête de coq est appréciée chez les trois mousquetaires de la bizarrerie culinaire, Français, Chinois et Italiens mais en France, son succès fut tel qu’il engendra la création d’un petit métier, celui de fabricant de crêtes de coq. Au XIXe siècle, le bien nommé père Lecoq fabriquait dans une petite cour du faubourg Saint-Antoine de fausses crêtes à l’aide d’une machine à vapeur.

Il utilisait du museau de veau ou de mouton qu’il pressait dans un moule après l’avoir fait longuement bouillir. Il produisait ainsi une large quantité de crêtes et se percevait comme un bienfaiteur de l’humanité, capable de pourvoir à l’immense demande de crêtes dans la capitale. Un saint homme. Avant lui, le travestissement se faisait au couteau grâce à l’habileté du cuisinier qui découpait dans le palais de bœuf une forme de crête.

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Dans cette illustration extraite des Fastes de la cuisine française par Jules Gouffé (1867), on remarque la profusion de crêtes de coq mélangées aux truffes…

2. Gentille alouette… sans oiseau

L’alouette est un petit oiseau excellent, sans doutes plus fin encore que la grive. On la plume, on ne la vide pas nécessairement, on la couvre d’un linceul de lard et on la fait cuire dans une cheminée. On l’attrape par le bec et on mange le tout, os et entrailles compris, seul le bec reste dans les doigts.  Le goût est la preuve irréfutable de l’existence d’une entité supérieure toute dévouée à notre plaisir organoleptique. Mais alors pourquoi diable des alouettes sans tête ?

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Les alouettes sans tête sont en réalité un mélange de viandes…

Car oui, ces Provençaux à la bouche fleurie d’ail et de sarriettes se gobergent encore d’alouettes mais sans têtes. Les nôtres qui volèrent naguère jusqu’aux assiettes royales afin de confectionner de délicieux pithiviers se sont raréfiées et ne font plus que de timides apparitions dans nos campagnes.

Ne dit-on pas que les Marseillais affabulent ? Eh bien oui, pas d’alouettes dans les alouettes sans tête. On y trouve de la viande de bœuf, parfois de veau, de l’ail, des herbes aromatiques, des champignons, de la tomate, bref toute une farandole d’aliments mais pas d’oiseaux. La recette est héritée d’Italie : déjà nos voisins en bons artistes de la cucina povera avaient substitué aux véritables alouettes ces petites paupiettes censées imiter la forme d’un oiseau bardé et ficelé. Le palais ne s’y trompe pas, même si la cuisine de J-B Reboul est excellente.

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DR

 

3. La soupe de tortue… au veau

La soupe de tortue est une institution américaine et anglaise héritée du savoir-faire français (comme presque tout ce qui concerne les bonnes choses). A la fin du XVIIIe siècle, Jean-Baptiste Gilbert Payplat, dit Julien et son ami Jean Anthelme Brillat-Savarin se rendent aux Amériques pour fuir la décapitation généralisée en vogue dans notre bon pays. Ces Princes of Soups se font une réputation à Boston avec une recette de soupe de tortue. Au Royaume-Uni, le succès est également fracassant. Le prix de la matière première, la tortue, devient exorbitant et la demande croissante ne peut être satisfaite. Il est temps d’inventer la mock turtle soup, c’est-à-dire, la fausse soupe de tortue.

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On cherche à imiter la texture gélatineuse de la bête en utilisant de la tête et des pieds de veau. Contrefaçon qui inspirera Lewis Carroll pour son Alice au pays des merveilles. La facétie repose sur le fait que la soupe de fausse tortue est censée être confectionnée à base de « fausse tortue » alors qu’on voit clairement que la fausse soupe de tortue n’est pas la même chose que la fausse soupe de tortue. Bon courage si vous comprenez quelque chose.

Au XIXe siècle, le cuisinier des Rois, Antonin Carême recommande lui aussi l’usage de la tête de veau. La version de cette soupe dite à la parisienne contient également des crêtes (des vraies, cette fois-ci) et des rognons de coq. La soupe Campbell rendue célèbre plus tard par Andy Warhol distribuera une large quantité, dans le monde, de cette fausse soupe de tortue.

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Aujourd’hui, il est possible de goûter aux crêtes et aux testicules de coq, il suffit de se procurer une volaille effilée, c’est-à-dire vidée mais dans laquelle on aura replacé ses abats. La crête peut être simplement découpée avec une paire de ciseaux, blanchie et cuite dans la sauce de votre choix. Sa consistance se rapproche de celle du pied de veau ou de porc, plutôt gélatineuse. Son goût est proche de celui d’un bouillon très corsé de volaille. C’est très bon et intéressant en tous points, de l’économie domestique aux expériences culinaires.

Les rognons ou testicules se rapprochent des rognons de lapin. La texture est ferme, le goût assez doux. Avec une sauce au madère, des champignons et une larme de crème, c’est exquis.

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Pour les vraies alouettes, il vous faudra partir en chasse !

A moins d’être ami avec un généreux chasseur ou d’arpenter les plaines vous-même, il vous sera difficile, en revanche, de vous procurer une alouette, qui plus est, il vous en faudra un certain nombre pour parer votre hatelet d’argent (la broche utilisée pour rôtir les petites pièces de viande, ndlr) des beaux oiseaux avant de les mettre à la rôtissoire. Les petits oiseaux ne ressemblent en rien aux cailles et aux pigeons d’élevage, leur succulence est absolue. C’est une quête qui vaut l’effort d’être conduite.

Enfin, certaines espèces de tortue se consomment encore en Asie. Quand vous pourrez de nouveau voyager, peut être pourriez-vous vous y essayer… La soupe de tortue à la tête de veau n’en reste pas moins un mets raffiné aux consistances intéressantes et au goût relevé, comme le sont les alouettes de Provence qui, longuement mijotées dans une cocotte de fonte, font un excellent repas.

M.M


Pour s’essayer à une recette de crêtes de coq concoctée par nos Renards Gourmets, c’est par ici !

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Portrait : Mohamed Rebatchi, parfumeur autodidacte 

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En voiture avec Bruce Meyers

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