Portrait : Mohamed Rebatchi, parfumeur autodidacte 

Mohamed Rebatchi.

« Mon premier souvenir d’olfaction, quand j’étais enfant, c’est le parfum de ma maman, comme beaucoup, confie Mohamed Rebatchi, parfumeur parisien. C’était Anaïs de Cacharel. A l’époque c’était en grande distribution, même pas en parfumerie. Une vraie senteur grand public, par définition ». Loin du milieu de la parfumerie, Mohamed naît en banlieue, à Créteil. « Là où les conseillers d’orientation ignorent même que la parfumerie est un secteur qui existe, qu’il y a des débouchés. Ou se disent que ce n’est pas pour nous. Mais ce qui est formidable, c’est qu’on est en France, où on a des opportunités extraordinaires. Cela n’aurait sans doute pas été possible ailleurs, c’est certain ». A douze ans, il arpente les parfumeries en cachette à la sortie du collège. Prédestiné.

Coursier pour nez

D’ailleurs, si Mohamed Rebatchi entre dans le parfum, c’est un peu par effraction. « J’étais coursier, je faisais des allers-retours pour les grandes maisons de composition comme Firmenisch. A la suite d’un accident je me suis réorienté. J’ai un ami qui vendait des huiles de parfum, des huiles essentielles, et comme j’étais passionné par les odeurs depuis toujours, j’ai fait comme lui ». Mohamed se renseigne, il apprend vite. Le négoce, les arômes, tout s’accélère. Il développe son réseau, l’affaire prend. « Un jour j’ai décidé de créer un label, mais comme je n’avais pas beaucoup d’argent, j’ai monté mon projet à partir de love money de mes amis et de mes proches ».

Avec Maurice Roucel.

Aujourd’hui, la maison Mohamed Rebatchi, après avoir souffert de la crise et de la fermeture des distributeurs en raison des confinements et du covid, se développe bien. Cent boutiques vendent les créations du parfumeur parisien partout dans le monde. « L’élément déclencheur dans mon histoire a été d’avoir contacté des parfumeurs indépendants, qui sont exigeants et ne travaillent pas avec tout le monde. J’ai eu de la chance, cela a été une bonne expérience pour moi. Grace à eux j’ai beaucoup appris, et je leur en sais infiniment gré ».

Démarrée fin 2016, début 2017, l’aventure Rebatchi est en effet avant tout une affaire de rencontres, comme avec  les Dinand qui ont créé le flacon de la maison, à la suite d’une exposition de métiers d’art à l’Hôtel Meurice.

Rien dans la création de Rebatchi ne commence comme chez les autres. « Je ne suis pas fils de parfumeur, je n’étais pas destiné à faire cela. J’en ai fait un territoire d’expression à part ». Ses parfums viennent de l’imagination, émanent d’un souvenir : un réveil dans le désert, un coucher de soleil devant la mer…mais avec une autre vision de la parfumerie. « On est jeunes, accessibles, tout en étant qualitatifs », résume celui qui se présente comme un chef d’orchestre. « Moi, je ne suis pas parfumeur, les parfums ça se fait à plusieurs, comme avec Maurice Roucel. Ou avec Karine Chevallier, qui m’a beaucoup appris autour des matières premières, des nouvelles notes. ». `

Bertand Duchaufour a lui aussi imaginé un parfum de la gamme proposée par la maison Rebatchi.

Fabriquer des effluves de rêve

En 2018, Mohamed Rabatchi décide de créer sa propre marque. Pour l’occasion, il sollicite le célèbre designer Pierre Dinand (Opium, Eau Sauvage…) et son petit-fils Jules Dinand qui imaginent un flacon épuré, subtilement orné de pétales en relief. « On veut proposer un beau parfum, alors on fait un bon travail. C’est une logique d’offre. On fait du parfum sur-mesure. C’est du luxe avec des parfumeurs d’exception. On vend du rêve. Il faut être à la hauteur ».

Côté jus, Mohamed Rebatchi s’est entouré de parfumeurs de renom pour raconter son histoire, évoquant aussi bien l’Algérie familiale que les forêts de Vendée de ses souvenirs d’enfance. Bois d’Enfants, imaginé par Karine Chevallier, raconte ces forêts de pin et la douceur suave des mûres sauvages. Cuir Tassili, créé par Aliénor Massenet, évoque le désert algérien du même nom, alliance mystérieuse de l’odeur des selles de cuir des dromadaires, du thé et du cherbet, la citronnade algérienne.

D’autres parfums font écho à des ingrédients emblématiques de la parfumerie, comme Feu patchouli, imaginé par Bertrand Duchaufour autour d’une symphonie d’épices et de notes fumées. Maurice Roucel a, quant à lui, imaginé deux créations. Musc Panache, un musc atypique égayé d’un cocktail d’agrumes et Joyeux osmanthe, un bouquet de fleurs blanches aux accents abricotés. Enfin, Randa Hammami a imaginé un parfum lumineux et légèrement poudré autour de la reine des fleurs, baptisé Rose Rebatchi.

L’espace qu’ouvre Rebatchi dans la parfumerie contemporaine prouve une fois de plus qu’on ne peut réduire le parfum à une simple marchandise. La charge émotionnelle qu’il comporte en fait une arme de séduction massive pour peu que la rencontre se fasse entre une création et celles et ceux qui la portent. Après tout, Jean Giono ne disait-il pas : « Le parfum, c’est l’odeur plus l’homme » ?

A.M

Ces six eaux de parfums s’accompagnent de trois bougies, reprenant le motif pétalé en relief.

Plus d’informations sur www.rebatchi.com

La Maison Rebatchi adhère à la Fragrance Foundation.

Découvrez les podcasts de la Fragrance Foundation, les Fragrance Podcasts, à travers trois invités questionnés par Elsa Cau, sur spotify, apple music et Acast France.