Stohrer, la plus ancienne pâtisserie de Paris nous fait toujours rêver

© Alexandre Guirkinger

Stohrer, ce n’est rien de moins qu’un mythe. Celui de la plus ancienne pâtisserie de Paris, fondée en 1730 par Nicolas Stohrer, le pâtissier du roi Louis XV. Une véritable institution de la rue Montorgueil, donc.

Reprise par la famille Dolfi, également propriétaire de la Mère de Famille, qui a à coeur de perpétuer la tradition française et son excellence, Stohrer personnifie l’histoire de Paris par ses pâtisseries mais également son somptueux décor de 1864 classé Monuments Historiques, signé par un élève de Paul Baudry qui a œuvré au décor de l’Opéra Garnier. (Jetez un oeil aux renommées, elles sont sublimes!)

Stohrer, de la grande à la petite histoire

Pénétrer dans cette maison à la devanture bleue, c’est contempler des siècles de savoir-faire et se laisser aller aux souvenirs de l’endroit. Certaines familles achètent le fameux puits d’amour de génération en génération. « Certains venaient déjà acheter les mêmes gâteaux le dimanche avec leurs grands-parents. Ils font de même avec leurs petits-enfants. Chaque Parisien a un rapport personnel et particulier avec notre institution » nous explique Steve Dolfi.

Loin d’une simple pâtisserie de quartier donc, un lieu de souvenirs aux créations entrées dans l’intimité des familles parisiennes. Le goût de l’enfance. D’ailleurs, qu’est-ce qu’un pâtissier, sinon une partie de la vie de chacun, marquées d’occasions et donc… de gourmandises ?

Perpétuer nos pâtisseries

La volonté des propriétaires n’est d’ailleurs pas d’imprimer leur marque avec des créations mais de transmettre un savoir-faire présent depuis trois siècles . « La Maison a existé bien avant nous et nous survivra, c’est ça l’important, nous sommes de passage, avec pour mission de transmettre ce patrimoine français qui nous dépasse. Il faut prendre soin de cet héritage exceptionnel » affirme Steve Dolfi.

De même « faire perdurer un gâteau présent depuis le XVIIIe siècle comme le baba au rhum est pour nous mille fois plus important que de proposer un gâteau dont personne ne se souviendra dans cinq ans. Si on crée des gâteaux, ce sera au détriment de nos pâtisseries classiques et elles finiront par disparaître… » Aucune recherche, donc, pour révolutionner la pâtisserie, mais une véritable volonté de dompter les classiques et de maîtriser la simplicité.

« Faire perdurer un gâteau présent depuis le XVIIIe siècle comme le baba au rhum est pour nous plus important que de proposer un gâteau dont personne ne se souviendra dans cinq ans. » – Steve Dolfi

 

Chez Stohrer, la modernité ne se manifeste pas dans l’intitulé de la recette mais dans les tech-niques et les produits utilisés. Moins de sucre, des fruits de saison, la substitution de l’animal par le végétal sans jamais sur dénaturer le goût, voilà à quoi œuvre la vingtaine de pâtissiers de la rue de Montorgeuil afin de proposer des produits qui sont l’essence de la tradition. Tout est fait sur place, la boutique est le lien entre le client et le pâtissier. Pour donner du peps à un éclair au chocolat, il n’est pas nécessaire de changer la recette mais on peut utiliser un cru différent…

Nicolas Stohrer, inventeur du baba au rhum 

Alors, quid de ces créations ? On peut y retrouver le fameux baba au rhum créé par Nicolas Stohrer. Trouvant un jour un kouglof trop sec, il eut l’idée de le tremper dans un sirop au rhum qui ravit le roi de Pologne. Une fois la boutique installée à Paris, le baba en devint rapidement l’un des desserts emblématiques…

Réalisé aujourd’hui avec de la pâte brioche, il reste une référence incontournable. Croquer dans ce baba, c’est comme manger un petit morceau d’histoire et partager son dessert avec Louis XV qui a savouré le même, exactement le même, avec quelques siècles d’écart !

Du puits d’amour, offert par Louis XV à ses maîtresses, à la bouchée à la reine

Autre dessert emblématique de la Maison, le puits d’amour, petit gâteau que Louis XV se plaisait à offrir à ses maitresses. Nicolas Stohrer a retravaillé la recette originale en garnissant le feuilletage d’une crème pâtissière à la vanille et en le recouvrant d’une épaisse couche de caramel obtenue au fer rouge à caraméliser, technique ancestrale encore utilisée à l’heure actuelle rue Montorgueil. Oui, vous pouvez toujours croquer vos amours illicites ici.

Non content de ce succès, Nicolas Stohrer décide de décliner le puits d’amour pour notre plus grand bonheur en version salée : c’est bien la naissance de la fameuse bouchée à la Reine, hommage à Marie Leszczynska. Traditionnellement composée de quenelle de volaille ou de veau, de champignons et de béchamel, elle peut être enrichie de ris de veau et foie gras (on vous en parlait justement ici), difficile d’y résister ! Joufflue et généreuse, le Tout-Paris se l’arrache. Venez tôt, car elle disparaît vite des rayons.

Le visionnaire Nicolas Stohrer est également à l’origine de la tarte Chiboust, la religieuse à l’ancienne, spectaculaire édifice réalisé à base d’éclairs au café et au chocolat. Mais, plus que tout, il a inventé la pâtisserie moderne en réunissant différents corps de métiers confiseur, pain d’épicier, gaufrier qui œuvraient seuls, dans un même lieu afin de conjuguer le savoir-faire de chacun et proposer ainsi des pâtisseries élaborées telles qu’on les déguste encore aujourd’hui dans le même lieu, à la même adresse.

Millefeuille caramélisé à la crème légère, pâte à choux déclinées sous toutes ses formes, mais également brioches joufflues et délicates viennoiseries, nous, on s’est laissé emporter depuis longtemps par ce tourbillon de gourmandises à la française aussi raffinées que généreuses…

A.H

On feuillette le livre de pâtisserie Stohrer par Jeffrey Cagnes aux éditions du Chêne, 35 €

Pour en découvrir un peu plus sur cette pâtisserie d’exception et son fabuleux répertoire classique, plongez-vous dans le bel ouvrage de Jeffrey Cagnes, pâtissier de la Maison, qui dévoile les recettes mythiques et les secrets de fabrication.