Style de vie
Un tailleur à Rome
Rencontre avec Andrea Luparelli, de Sartoria Ripense
13 AVRIL . 2021
Andrea Luparelli est Romain. Comme tout Romain qui se respecte, il aime le beau. Et le beau, accompagné de la tradition familiale, l’ont naturellement mené vers le vêtement. Tailleur ? “Entrepreneur bien entouré” préfère-t-il préciser. On a parlé de parcours et d’élégance. Bienvenue chez Sartoria Ripense.
En décembre 2013, je décide de contacter Andrea Luparelli, que je suis depuis un certain temps, étonné par ses va-et-vient à Paris, en lui proposant de prendre un café… Au lieu de quoi nous avons dîné au Relais de l’Entrecôte, à Saint-Germain-des-Prés ! Dix minutes après notre première rencontre, j’ai eu le sentiment d’avoir découvert plus qu’un ami : à mi-chemin entre l’oncle ou le grand frère, toujours là pour vous écouter, vous encourager sans avoir la langue dans sa poche. Mais Andrea, c’est aussi un parcours et une passion.
Itinéraire d’un passionné de mécanique et d’art tailleur
Andrea Luparelli est originaire de Rome. Depuis l’enfance il est passionné par la construction et la mécanique des choses, jusqu’à arriver à concevoir ses propres patrons de vestes : en somme, un designer du beau ! Inconsciemment influencé par son grand-père qui était tailleur : il nous raconte se souvenir de ses grands-parents faisant des points sur des vestes, dans la chambre à coucher, pendant que lui regardait la télévision…
Après ses études, de 1989 à 1990, il fait son service militaire chez les Carabiniers (le choix de cette arme n’est pas anodin : ce sont les seuls à donner une solde). Puis, jusqu’en 1999, il est employé chez ItalGaz (l’équivalent de Gaz de France), dans l’organisation de systèmes. Il quitte l’entreprise en 2000. Quatre ans plus tard, Andrea Luparelli donne vie à Sartoria Ripense.
Andrea Luparelli ne se proclame pas tailleur, bien qu’il effectue personnellement les prises de mesures et les ajustements des vestes lors de ses nombreux voyages à travers le monde : « si je devais me concentrer sur le travail manuel, coupe, etc… Je n’arriverais pas à assumer le rendement actuel de production ». Dix employés internes dépendent de lui et il insiste bien sur le terme « internes » ! Trop souvent les ateliers de couture s’appuient sur du personnel externe pour alléger la charge de travail et les coûts au détriment du contrôle et du suivi des commandes. Chez Sartoria Ripense, on travaille en équipe.
Sartoria Ripense, un tailleur moderne à Rome
Le deuxième atelier vient d’ouvrir quand nous l’interviewons, à deux pas de la via di Ripetta où se situe son atelier historique ainsi que sa très élégante boutique décorée à l’anglaise, où se mélangent ses travaux en cours et ses articles de prêt-à-porter : blousons Baracuta (nos blousons-fétiche, souvenez-vous, on vous en parlait ici), Impers Sealup, Blousons en daim Valstar, parapluies de Francesco Maglia, bagages Calabrese 1924, Loden autrichiens Steinbock, Chrysalis en donegal, chaussettes Palatino, maillots de bain Mosaique, chapeaux et casquettes Lock & Co Hatters, mocassins Bow Tie (pour la rentrée de septembre, un nouveau projet de création de chaussures artisanales est en cours…), cravates, pochettes, bretelles & chemises sur-mesure Sartoria Ripense sans oublier les soins masculins GEO F. Trumper… Bref, il y a de quoi faire chez Sartoria Ripense, et pour toutes les bourses.
Andrea Luparelli dispose d’une réelle structure de production : deux ateliers, des machines à coudre, des fers à repasser et surtout, ses tailleurs ! : « Ce que de nombreux tailleurs d’autres génération n’ont pas compris, parce qu’ils réfléchissent avec une vision d’artisans de quartier, de petits boutiquiers (bottega en Italien, ndlr) et non pas d’entrepreneurs, c’est qu’ils doivent pouvoir déléguer et structurer les étapes de travail pour gagner du temps. Entrepreneur ou tailleur, quelle différence ? Le résultat voulu par mes clients est là : ce sont mes vestes ! »
La veste qu’il fait réaliser par ses collaborateurs est à son image : « j’adore les tissus anglais, j’ai toujours été admiratif du travail rigoureux et de la technicité de l’école parisienne et de la souplesse et légèreté du style de vie italien : voici l’adn de ma veste. Elle n’a pas de signes extérieurs distinctifs ou ne suit pas de tendance. Mes vestes sont conçues pour durer dans le temps. Actuelles aujourd’hui, mais aussi dans dix ans : des vestes classiques avec un style rigoureux jusque dans les plus infimes détails. Même ce qui ne se voit pas doit être propre, les points dans leur imperfection manuelle doivent être placés à distances égales ! »
Souvent j’entends parler de technique dans la construction d’une veste, de raccords de carreaux, mais jamais de style, d’attrait, de séduction… Oui de séduction, car n’oublions pas que nous nous habillons en grande mesure pour nous plaire mais aussi pour plaire aux autres ! Porter une veste Sartoria Ripense ne fera pas de vous quelqu’un d’élégant en un claquement de doigt, mais contribuera fortement à valoriser votre silhouette -je m’en suis rendu compte assez vite.
La veste, la vraie
Andrea Luparelli m’a appris à faire la différence entre la veste et … toutes les autres : un vrai revers de veste (entre neuf et dix centimètres), le respect des bonnes proportions, (ne lésinez pas sur la longueur de veste -0.78cm pour ma part mesurant 1,84m- ni celle des manches), une veste qui ouvre trop sur l’avant, à la fermeture du bouton, ou une veste qui décroche (le fameux ‘‘collar gap’’)… Depuis, je dois reconnaître (sans être maniaque pour autant, car il faut que les vêtements vivent)… que j’ai un tout autre regard sur l’allure de certains passants dans la rue.
Les clients locaux d’Andrea Luparelli se comptent sur les doigts de la main : le gros de sa clientèle est situé entre Paris, Londres ou New-York. Le client Sartoria Ripense est souvent un jeune actif travaillant dans la finance, sont juristes, dans l’art ou encore dans la publicité… Mais surtout, ils sont sensibles au goût et à la manière de vivre d’Andrea Luparelli véhiculés sur sa page Instagram @sartoriaripense. « Aujourd’hui, les clients viennent me voir à Rome en me montrant une photo pour passer commande ! » nous explique Andrea Luparelli.
Après avoir fait choisir son tissu au client et pris ses mesures, coupé l’étoffe pour ensuite l’entoiler, Andrea convie le client à son premier essayage sur toile (l’essayage du tailleur, qui permet de voir si la veste est en équilibre). Andrea y apporte les corrections nécessaires lors du deuxième essayage. Les détails internes et les poches sont ajoutés, ainsi que les côtés, les manches, le col et le dessous de col qui sera recouvert. On bâtit les manches jusqu’au troisième essayage pour arriver aux dernières finitions et détails : les phases de couture des doublures et boutonnières ainsi que le repassage, jusqu’à la livraison au client.
On ne repart pas seulement avec une veste Sartoria Ripense, mais avec le sentiment d’avoir vécu une véritable expérience ! La facilité relationnelle d’Andrea lui permet d’entretenir une relation cordiale, quasi amicale, avec ses clients – allant jusqu’à prendre le café, un verre ou même de dîner avec eux.
Et en ce moment ? La crise sanitaire a permis à Andrea et à Sartoria Ripense de se confronter majoritairement au marché local, “jusqu’ici un peu mis de côté à cause de la forte demande venant de l’étranger nous confie-t-il. Je suis en train de chercher à développer des projets à taille humaine, notamment le parfum Sartoria Ripense, un vieux projet, tout comme le jean et d’autres pièces de prêt-à-porter.” Des projets à suivre et l’occasion, pour nous, d’aller siroter un bon café romain avec Andrea un de ces jours…
S.B
Sartoria Ripense,
00186 Rome
Bonus : La Rome d’Andrea Luparelli
Tes marques de chaussures préférées ? Crocket & Jones et Edward Green, et évidemment les Sartoria Ripense réalisées et montées sur une forme personnalisée afin de combiner le goût anglais avec le twist nonchalant à l’italienne.
Où acheter ses souliers à Rome ? Chez Brugnoli, Laudadio et Giki.
Côté sportswear, des adresses ? Bottiglierie et Blue Marlin.
Quel coiffeur à Rome ? Tessier Haidresser !
Tu es collectionneur d’autos et de motos. Quels sont tes bolides ? Je possède plusieurs Porsche (912, 964, 991 GT3), l’Alfa Romeo GT Scalino, une Harley Davidson Road King, une Triumph Bonneville et bien sûr mes Vespa 250 GTS, Piaggio Ciao et Piaggio Vespa 50 1970…
Où prends-tu un café à Rome ? Chez Rosati, Piazza del Popolo, à La Buvette, Via Vittoria ou encore au Sciascia Caffé 1919, Via Fabio Massimo.
Et les glaces ? Giolitti, Via degli Uffici del Vicario et Fassi, Via Principe Eugenio.
Pour un plat de pâtes ? Il Bolognese et Il Toscano
Pour une viande ? Qui nun se more mai : ici on ne meurt jamais, pas une adresse à touriste ! Via Appia Antica.
Pour un poisson ? Sapore di Mare, Via della Posta Vecchia.
Pour une pizza ? Luzzi, Via Celimontana et Dal Bersagliere, Via Gino Capponi.
Et côté apéritif ? Il Sorpasso, Via Properzio, Terrazza Borromini, Via di Santa Maria dell’Anima, Hôtel Lo Carno, Via della Penna, l’Hôtel de Russie, Via del Babuino et Salotto 42, Piazza di Pietra.
On écoute quoi, dans les rues de Rome ? Tout le répertoire de Mina !