Sport
La boxe anglaise : un art, un vrai
2/4 : les plus beaux styles de la boxe anglaise
13 MAI . 2021
Le style, en boxe, qu’est-ce que c’est ? Une manière personnelle de la pratiquer : fluidité, efficacité et beauté du geste. Une sorte de danse du jeu de jambes, d’esquives, de parades et de contres accompagnés du fameux coup d’œil du boxeur et de réflexes parfaits. Tandis que le néophyte aime le spectaculaire et le K.O. brutal, le connaisseur, lui, demande du stylisme. Alors quels sont les plus beaux styles de la boxe anglaise ?
1. Ray Charles Leonard (né en 1956) dit Sugar Ray Leonard
Champion Olympique des poids légers en 1976 à Montréal, il se lance dans la boxe professionnelle pour subvenir aux besoins de ses parents malades. Il devient la coqueluche de l’Amérique dans les années 80 : ses bonnes manières, son style et sa finesse lui valent son surnom “Sugar”, qui est aussi un hommage à la légende Sugar Ray Robinson (on vous en parlait la semaine dernière ici). Depuis, le boxeur s’est reconverti en conférencier de la motivation et acteur.
Mobilité déconcertante, don de l’esquive, sûreté du coup d’œil, formidable vitesse de réaction et maîtrise du geste en font à la fois un puncheur et un technicien. C’est un vrai plaisir pour les yeux de le voir se mouvoir ! Sugar Ray Leonard affrontera les meilleurs boxeurs de sa génération : Roberto Duran, Thomas Hearns, Marvin Hagler (décédé récemment), qu’on surnommait avec lui les quatre fantastiques. Il est l’un des plus grands boxeurs de l’histoire encore en vie ayant totalisé 36 combats professionnels dont 25 par ko et un match nul.
« Je n’ai jamais aimé la violence. Je l’ai contournée. » – Sugar Ray Leonard
A 26 ans, un drame survient : le décollement de la rétine l’oblige à raccrocher les gants ce qui plongera l’athlète dans l’alcoolisme et la cocaïne. Le 6 avril 1987, métamorphosé, il remonte sur le ring en défiant Marvin Hagler. En juin 1989, il retrouve Thomas Hearns pour un match explosif dont l’issue sera un match nul. En décembre de la même année, il enchaîne face à Roberto Duran pour disputer la “belle” (après avoir perdu, s’étant fait intimider par le Panaméen qui insultait sa compagne dans sa stratégie psychologique : les deux boxeurs sont aujourd’hui amis). Un grand !
2. Floyd Patterson (1935-2006) dit le Gentleman de la boxe
Tout comme Mike Tyson, il atterrit très jeune en maison de correction. Toujours comme Mike Tyson, il est entraîné à 14 ans dans le club du préparateur légendaire et visionnaire qu’était Cus d’Amato (encore un rital) qui va le métamorphoser.
Il lui enseigne à user du « Gazelle Punch » contre le boxeur gangster Sonny Linston – cela consiste à placer un uppercut lancé avec une telle propulsion sur les jambes en visant le menton, qu’ainsi le coup, amplifié, secoue le cerveau qui touche la boîte crânienne en provoquant le K.O. Dans le jargon, on parle d’éteindre la lumière.
3. Prince Naseem Hamed (né en 1974) dit NAZ
Sans doute l’un de mes boxeurs préférés ! Ce boxeur britannique d’origine Yéménite adopte un style flashy et arrogant de la période 1992 à 2002. Champion du monde des poids plume il se fait remarquer dans sa boxe mais également dans ses entrées en fanfare où il se donne en spectacle : dans un décor de carton-pâte, en dansant dans un cimetière façon thriller de Michael Jackson, porté par des esclaves comme à l’ère des pharaons, sur un tapis volant ou bien avec des effets pyrotechniques en accédant au ring toujours avec cette acrobatie où il franchit la corde avec un saut périlleux au lieu de passer en-dessous…
Mais ce qui rend NAZ intéressant, ce ne sont pas uniquement ses entrées show off ou ses frasques mais son style unique dans l’histoire de la boxe de haut niveau : un punch du gauche hors du commun provoquant des K.O. foudroyants. Il effectue très rarement des séries de plus de trois coups – jab (bras avant), cross (direct ou bras arrière), d’un crochet ou d’un uppercut… Prince Naseem Hamed plaçait ses coups avec une telle férocité qu’il exposait par moments des points d’entrées, des failles, qui le rendaient vulnérable notamment lors de la seule défaite ayant ébranlé sa confiance contre le Mexicain Marco Antonio Barrera, en avril 2001 au MGM Ground de Las Vegas.
Côté boxe défensive, ce qui est époustouflant, ce sont son jeu de jambes (qu’il tient de cinq ans de danse classique) et son habileté à rentrer le buste et faire des pas de côté pour esquiver les coups plutôt que de les bloquer. Cette technique lui a permis d’éviter les emprisonnements dans la corde et de se retrouver à plusieurs reprises et par surprise sur le flanc de ses adversaires, voire à l’arrière… Il évitait le corps à corps, il cherchait à casser la distance. Cet artiste de la boxe a révolutionné la façon classique « académique » de boxer (bien en appui sur ses jambes, tronc droit, poids de corps sur la jambe avant, pointes de pieds). Il aura même eu un jeu de Playstation portant son nom !
4. Floyd Mayweather (né en 1977) dit Pretty Boy
Surnommé Floyd « Money » Mayweather car la nuit du 3 au 4 mai 2014, au MGM Grand de Las Vegas, il empoche trente-deux millions de dollars en trente-six minutes soit quinze mille dollars la seconde. Ce qui fera de lui le sportif le mieux payé de la planète!
Invaincu en 46 combats dont 26 par KO, on l’appelle Pretty Boy car son visage n’a jamais été touché. Instinctif, rapide, mobile, il possède une défense impénétrable avec son épaule remontée sur le visage et une garde basse dite latérale inversée de profil en assénant en ripostes des crochets éclairs avec ses mouvements de buste.
Pretty Boy, c’est aussi un jeu de jambes et des pas de côtés exemplaires : un danseur ! C’est l’un des meilleurs techniciens des années 2000. Il est aussi flambeur et fanfaron : véritable showman, tout en entrées spectaculaires avec stars du showbiz et autres amis rappeurs. A la ville, ce sont ses montres en or serties de diamants, voitures de luxe, bagages Louis Vuitton et sacs Hermès… Il détient aujourd’hui 49 victoires -le même nombre de victoires que Rocky Marciano.
5. Christophe Tiozzo (né en 1963)
L’ancien Champion du Monde des Super Moyens WBA de 1990 à 1991 est à la fois un grand technicien, un puncheur dévastateur et une gueule d’ange. Il est à l’époque le seul français médaillé olympique en boxe anglaise à seulement 26 ans chez les super-welters aux JO de Los Angeles en 1984 et champion du monde WBA dans sa catégorie des super moyens à Lyon, le 30 mars 1990 face au tenant du titre, le Coréen In-chul Baek par arrêt au sixième round.
Avec une carte de 35 combats dont 33 victoires (22 par KO) et 2 défaites, ce talentueux styliste a boxé chez les professionnels entre 1985 à 1996. Le champion savait créer l’événement en attirant plus de 8 millions de téléspectateurs sur TF1, jusqu’aux années 2000, quand le football prend le dessus…
Depuis, sans grands débouchés, les boxeurs sont rentrés dans le rang des anonymes. Cependant l’élégant technicien Chrostophe Tiozzo, que l’on compare à Marcel Cerdan dans sa boxe et dans son tempérament, est probablement l’un des plus brillants boxeurs Français depuis Jean-Claude Bouttier.
S.B
La boxe au cinéma ! On revoit :
Sparring (2017) : coup de cœur pour ce rôle interprété par Mathieu Kassovitz racontant l’histoire d’un boxeur looser mais besogneux qui, pour subvenir aux besoins de sa famille, devient (trop vieux) sparring partner d’un champion interprété par Souleymane M’Baye.
Rocco et ses frères (1960) : Alain Delon dans une fresque de Luchino Visconti dans le rôle d’un jeune boxeur.
L’aîné des Ferchaux (1963) : Bébél dans l’un de ses premiers rôles, dirigé par Melville.
On découvre aussi la boxe anglaise en documentaire avec Mr Calzaghe (2015)
Ou sur instagram : @tony_jeffries Tony Jeffries est un ex-médaillé Olympique britannique qui a décidé d’ouvrir sa salle de boxe à Malibu en Californie. Il est très inspirant, pédagogue et bienveillant avec des tutos et vidéos Youtube très bien pensées.
On l’écoute en podcast : Interview de Christophe Tiozzo dans le Podcast Gentleman Chemistry
On la lit :
Cerdan Intime, par Franck Roubaud-Abad et Jacques Maigne (2009) : coup de cœur pour ce livre magnifique avec photos superbes du « Bombardier Marocain ».
Portraits mythiques de la boxe par Guy Lagorce (2015) : très beau livre de photos en noir et blanc retraçant par l’histoire et styles de boxe la crème de la crème du Noble Art.