Cinéma & Séries
La gastronomie au cinéma
Notre sélection de films incontournables
09 SEPTEMBRE . 2021
Il existe des liens étroits entre gastronomie et cinéma. L’un comme l’autre touchent les sens et les émotions du public, et certains cinéastes ont exalté le rang sacré que la nourriture occupe dans nos vies. L’amour de la tâche que l’on accomplit, la passion et la maîtrise sont des valeurs essentielles à qui veut cuisiner des mets d’exception. Tout un programme. Notre sélection de 8 films incontournables pour les amateurs de bonne chère et de grand écran.
1. Gastronomie française chez les Danois : Le festin de Babette de Gabriel Axel (1987)
Un grand classique, danois, adapté d’une nouvelle de Karen Blixen et Oscar du meilleur film étranger en 1988. Au XIXème siècle, dans le froid Danemark au sein d’une communauté empreinte de grande rigueur luthérienne, les deux filles du pasteur, ayant renoncé pour satisfaire aux exigences de leur père à la vie conjugale, vivent seules et célibataires quand elles acceptent les services de Babette, cuisinière française ayant fui Paris et les massacres civiles durant la Commune.
Gagnante d’un gain très conséquent au loto, elle décide d’employer cette somme, dans sa totalité, pour préparer un somptueux festin à la française à ces deux maîtresses et à quelques membres de la communauté.
Le rythme du film pourra peut-être sembler un peu long aux impatients, mais Stéphane Audran prête merveilleusement ses traits à cette femme chef, qui offre à la communauté qui l’a accueillie pendant plus de 15 ans plus qu’un repas : un hymne à la vie, aux plaisirs de la table, une ode à nos sens confits dans la volupté d’un festin incroyable. La soupe à la tortue, les blinis Demidoff au caviar et à la crème, les cailles en sarcophages au foie gras et leur sauce aux truffes, les savarins et baba au rhum (image à la une, ndlr), ainsi que les fruits frais (un vrai luxe dans cette région et à cette époque), accompagnés de vins d’exception, vous mettront bien en appétit.
2. Depardieu aux fourneaux : Vatel de Roland Joffé (2000)
Le récit des derniers jours de François Vatel, incarné par le grand Gérard Depardieu, alors maître d’hôtel pour le prince Louis II de Bourbon-Condé. Il fut célèbre en son temps comme grand organisateur de festins et fêtes exceptionnelles. Avant le prince de Condé il fut au service de Nicolas Fouquet et déjà, son insolent talent provoqua les foudres de Louis XIV.
Puis, il entra au service du Grand Condé à Chantilly où il fut chargé d’organiser le merveilleux séjour du Roi et de sa cour durant trois jours. Et quel banquet : dans les cuisines avec profusion de légumes, viandes et merveilles diverses et variées, le confisage des fruits, les sculptures en pâte à pain, ou encore de glace, la réalisation d’un merveilleux panier de fleurs et fruits en pâte d’amande et sucre soufflé, les sauces et les crèmes… C’est aussi l’interprétation de notre monstre sacré, Gérard Depardieu, qui fait preuve d’une grande sensibilité dans l’incarnation qu’il offre de ce maître d’œuvre des plaisirs de la table et de la vie. Bref, tout un pan de notre histoire gastronomique au cinéma.
3. Dîner à la française et en huis clos : Le Souper d’Edouard Molinaro (1992)
Tiré de la pièce de théâtre de Jean-Claude Brisville qui rencontra en 1989 un grand succès au Théâtre Montparnasse et dans laquelle étaient déjà réunis Claude Rich (César du meilleur acteur pour sa prestation dans la version filmée) et Claude Brasseur, Le Souper est un huis clos se déroulant le 6 juillet 1815 à minuit dans l’hôtel particulier de celui qui fut surnommé le diable boiteux : Talleyrand, campé à la perfection par Claude Rich.
Il y reçoit Fouché, ancien ministre de la Police de Napoléon Bonaparte. L’Empire vient de s’effondrer au lendemain de Waterloo et les deux hommes confrontent leurs vues sur l’avenir de la nation (et le leur) dans une joute nocturne avec le brio qui les caractérise. Les deux hommes intriguent, confessent et projettent en dégustant ci et là un grand cognac ou un entremet, un rot ou une bombe confectionnés par le roi des cuisiniers, ou le cuisinier des rois : Antonin Carême.
L’atmosphère, la grande intelligence des dialogues, la pertinence et la sagacité des personnages font de ce film un trésor. C’est la petite histoire dans la grande, dehors la foule gronde avec le tonnerre de juillet et le duo infernal nous tient en haleine tout du long.
4. Juliette Binoche prépare Le Chocolat de Lasse Hallström (2000)
Comment ne pas succomber au charme de Juliette Binoche dans le merveilleux rôle de cette chocolatière d’exception ? L’action se déroule dans les années 60, dans un charmant petit village français. Vianne Rocher s’y installe avec sa jeune fille Anouk et ouvre un commerce. Et plus précisément une chocolaterie. Mais pas n’importe laquelle. En effet, un peu « magicienne », du moins sensible et prodigieuse chocolatière, Vianne sait deviner quel est le chocolat préféré de ses clients, même quand ils ne le savent parfois pas eux-mêmes.
Mais surtout, par ce plaisir si charnel, si simple et pourtant presque mystique, elle sait dénouer les fils de leurs vies et leur apporter le souffle de liberté qui leur manque bien trop souvent. La révolution des sens qu’elle insuffle n’est pas du goût du maire bien trop conservateur du village. Et la petite guerre fera quelques dommages collatéraux.
Point de chef-d’œuvre mais quelques heures très plaisantes devant un film somme toute pas si léger et qui donne envie de vivre, simplement, sans encombre et en profitant des joies que la vie procure.
5. La cuisine comme échappatoire : Como agua para chocolate (Les épices de la passion) d’Alfonso Arau (1992)
Un film mexicain à l’esprit surréaliste, qui relève de la magie si propre à l’Amérique du sud, adapté du roman de Laura Esquivel par son époux. Pendant la révolution mexicaine au début du XXème siècle, Tita est contrainte de sacrifier sa vie et ses désirs au seul rôle de dévotion et de soins qu’elle doit remplir pour sa mère. En conséquence, le mariage avec l’homme dont elle est aimée et amoureuse lui est interdit. Et l’expression d’elle-même et ses espoirs d’autant plus.
C’est à travers la cuisine, le seul domaine dans lequel elle peut s’épanouir, qu’elle met en forme ses pensées et sentiments. A travers les plats qu’elle cuisine, elle provoque des réactions incontrôlables chez ses convives… Larmes quand elle transmet sa tristesse, désirs brûlants, etc. Un film sensuel où la nourriture est le véhicule de nos émotions. Pensez-y la prochaine fois que vous cuisinerez, les sentiments qui vous habitent influent sur la qualité des mets préparés. Voire plus, si il y a un peu de magie en vous.
6. Pâtisseries japonaises et résilience : Les Délices de Tokyo de Naomi Kawase (2015)
Lui aussi adapté d’un livre, ce très délicat film japonais raconte la rencontre d’un homme dans la force de l’âge mais n’ayant aucun goût à la vie et à son métier avec une femme âgée, Tokue, heureuse de vivre et engagée dans chacun des gestes qu’elle accomplit.
Employé dans une boutique de dorayaki, un encas sucré dont beaucoup de japonais raffolent (il s’agit de deux petites crêpes épaisses et moelleuses garnies de anko, une pâte de haricots rouges), Sentaro se laisse doucement apprivoiser par Tokue qui fait des pieds et des mains pour être embauchée comme commis pour confectionner le fameux anko.
Sa personnalité, sa résilience face à la vie, son amour de chaque petite chose accomplie avec maîtrise, rigueur et plaisir toucheront en plein cœur le farouche Sentaro. Laissez le film se dérouler doucement, ne soyez pas trop pressés et peut-être vous fera-t-elle le même effet…
7. Grand art gastronomique : Le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant de Peter Greenaway (1989)
Comme à l’accoutumée avec Greenaway, on touche au sublime. Les amateurs du réalisateur ne seront pas déçus par ce film cruel et baroque. Entre pièce de théâtre aux décors savamment étudiés et chef-d’œuvre cinématographique, la décadence humaine se joue devant nos yeux.
La cruauté du voleur (le mari) un barbare mafieux, propriétaire d’un restaurant de haute-gastronomie, qui terrorise tout le monde, la colère du cuisinier contraint de travailler pour un monstre, l’échappée belle dans les bonheur de la chair et de chère des amants, soit la femme du voleur et un client érudit et tendre… le décor est planté et la cavalcade va crescendo.
La musique, les décors, les costumes, le ballet des corps et des scènes, la direction artistique sont époustouflants. Les scènes, de la cuisine au service, sont dignes des plus grands maîtres de la peinture classique. Les plats sont sophistiqués, le travail sur l’art culinaire et celui de la table est grandiose. Un must-have à voir – avec l’estomac bien accroché quand la farce tourne au massacre.
8. Pierre Richard en chef géorgien : Les Mille et Une Recettes du cuisinier amoureux de Nana Djordjadze (1996)
Un long-métrage géorgien, haut en couleurs et en sentiment, avec un Pierre Richard très français dans le rôle de ce chef cuisinier et voyageur, expatrié en Géorgie, cuisinier du Président de la république géorgienne, puis humilié et contraint par la terreur des communistes à perdre la femme qu’il aime et son restaurant.
Un film à l’esprit virevoltant, un peu surréaliste là-aussi, corrosif et bien sûr politiquement très critique face à l’hypocrisie à l’œuvre dans certains partis politiques qui dévorent les hommes et les femmes comme ils dévorent du cochon de lait. Avec cruauté et voracité.
Avec un sentiment doux-amer, on y parle aussi de notre lien à nos racines, des secrets de famille lovés au fond de nous, tout comme de la bascule qui opère parfois dans nos vies nous laissant à tout jamais différents face à l’irrémédiable. Avec, en somme comme toujours, la gastronomie, au centre de toutes les émotions !
E.G