Culture
Exposition : l’inclassable Martin Margiela à Lafayette Anticipations
30 NOVEMBRE . 2021
Figure incontournable dans le milieu de la mode depuis la fin des années 1980, le nom et la marque Martin Margiela sont désormais synonymes de révolution conceptuelle et esthétique. Loin de vouloir se cantonner à utiliser tissu et machine à coudre comme seul moyen de création, Martin Margiela repousse les frontières de l’invention en créant de nouvelles formes d’œuvres. Pour sa première exposition monographique, la Fondation d’entreprise Galeries Lafayette, Lafayette Anticipations, met à disposition l’ensemble de ses espaces à l’imaginaire bouillonnant du couturier jusqu’au 2 janvier 2022. Une plongée unique dans l’univers d’un artiste hors-norme. On y était.
Quand le plus énigmatique des artistes s’expose à Lafayette Anticipations
Reconnu pour l’ensemble de ses digressions vestimentaires formelles — il a notamment été le premier à incorporer le recyclage dans ses créations en y intégrant des chaussettes de l’armée, des vêtements chinés aux puces et des emballages plastiques — Martin Margiela a signé la fin de sa carrière dans la haute couture il y a déjà plus de 12 ans, lorsqu’il décidait de quitter la maison éponyme qu’il dirigeait depuis 21 ans.
Créateur très discret, ayant toujours refusé de poser devant un appareil photo ou de répondre à des interviews de journalistes, il signe aujourd’hui son grand retour sur le devant de la scène… Mais cette fois-ci en tant qu’artiste plasticien.
Pensée comme une œuvre d’art totale, l’exposition conçue à Lafayette Anticipations retranscrit les grandes réflexions iconoclastes qui jalonnent la pensée du créateur depuis toujours. À travers une vingtaines d’œuvres inédites maquées par une grande variété de médiums et de supports, Martin Margiela célèbre une nouvelle fois la beauté et la poésie humaine.
L’exposition, un labyrinthe d’objets inattendus
Têtes sans visages, corps déformés, échelles distordues et calembours visuels… C’est ce à quoi ressemblent les installations, sculptures, dessins, peintures et film qui se succèdent au sein de l’exposition. Étonnant ? Pas tellement lorsque l’on connaît le travail de l’artiste.
Marqué par les questions liées au corps, l’ensemble des œuvres reprend les obsessions physiques propres à Margiela : les cheveux, l’épiderme, les poils, les ongles… le tout teinté d’une grande part de fragilité, d’étrangeté et de fugacité. Ainsi, l’œuvre Vanitas, composée de cinq perruques de cheveux, symbolise le portrait abstrait d’une femme et du temps qui passe (photographie à la une, ndlr). Véritable vanité contemporaine, cette installation représente le passage du temps à travers cinq étapes de la vie d’une femme : de la tête blonde enfantine aux cheveux gris vieillissants.
Le temps suspendu
Peu à peu, ce sentiment d’inquiétante étrangeté se dissipe pour laisser place à un étonnement et une curiosité ludiques. D’un arrêt de bus monumental en fausse fourrure en passant par l’installation de faux ongles géants ou d’un décalage visuel et textuel répétitif dont tout le principe de l’œuvre réside dans la simple lecture des titres de cartel, la peur du temps s’éloigne progressivement de nous.
Le temps est omniprésent donc, mais de moins en moins menaçant. Chez Martin Margiela, la vie d’un objet est en perpétuelle évolution et ne se termine jamais, comme en témoigne l’œuvre Torso, composée de trois torses sculptés en plâtre et silicone que les visiteurs sont invités à venir toucher afin de la faire évoluer au fil du temps.
Ultime manifestation de la fugacité temporelle, l’activation et la désactivation d’œuvres par des performeurs disposés aléatoirement dans les espaces, ne rendant les pièces que plus impénétrables. Une exposition à ne surtout pas manquer.
L.M
On y va ?
Martin Margiela, Lafayette Anticipations
Fondation d’entreprise Galeries Lafayette,
9, rue du Plâtre,
Paris IVe
Exposition gratuite
Ouverte tous les jours, 11h-19h et le jeudi jusqu’à 21h