Taroudant, un week-end au Maroc loin des foules

Posée dans la plaine du Souss au pied des cimes enneigées du Haut Atlas, Taroudant (prononcez “Taroudante”) se blottit derrière ses murailles et sept imposantes portes. La ville séduit et attire depuis plusieurs années une faune hétéroclite, trouvant en Taroudant un repaire de choix pour vivre le Maroc autrement, et capter le charme et l’âme d’une cité authentique. Parmi les fidèles les plus connus : Jacques Chirac, Farah Diba ​-la dernière épouse du Shah d’Iran- ou (dans un autre registre) Morgane Sézalory, qui dédiera à Taroudant l’une des premières collections de Sézane. Pour prendre le pouls de la ville, rien de mieux que de siroter une orange fraîchement pressée au Café des Arcades, sur la place agitée Assarag, avant de se perdre dans le souk voisin. Le séjour peut commencer.

Au Dar Zahia, sérénité et tajine aux poires

Au fond d’une impasse, au détour d’une ruelle passante de la médina et à l’abri des regards, on découvre l’apaisante Dar Zahia, maison et table d’hôtes, planquée derrière une grosse porte (dont il faudra au fil des jours apprivoiser la serrure un brin lunatique). Puis d’épais murs en pisé, deux patios, un jardin duquel s’échappent d’affriolantes effluves fleuries, de charmants salons ouverts, un petit bassin… et le murmure d’une jolie fontaine. 

A l’intérieur, le charme délicat d’un riad marocain décoré avec un goût très sûr. Une douce poésie à vivre dans l’une des quatre chambres de cette maison très réussie, imaginée et conçue avec soin et raffinement par Zahia, et Marc Belli (photographe et directeur artistique français). 

Au petit matin, le réveil est assuré par des oiseaux survoltés qui assaillent le patio, après un léger sursaut lors du premier appel du muezzin. Dans la journée, le soleil rayonne et transperce le riad. Le nuit tombée, on passe à table. Sana, la maîtresse de maison est aux fourneaux. Au menu ce soir-là : un tajine de poulet parfumé à la cannelle, de poires ultra-fondantes, d’oignons bien confits (il aura eu le don de me réconcilier définitivement avec le sucré-salé). Nos papilles s’en souviennent encore. On regrettera juste qu’il n’y ait pas plus de jus dans le plat à tajine pour pouvoir saucer jusqu’à la fin, avec le pain à la semoule. Élu meilleur plat du séjour (à l’unanimité). 

Au Dar Al Hossoun, un jardin extraordinaire 

En sortie de ville, nouvelle adresse, nouvelle ambiance. A première vue, c’est un jardin extraordinaire (sans canards qui parlent anglais, vous l’avez ?). Sur près de 7 000 m2 se déploient sous nos yeux un verger, un jardin sec, un jardin semi-enterré, des dizaines de cactus… une jungle parfaitement organisée. Un désordre végétal délicieux, bien réfléchi. Le lieu revendique plus de 900 variétés de plantes dont certaines espèces rares.

Le décor est planté, signé par Eric Ossart et Arnaud Maurières, duo d’architectes-paysagistes français tombés amoureux de la région. On leur doit aussi d’autres paradis botaniques de référence au Maroc et ailleurs, ainsi que l’Éloge de l’Aridité, un parfait manifeste sur la conception de jardins adaptés au réchauffement climatique, à la diminution des ressources en eau, et à l’assèchement progressif. Dar Al Hossoun en est la parfaite incarnation. 

Dans la propriété, les paons, les tortues et la colonie de chats complètent le tableau aux vrais airs d’Arche de Noé (Le Douanier Rousseau n’est pas très loin!). Le lieu est aussi un hôtel – ou plutôt un lodge. Une petite vingtaine de chambres s’éparpille dans la propriété. Chacune répond au nom d’une plante ou d’un arbre (jacaranda, aglaé, euphorbe, casimiroa…) et privilégie une décoration locale, des matériaux naturels (pisé, terre cuite, pierre, bois…), sans tomber dans le cliché. Qu’il est plaisant de s’installer dans les nombreux recoins, de profiter des salons ouverts sur le jardin, du rooftop, des jolis espaces communs et d’allumer un feu dans la chambre en fin de journée pour affronter la légère fraîcheur du soir…. Le service est aussi adorable. 

On regrettera un peu honteusement (au regard de la météo parisienne désastreuse) juste deux ou trois degrés supplémentaires pour pouvoir goûter l’eau de l’une des deux splendides piscines. Pas facile de quitter ce petit coin de paradis. Vous êtes prévenus. 

Autour de Taroudant, nos échappées préférées

Incontournables, immersives ou secrètes… les échappées au départ de Taroudant ne manquent pas. Il est donc difficile de s’ennuyer ici, à moins que vous ne préfériez laisser passer le temps, affalé sur le rooftop ensoleillé du riad, ou bien près de l’un des deux bassins du garden lodge. Un conseil : laissez vous porter – au gré de vos envies (lubies?) – par les équipes de Dar Zahia et de Dar Al Hossoun, qui sauront organiser avec maestria vos pérégrinations (bien s’aligner en amont sur les tarifs, pour éviter les mauvaises surprises). 

Echappez-vous dans l’Anti-Atlas dans le village berbère de Saïd (le taxi référent de Dar Zahia) et profitez d’un pique-nique « tajine-sur-tapis-berbère” improvisé en pleine nature, face aux montagnes. 

Avec Abderrahmane.

Rencontrez (et philosophez avec) Abderrahmane, à la sortie de la ville de Taroudant (sur l’Avenue Mohammed V, juste après la BMCI et la station-service Afriquia) pour découvrir la très jolie vaisselle de Tamegroute – qui se distingue par son bel émail vert- à très bon prix.

Un autre jour, élevez-vous dans l’Atlas du côté de la vallée Mentaga puis faîtes un stop au gîte du même nom pour un déjeuner marocain (avec vue) juste parfait (ribambelle de salades bien assaisonnées, brochettes de poulet grillées, tajine…) servi avec le sourire, avant une balade digestive inopinée dans le hameau voisin, situé juste en contrebas de la propriété. 

Sur le retour, filez au Palais de Claudio Bravo (à moins de 30 minutes en voiture du centre-ville), peintre chilien hyperréaliste tombé amoureux de Taroudant, qui s’est offert le luxe dans les années 2000 de faire construire le Palais de ses rêves (devenu aujourd’hui un musée-hôtel) : un véritable havre de paix qui s’étend sur 75 hectares. 

Enfin, le temps d’une journée, choisissez de visiter Tiout aux côtés d’Hamid, le “guide-enfant du pays” que tout le monde s’arrache. Et sillonner son incroyable palmeraie : près de 1000 hectares verdoyants, des champs cultivés (nourris par les sources de l’Atlas via un système d’irrigation savamment organisé), puis s’envoyer un succulent couscous sous une tente berbère, chez Saïd et Djamila (devenus superstars locales après un bref passage dans Echappées Belles sur France 5). Ne pas oublier de passer au retour par la coopérative féminine d’huile d’argan. 

A Tiout.

N’attendez plus. Armés de nos bonnes pistes hardies, vous êtes parés pour un décollage imminent. La météo est encore excellente : la température flirtait avec les 27 degrés l’après-midi et aucun nuage à l’horizon de toute la semaine lors de notre séjour début novembre. Taroudant reste un secret encore bien gardé : une destination parfaite pour une échappée aux antipodes d’un Maroc trop touristique. Le plan idéal pour prendre un bon shoot de vitamine D, en attendant le retour des beaux jours.  

G.B