Des chiffons pour l’hiver

William Holman Hunt Portrait de Fanny Waugh Hunt (1866-68). © The Toledo Museum of Art

A l’origine, le Boteh Jegheh Perse

Le paisley (ou cachemire) est inspiré des arts décoratifs perses et de leurs motifs ornementaux. Il en existe une grande variété, et en l’occurrence celui qui nous intéresse est le Boteh Jegheh. Signifiant « buisson » ou « arbuste » en persan, on peut y déceler une goutte, une amande, une pomme de pin, c’est selon le regard de celui qui le scrute. Sa symbolique reste mystérieuse et nul ne peut affirmer avec certitude sa signification. Il serait lié à la symbolique zoroastrienne de l’arbre de vie et de l’éternité, pour certains au symbole du yin et du yang… Dans tous les cas il est lié à l’ère pré-islamique de la région.

Le motif Boteh était privilégié sur des tissus de laine ou de soie iraniens, tissés à la main et réservés à l’élite du pays, les Termeh. Et si l’on connaît essentiellement l’usage du Boteh dans le textile, il ornait en ce temps-là, et aujourd’hui encore, des tapis, des bijoux qui le représentent et ornent des turbans, puis des éléments décoratifs dans les mosquées ou encore des poteries. Depuis son origine persane, il s’est répandu dans tout l’Orient, notamment en Inde et en Turquie dès le XVIe siècle. Et c’est en Inde, au Cachemire, que le Boteh prendra justement le nom de cette région.

Des montagnes du Cachemire aux Lowlands d’Ecosse

C’est par l’intermédiaire de la Compagnie des Indes Orientales empruntant la route de la soie qu’il s’est répandu en occident au XVIIe et XIXe siècles. Et c’est un véritable engouement dans toutes les cours Européennes ! Luxueux, rares et exotiques, les tissus précieux au motif cachemire deviennent un must-have. A tel point que la production orientale ne peut plus satisfaire la demande.

Jean-Antoine Gros, Portrait de l’impératrice Joséphine, 1808 © Musée Masséna, Nice

C’est ainsi que la ville de Paisley en Ecosse devient un épicentre de sa production. Au point de lui donner un troisième nom. De Boteh Jegheh à motif cachemire, il devient alors paisley. Également produit en France ou en Hollande, c’est sans conteste à Paisley que la production fut la plus florissante grâce à des innovations techniques  permettant, tout comme les tissus réalisés en Inde, d’utiliser 5 fils de couleurs différentes.

Au fur et à mesure des modes et des progrès, le paisley tombe en désuetude, jusqu’à son déclin à la fin du XIXème siècle, une fois qu’il devient accessible même aux classes les plus populaires grâce à sa grande production.

Swinging London et XXIe siècle

Si au XIXe siècle le motif cachemire était destiné aux femmes, il renoue au siècle suivant avec ses origines en étant de nouveau porté par la gent masculine. On lui connaît depuis de régulières survivances, notamment dans les années 60/70 où il fait fureur chez les hippies et artistes bohèmes. Des plus célèbres comme les Beatles ou les Rollings Stones, aux plus en marge, il devient une arabesque phare de l’ère psychédélique. John Lennon peindra même sa Rolls-Royce de motif paisley. Prince nommera Paisley Park Records son label fondé en 1985, ou ses studios d’enregistrement Paisley Park. Et, dans les années 80 il donnera même son nom au mouvement musical californien Paisley Underground.

Aujourd’hui il est toujours en vogue chez les couturiers, dans l’univers du luxe et du prêt-à-porter comme Etro ou Celine par Hedi Slimane. Au point d’être de nouveau l’une des grandes tendances de l’AH21/22. De plus en plus populaire, de plus en plus accessible, on peut aujourd’hui le retrouver dans toutes les gammes de prix et les styles (il orne le fameux bandana, originaire d’Inde lui aussi). Notre version préférée, pour ces messieurs, reste sans aucun doute appliquée à la robe de chambre, dont on vous parlait déjà par ici ! Plus discrètement, on l’aime sur un foulard ou une belle écharpe, en petites touches de revers de poches…

La Rolls Royce psychédélique de John Lennon. © Royal BC Museum.

Mais comme autrefois, la qualité et la beauté du motif n’est pas toujours au rendez-vous face à la démocratisation de notre arabesque exotique. Il faut bien de l’ardeur et de la patience pour trouver sa pièce fétiche, parfaite et indémodable… Une recherche idéale à l’approche des fêtes.

E.G

Où trouver le motif cachemire ?

La marque Etro propose de très belles pièces au motif cachemire. Foulards, pochette jeans, jupes, portefeuilles, valises, cabas. C’est devenu un des emblèmes de la marque. Beaucoup de choix disponibles, pour les hommes comme pour les femmes.

Pour les messieurs, cravates et carrés chez Drake’s.

Des vêtements jusqu’au linge de lit, le motif Paisley est aussi un classique chez Ralph Lauren.

Côté maison, on regarde aussi Simrane et Cabana Home !

Pour les pyjamas, les gants, les masques de nuit ou encore des chaussettes, direction Paul Smith.

Mesdames, robes, jupes et maillots de bain de chez Zimmermann, accessoires et parfois quelques pièces-phare chez Isabel Marant.

Pour une version un peu psyché 70, Ela Hubegger

Et pour un côté Liberty, Liberty London bien sûr !