Culture
Visiter l’Hôtel de la Marine à Paris
Trois siècles de lumière
21 JANVIER . 2022
Visiter l’Hôtel de la Marine, à Paris, c’est désormais possible. Après 5 ans de restaurations, ce joyau de l’excellence française ouvre un nouveau chapitre de son histoire. Ici, la lumière se fait bijou.
L’ouverture tant attendue de l’Hôtel de la Marine – souvenez-vous, en juin 2011, le bâtiment avait déjà fait l’objet d’une reprise soumise par Alexandre Allard et rejetée par Valéry Giscard d’Estaing, alors Président de la Commission mise en place pour sa réhabilitation – permet enfin de faire toute la lumière sur ce bâtiment, au fond peu connu des Français, qui se dresse sur une place autrefois royale, voulu dans l’axe de Versailles…
Pour lui redonner tout son lustre, sa restauration et son aménagement ont été confiés au Centre des monuments nationaux. C’est une renaissance sans précédent, un véritable travail d’archéologue auxquels se sont livrées ses équipes. Mais avant de visiter l’Hôtel de la Marine, à Paris, de pénétrer dans la cour d’honneur de ce haut-lieu de l’excellence à la française, revenons en 1748, lorsque la place de la Concorde se nommait place Louis XV, ornée en 1763 non pas d’une guillotine mais de la statue équestre du roi.
L’Hôtel de la Marine, Garde-Meuble de la Couronne
C’est à son architecte Ange-Jacques Gabriel qu’il ordonne la construction de deux bâtiments jumeaux de part et d’autre de ce qu’est aujourd’hui la rue Royale. Deux façades servant tout juste de « décor » sur une plaine marécageuse… auxquelles nulle fonction n’avait été dans un premier temps attribuée. Ce n’est qu’en 1767 que le bâtiment de droite prendra la fonction de Garde-Meuble de la Couronne (et ce jusqu’à la fin du XVIIIe siècle). Le bâtiment de gauche, qui abrite aujourd’hui l’hôtel de Crillon et l’Automobile club de France, est quant à lui vendu à des particuliers.
Le premier musée de France
Un garde-meuble ? Pas de quoi s’extasier ? Qu’on ne s’y trompe pas ! Son intendant, Pierre-Élisabeth de Fontanieu, en fera le premier musée des arts décoratifs de France. Il ouvrira officiellement ses portes au public, un mardi par mois, en 1777, quinze ans avant le Louvre ! On y présente tout le registre d’une collection d’arts décoratifs : armes, mobilier, bijoux, bronzes, objets précieux… On assiste au travail des artisans, ébénisterie, marqueterie, travail du bronze…
Tout le savoir-faire de l’excellence à la française y est ici réuni, sous un même toit.
Quant aux appartements de l’Intendant, ils sont un pur produit du Siècle des Lumières. Dès 1795, le ministère de la Marine et des Colonies investira une partie du bâtiment et d’année en année grignotera du terrain. Au XIXe siècle, les espaces seront transformés en bureaux tout en gardant les décors du XVIIIe.
L’empreinte de l’époque
Pour sa rénovation, pas moins de soixante corps de métiers ont dû entrer en scène. C’est la première fois que le Centre des monuments nationaux fait appel à des décorateurs. Joseph Achkar et Michel Charrière, en ambassadeurs du XVIIIe siècle, n’ont eu de cesse de recréer l’atmosphère de cette époque. Peintures d’origine, textiles anciens, mobilier puisé dans les réserves du Mobilier National dont de splendides pièces signées Jean-Henri Riesener, l’ébéniste favori de Marie-Antoinette, objets d’art et du quotidien… c’est une mise en scène grandiose empreinte de la patine du temps que le visiteur peut découvrir, comme si les lieux avaient toujours été habités.
La lumière, maîtresse du jeu à l’Hôtel de la Marine
Et pour ce faire, quel meilleur subterfuge que la lumière pour se frayer un chemin d’une époque à l’autre ? « Trois siècles d’histoire vont se succéder… autrement dit, trois types de fastes, trois sources d’éclairage, trois “mises en lumière” », souligne Régis Mathieu. En véritable historien de la lumière, le fondateur de Mathieu Lustrerie, l’un des corps de métiers mandatés par le CMN, pose son œil éclairé sur cet élément clé qui fait l’âme d’un lieu.
Recréer la lumière d’une époque, restaurer les lustres existants, retrouver le type d’appliques, de lampes, de chandeliers, redonner vie aux objets manquants jusqu’à créer de nouvelles pièces : tous les savoir-faire d’un « faiseur de lumières » sont ici mis au service du bâtiment. À commencer par la reproduction à l’identique de 11 lanternes du XVIIIe pour orner la loggia donnant de plain-pied sur la place de la Concorde. Celles-ci s’inscrivent dans la continuité de celles de l’Automobile Club de France, également restaurées il y a deux ans par le lustrier, pour retrouver l’unité commune aux deux bâtiments. Passée la loggia, le visiteur s’infiltre alors sous les arches de la Cour d’Honneur éclairées d’une vingtaine de luminaires contemporains, entièrement dessinés par Régis Mathieu.
Traiter la lumière comme un bijou
Ceux-ci reposent sur deux éléments en totale adéquation avec le XVIIIe siècle : le choix des matériaux – à savoir le bronze et le cristal de roche – et le respect des proportions d’une lanterne de l’époque. « Une approche “minérale” de la pierre transparente rehaussée par la pierre blanche des murs qui ne perturbe en rien les salons des étages supérieurs. Le cristal de roche ne dévoile pas la source lumineuse placée en son centre mais laisse supposer la présence d’un grand cierge », explique-t-il. Toute la magie de ce dispositif réside dans le fait qu’il est traité comme un bijou, exactement comme les lustres l’étaient à cette époque. « Entre les salons XVIIIe de l’Intendant et ceux d’apparat XIXe de la Marine, on passe de 12 bougies à près de 70 pour chaque lustre, cela change tout », poursuit-il.
Pour sauter entre les siècles et restituer la même ambiance qu’un lustre éclairé à la flamme, Régis Mathieu a sélectionné trois dimensions d’ampoules LED dont il est l’inventeur, les plus fines allant pour le XVIIIe. Les lustres viennent du Louvre, du Mobilier National, du Château de Maisons-Laffitte et ont été restaurés en conservant la patine de l’époque. Ceux du XVIIIe sont en véritable quartz, « pour faire chanter le cristal ». Ceux du XIXe ne sont plus qu’en verre artificiel… « C’est comme si l’on glissait d’un diamant en solitaire à du cristal Swarovski… », souffle-t-il.
La lumière, au service d’un moment
Lampes, girandoles, appliques à huile en tôle froissée, dessinées par Régis Mathieu d’après des modèles historiques et exécutés par un ferblantier jusqu’aux cierges à double source de lumière placés dans les espaces de circulation… tout cet « appareillage » se met au service d’un moment. « Tout comme les miroirs renvoyaient la lumière, les lustres donnaient le ton du pouvoir de ceux qui vous recevaient, ils n’étaient pas là pour éclairer mais pour retranscrire une émotion. La lumière, dans un lieu, ce n’est pas pour servir un décor mais bien pour donner à voir à l’hôte de passage un spectacle complet. » Cela est d’autant plus vrai qu’à l’époque la Marine incarnait la puissance militaire de la France. Quel plus bel hommage que de lui restituer aujourd’hui tous ses feux sur une place royale dans la capitale la plus visitée au monde !
C.K | Photographie à la une © Jean-Pierre Delagarde pour le CMN
Hôtel de la Marine,
2 Place de la Concorde
Paris VIIIe
T. +33 187053030
Envie d’un programme à la hauteur des lieux ? Profitez-en pour siroter un verre juste à côté, au Palace Le Crillon puis dînez au Grand Restaurant, à quelques encablures de là ! Pour les plus fainéants, le restaurant de l’hôtel de la Marine, sur place, Mimosa, vous accueille aussi le soir… Vous êtes de passage à Paris ? Profitez d’une offre spéciale Hardis avec le code HARDIS25, si vous réservez dans l’un des hôtels de luxe proposés par ici.