Pêcher et (ou) manger des écrevisses : une règle hardie,

Sans oublier nos recettes

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28AVR. 2022

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Pêcher et (ou) manger des écrevisses : une règle hardie

Sans oublier nos recettes

28 AVRIL . 2022

Écrit par Morgan Malka

Manger (comme pêcher, d’ailleurs) est souvent devenu une raison de culpabiliser ou de militer. Derrière chaque aliment se cache une histoire plus ou moins scandaleuse et on se demande bien souvent qui on est et ce que l’on vaut à manger un ingrédient plutôt qu’un autre. Ce questionnement occasionne l’adhésion à des chapelles idéologiques plus ou moins valables. Et on vous disait qu’il existe un aliment capable d’unir une grande partie des idéologies les plus raisonnables et qu’il s’agisse en plus d’un mets excellent ? Que nous devrions tous en manger pour préserver l’écologie ? C’est l’écrevisse, évidemment ! Argumentaire en quelques points.

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Pêcher et manger des écrevisses pour protéger nos rivières

L’écrevisse est un crustacé lacustre, vivant dans les eaux douces de nos lacs et de nos rivières. Sa chair se rapproche de celle de ses congénères marins, crevettes, langoustines et autres homards. Néanmoins, son goût est plus vif et elle se prête ainsi à d’audacieuses expérimentations culinaires plus ou moins relevées.

Appréciées depuis toujours, notre écrevisse à patte blanche est quasiment disparue, remplacée en nombre par ses cousines américaines. L’une a chassé l’autre au point qu’elle est désormais classée parmi les espèces nuisibles, alors que notre écrevisse à patte blanche est désormais en voie de disparition. En manger, c’est donc préserver nos espèces indigènes et de surcroît, protéger nos rivières.

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Au XIXe siècle l’écrevisse européenne est la vedette des tables bourgeoises. Présente dans les vol-au-vent, quenelles, gratins, croquettes et autres buissons et court-bouillons, elle est de toutes les fêtes. Hélas, les volumes présents ne suffisent plus et de petits malins ont l’idée d’introduire des écrevisses américaines dans les réseaux hydrographiques européens pour repeupler les rivières. C’est le début de la fin. De rivière en rivière, l’écrevisse américaine s’est répandue dans dix des pays membres de l’Union Européenne. 

Sa propagation est active et elle est classée comme nuisible et invasive depuis 2016. Ce statut implique qu’elle ne peut pas être importée, élevée, transportée, commercialisée ou libérée dans la nature. Hélas la dimension commerciale de cette loi est contre-productive car si l’écrevisse pouvait être vendue, elle serait mangée et pourrait donner naissance à une demande croissante des consommateurs car l’essayer, c’est l’adopter. Ainsi, par la fourchette, nous nous ferions les alliés de nos rivières, éliminant les Américaines en nombre au profit des Européennes.

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L’écrevisse américaine modifie la nature des plantes indigènes, elle est robuste, agressive, s’attaque aux ponts, creuse des galeries, vole l’alimentation de nos écrevisses, fait s’écrouler des digues, s’en prend aux têtards, aux berges, aux sols. Chaque écrevisse peut creuser une galerie de plus de 2 mètres causant des dégâts avancés sur les rives. Chaque femelle peut pondre jusqu’à 700 œufs par an. Les terriers qu’elles creusent pour la ponte provoquent des problèmes d’irrigation et des fuites dans les réservoirs d’eau potable. On commence à en voir apparaître dans les points d’eau de certains jardins publics.

En Gironde on compte 3 tonnes d’écrevisses par hectare, même les hérons et les cigognes qui s’en régalent ne suffisent plus à limiter les populations : nous devons en manger pour les aider et en manger beaucoup.

Pour les particuliers munis d’un permis de pêche, la capture est encouragée mais les écrevisses devant être tuées sur place et l’interdiction de la vente limitent l’œuvre de l’homme sur les volumes de ces crustacés. Chaque pêcheur en mange des quantités importantes, mais rien n’y fait, les écrevisses se multiplient. 

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La pêche aux écrevisses, une pratique encouragée

L’écrevisse s’attrape dans une nasse, une balance ou une bouillette. Il suffit d’y glisser une sardine, un bout de viande ou des croquettes pour chien. Une fois attrapée, elle doit être châtrée par une torsion de son telson, la nageoire au centre de la queue. En retirant le boyau on tue l’animal et on retire le goût amer qui s’y trouve. Elles étaient autrefois mises au jeûne et châtrées dans les cuisines. Étant interdites au transport, cette opération doit s’effectuer au bord de la rivière, c’est pourquoi beaucoup les consomment directement sur place et se contentent de ce qu’ils peuvent manger.

La guerre aux écrevisses est donc lancée, généralement avec l’aide de produits chimiques qui polluent les eaux. Une éradication plus naturelle est parfois effectuée grâce à l’introduction de prédateurs comme les anguilles, les brochets, perches, lottes de rivières et achigans à grande bouche. La période de pêche peut s’étendre toute l’année en fonction des régions mais se focalise essentiellement du printemps à l’été. Période à laquelle elles sont excellentes. Il faut se renseigner auprès des points informations disponibles dans les fédérations départementales de pêche et s’équiper de nasse et surtout de mayonnaise.

 

Une évolution nécessaire en France pour reprendre le contrôle du commerce et assainir les rivières

Nos voisins anglais se sont spécialisés dans la résolution du problème, des food trucks sillonnent le pays où la commercialisation de l’écrevisse est autorisée. Ces camions se sont consacrés à la cuisine de nuisibles et permettent de limiter les volumes de ces petits monstres à pattes rouges tout en se régalant. En Allemagne, quelques professionnels arpentent les rivières germaniques et ont obtenu le droit de vendre une part de leur pêche à des restaurateurs qui se battent pour faire connaître l’écrevisse. Hélas la commercialisation s’arrête là, impossible de troquer un kilo aux clients.
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Aberration du système, des écrevisses sont commercialisées en France depuis la Turquie ou l’Espagne afin de satisfaire les connaisseurs. Elles sont vendues vivantes et peuvent être châtrées à la maison. Les écrevisses surgelées de Chine inondent également le marché. L’écrevisse à pattes rouges est aussi pêchée et commercialisée en France chez certains poissonniers en été. 

Il est important que la loi évolue et que les pêcheurs amateurs d’écrevisses puissent commercialiser une part de leurs prises afin de capturer de plus gros volumes, de régaler les gourmets et d’assainir les rivières. Si manger c’est voter, encourageons par nos estomac un acte écologique devenu vital pour nos réseaux hydrographiques.

M.M


Nos recettes d’écrevisses

En attendant une décision de la communauté européenne, voici quelques recettes signées de nos amis Renards Gourmets pour les pêcheurs d’écrevisses et ceux qui se procure le petit crustacé venu d’ailleurs :

Les écrevisses gratinées au champagne
Le brochet en brioche dorée
Le gâteau de foies blonds aux écrevisses
Les fameuses quenelles de brochet sauce nantua
La fricassée de poularde aux écrevisses
Et le vol-au-vent à la financière, sauce suprême

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