Parcelles,
Notre cantine préférée du Marais

Gastronomie

30MAI. 2022

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Parcelles

Notre cantine préférée du Marais

30 MAI . 2022

Écrit par Stéphane Méjanès

Photographies par Nicolas Amsellem, Stéphane Méjanès

Rue Chapon, tout est bon. En tout cas, dans le restaurant et la cave-épicerie de Sarah Michielsen, Bastien Fidelin et Julien Chevallier. Une assiette, un verre et l’addiction. Bienvenue dans notre cantine préférée du Marais.

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On a tous un restaurant préféré. Façon madeleine de Proust surgissant de l’enfance, même un self tout kitsch de bord de Nationale, où l’on dévorait des frites molles et huileuses en famille. En mode bande de potes, dans le quartier où l’on a tenté de poursuivre ses études sans parfois jamais les rattraper, ce petit rade où l’on commandait un croque-monsieur bavant de fromage, refusant la salade verte, on n’est pas des vaches. En version romance, cette auberge un peu guindée du rendez-vous qui a scellé deux cœurs et deux bouches comme dans Belle et le Clochard, où l’on ne se souvient d’aucun plat, trop occupé à s’emmêler les boudins ou à allonger le cou pour une soupe de langues. En adulte installé, ce gastro étoilé à la cuisine statutaire, où l’on ne sait jamais quel couvert utiliser, ni si l’on peut attraper l’amuse-bouche avec les doigts, et où l’on planque sous une serviette la tâche du maladroit sur la nappe blanche. Chacun cherche son charme.

 

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Sans vouloir vexer le reste de la profession, il se pourrait bien que Parcelles soit le préféré du genre critique gastronomique rendu plus exigeant que jamais par le nombre de tables fréquentées, pas encore blasé mais pas non plus de la première jeunesse. C’est une question de feeling, comme diraient Fabienne Thibault et Richard Cocciante.

 

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Parcelles, ratio nostalgie

Planqué dans une rue étroite du Haut-Marais à Paris, entre les Halles et les Archives Nationales, une enseigne verte pendue en saillie perpendiculaire décrit l’expérience qui s’annonce. Sous le nom du restaurant, un logo telle une carte cadastrale dont les démarcations dessinent une bouteille en son centre. Le solide et le liquide réunis comme une évidence, comme une ligne de vie, celle de la taulière, Sarah Michielsen. Avec son ex-mari, Sylvain Sendra (désormais chef étoilé de l’épatant Fleur de Pavé), elle a tenu le Temps au Temps, rue Paul-Bert, précurseur des restos de poche d’aujourd’hui, avant de traverser la Seine pour décrocher l’étoile à Itinéraires (aujourd’hui Baïeta par Julia Sedefdjian).

 

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C’est dans le 11e arrondissement des années 2000, pas encore consacré par les mangeurs d’Instagram, que Sarah a tout compris, tout appris. Sous le regard bienveillant de Bertrand Auboyneau (Bistrot Paul-Bert & co), mais surtout de Michel Picquart, père putatif de la bistronomie, décédé en 2006. Ce truculent restaurateur avait repris Astier, rue Jean-Pierre Timbaud, en 1974, puis créé le Villaret en 1992, année d’ouverture de la Régalade d’Yves Camdeborde. Il débarquait en voisin au Temps au Temps et rien n’échappait à son œil acéré ni à sa verve gouailleuse, les murs s’en souviennent. 

 

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Si le vin tient une place centrale dans l’existence de Sarah et dans Parcelles, c’est grâce à ce fort en gueule de bois. « Michel a toujours mis en avant le vin et a d’ailleurs fait beaucoup pour les bistrots à cette époque, raconte-t-elle. Sur la première page de sa carte des vins, il avait écrit : Médicaments du jour. Il disait au client qu’il ne fallait pas boire d’eau parce que le restaurateur faisait son beurre sur la marge appliquée au vin, surtout sur le menu déjeuner. Il ne servait jamais de carafe d’eau, les gens devaient se lever pour aller se servir derrière le bar. Quand quelqu’un le faisait, toute la salle le huait, il passait pour un pingre qui ne voulait pas payer sa bouteille d’eau minérale. Un jour, Michel m’a avoué en rigolant : « quand je servais moi-même des carafes d’eau aux jolies filles, ces cons me huaient aussi ! » Il me manque. »

 

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Bientôt votre nouvelle cantine préférée

La nostalgie de cette figure paternelle, de cette époque révolue, a forgé l’identité de Parcelles. Murs de pierre blanche, carrelage mosaïque au sol, bar en acajou, tables et chaises en bois sombre, banquette grise, on est au cœur de Paris, impossible de s’y tromper, et dans une auberge. Ce genre d’endroit où, quand on a la chance d’avoir le numéro de la patronne, on peut débarquer à l’improviste et s’entendre dire : « t’en fais pas, je sors la table de jardin ». La vitrine se plie en accordéon sur le trottoir, pour le courant d’air, on ouvre la porte du fond, vue sur cour intérieure. On est bien, on s’installe, on se laisse porter par un service joyeux et des assiettes roboratives. On peut même traverser la rue pour trouver du goulot : la Cave-Épicerie Parcelles regorge de trésors à boire et à manger.

 

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Au piano, Julien Chevallier, passé notamment au Semilla d’Éric Trochon et chez Uno, trattoria des Halles, compose une carte toujours changeante, de saison, de produit, et volontiers vagabonde. On dirait le Sud avec les gnocchis de pommes de terre, crème de parmesan 24 mois, asperges du Vaucluse et oxalis. Dans cet autre Finistère, la poêlée de coques de Bretagne au Savagnin lorgne aussi vers la Franche-Comté. Stimulé par Sarah, le chef peaufine également son registre bistrotier de grande tradition française : superbe carpaccio de tête de veau, sauce gribiche et câpres (notre image à la une, ndlr); formidable pâté-croûte au cochon mayennais, foie gras, ris de veau et pistache. C’est bien balancé, réconfortant sans être plan-plan, toujours assaisonné en vivacité et fraîcheur, comme dans ces beignets de potimarron à trempouiller dans du yaourt citronné.

 

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Côté vin, on encourage un complet lâcher-prise, avec Sarah comme avec son associé, Bastien Fidelin, sommelier curieux ne rechignant jamais à arpenter les vignobles pour dénicher des pépites. Y compris d’étonnantes bizarreries, tel ce MeuZenne, bricolé par Andy de Brouwer, propriétaire du restaurant Les Éleveurs, à Halle (Belgique), et réalisé par la coopérative Vin de Liège, assemblage audacieux de bière lambic et de vin clair. On lui a quand même préféré le saumur blanc de Brendan Stater-West, venu tout droit de l’Oregon pour atterrir à Brézé, parcelle mythifiée par le Clos Rougeard (souvenez-vous, l’un des préférés de Pierre Arditi), se faire adouber par Romain Guiberteau et depuis, explorer des chenins de traverse, vibrants et élégants. Jusqu’à la prochaine fois. Parce qu’une cantine comme celle-là, on y vient et on y revient.

S.M

 

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