Art
Rencontre : Pauline Vincent
Avec La Romaine Éditions, le bon goût passe à table
28 JUIN . 2022
En fondant en 2021 le label et plateforme digitale La Romaine Éditions, Pauline Vincent s’est donnée pour mission de dépoussiérer l’univers de la maison, à travers une sélection exquise d’objets de décoration comme du quotidien. Rencontre.
Il faut franchir une première cour, longer un couloir ombragé, puis faire de nouveaux quelques pas dans une seconde courette avant de tomber nez à nez avec Pauline Vincent, qui a installé ses bureaux dans une rue calme du XIIIe arrondissement. C’est là que se joue en coulisses l’aventure de La Romaine Éditions, plateforme en ligne de décoration lancée en juin 2021 et qui connaît depuis un succès qui ne faiblit pas. Chandelier marguerite, set de table brodé main, verre à pied bulle, carafe en faïence azur, vase-sculpture… Autant de trésors pour la table et la décoration, soigneusement sélectionnés ou édités par la fondatrice du label.
Pauline Vincent, le bon goût en héritage
La Romaine naît pendant la pandémie de Covid ; Pauline Vincent est enceinte, et sûre d’une chose : elle ne veut pas « retourner là où [elle est] » à l’époque. « Je me suis beaucoup interrogée sur ce que je voulais faire », confie la trentenaire, qui a d’abord envisagé de créer un magazine, avant d’imaginer « une plateforme digitale sur l’univers de la maison, avec l’idée de proposer l’expérience la plus immersive possible. »
Mais aussi l’envie de raconter des histoires, à commencer par la sienne, éminemment familiale. « Le nom La Romaine vient de Vaison-la-Romaine, une ville du Vaucluse dont la famille de mon père est originaire », explique la jeune femme, qui a passé d’innombrables séjours au sein de la maison de vacance familiale. « C’est la Provence, c’est évocateur d’un art de vivre que j’aime beaucoup, et qui parle aussi à beaucoup de gens », poursuit Pauline Vincent, pour qui La Romaine évoque aussi pêle-mêle la femme, le bassin méditerranéen, et même… la salade, ajoute-t-elle malicieusement.
À l’origine de La Romaine Éditions, une histoire de famille donc, mais aussi de femmes, qui vont transmettre à Pauline Vincent ce goût pour l’univers de la maison. « Ma grand-mère et ma tante ont eu une boutique de décoration pendant 30 ans, dans laquelle j’ai passé énormément de temps, à attendre, à regarder les clients… », explique-t-elle.
À l’aise dans cette échoppe foisonnante aux allures de caverne d’Ali-Baba, la petite fille qu’elle est alors ne perd pas une miette de ce qui l’entoure. Des petites porcelaines aux lés de soie que son grand-père rapporte de Thaïlande, en passant par les créations de Philippe Starck, des grands éditeurs de l’époque – Pierre Frey, Manuel Canovas –, et des luminaires Murano et Artemide, ce mélange des genres marque considérablement Pauline Vincent, au point qu’elle en fait quelques années plus tard le cœur de son métier.
De la mode au design avec la Fondation Galeries Lafayette
Après une prépa HEC, un diplôme de commerce et un passage à l’Institut français de la Mode (en parallèle d’une formation à l’École du Louvre), Pauline Vincent devient acheteuse pour les Galeries Lafayette, côté mode. Le défilé incessant de labels et d’univers esthétiques aussi divers que variés confirme que la jeune femme a « un truc pour le mélange des genres, qui forme un tout une fois qu’on les assemble. »
Le passage de la mode au design se fait en 2020, lorsque Pauline Vincent est nommée curatrice d’À Rebours, le concept-store de la Fondation Galeries Lafayette. Un projet qu’elle monte de toutes pièces et qu’elle porte jusqu’aux plus hauts sommets de la direction, consciente de tenir là le bon concept. « Je trouvais le projet Fondation Galeries Lafayette génial, hyper ambitieux », explique celle qui imagine cette boutique comme un lieu d’avant-gardisme, où l’accent est mis sur le « mieux consommer » par le biais d’une sélection pointue mettant à l’honneur une scène émergente.
« J’aime me dire que l’objet raconte parfois plus de choses que le vêtement, et j’aime travailler avec des talents, des savoir-faire », explique Pauline Vincent, qui, au fil du temps, sent bien que son cœur penche de plus en plus vers l’univers de la maison.
La Romaine Éditions, mélange des arts et des styles
Voilà donc La Romaine Éditions lancée en juin 2021, dévoilant au fil des collections (deux par an, une en hiver, une en été) une sélection de vaisselle, de beaux objets de décoration ou encore du petit mobilier. Avec quand même, en fil rouge, une thématique, choisie « en fonction de ce dont j’ai envie en ce moment », précise la fondatrice. La Fleur pour la première édition, Le Rouge pour la deuxième, et La Noce pour la troisième et dernière en date, qui fait la part belle au crème et à l’écru.
Chaque sélection est faite de manière très spontanée (« il faudra peut-être que ça devienne un peu plus stratégique à un moment donné », plaisante Pauline Vincent), et mêle pièces de marques établies – à l’instar de la Portugaise Bordallo Pinheiro, célèbre pour ses assiettes en faïence en forme de feuilles – et collaborations avec des designers. Certains font partie de son carnet d’adresses depuis quelques années, d’autres ont été rencontrés tout simplement sur Instagram. Le résultat est, évidemment, un très beau mélange des genres où se rejoignent toutes les inspirations de la créatrice. Parmi elles, Memphis et Ettore Sottsass, « pour ses couleurs et les formes incroyables » ; Tricia Guild, reine du rustique-chic britannique ; ou encore Hilton McConnico, designer issu du décor du théâtre et du cinéma.
Dans ses bureaux du XIIIe arrondissement, couvant d’un œil tendre les créations colorées qui parsèment une grande table ronde, Pauline Vincent se réjouit du « très bon accueil » qu’a reçu La Romaine Éditions à son lancement, et du succès florissant de sa plateforme. « C’est génial de voir que l’artisanat et les degrés d’attention qu’on a porté à chacun des détails ont fait la différence », se félicite la fondatrice, qui pense déjà à l’après.
Avec, dès mi-juillet, un pop-up estival à Marseille, au sein de l’excellent concept-store Jogging, histoire de faire revenir sous le soleil du Sud l’art de vivre provençal cher à Pauline Vincent. Puis un passage au Bon Marché Rive Gauche, dès fin août et jusqu’à décembre – « j’aimerais qu’on fasse des pop-up comme ça un peu partout ailleurs », confie la jeune femme. Mais encore ? « Pour la suite, j’aimerais vraiment élargir l’univers de La Romaine et parler d’art de vivre dans son ensemble.» Et puis, pourquoi pas, ouvrir une boutique physique… « Ç’a toujours été mon rêve d’avoir un concept-store, peut-être que je le ferai un jour », déclare Pauline Vincent d’un air rêveur. La Romaine a encore de beaux jours devant elle.
M.K
Pop-up La Romaine Éditions chez Jogging,
A partir du 13 juillet,
103 rue de Paradis, Marseille