Aventure & RoadTrip
Un roadtrip dans les Landes
Et toutes nos bonnes adresses landaises
03 JUIN . 2022
Le Landais est fier de son terroir. Soucieux de le transmettre et de le préserver aussi : « on est né les pieds dans le sable et on est heureux d'y vivre » a-t-on entendu pendant notre séjour. Et si la recette du succès de la région résidait dans sa sobriété, son respect de l'environnement, de sa terre et de ses produits ? Du bon sens, en somme... Dans les Landes, nul besoin d'ostentation, de complexité ou de folie végane. Voilà bien un endroit où l'on peut déconnecter. Complètement. Aux Hardis, on a voulu en savoir plus. Et de filer pour un roadtrip dans les Landes, dans une version bien à nous : bonne chère, bonnes adresses, belles rencontres. Récit.
5h45. Un Paris endormi. Départ aux aurores pour ce roadtrip landais avec notre brave Golf GTI de 1985, mon acolyte Amaury Laparra, photographe boulimique et voyageur bucolique, ou l’inverse, et Elsa Cau, notre chère rédac cheffe mais aussi pilote chevronnée et épicurienne du désuet. Notre programme ? 2 000 km de route et trois jours aux confins des Landes. L’idée ? Découvrir la région, pas si lointaine et trop méconnue.
« Oui je vois bien Arcachon, le Cap Ferret, Biarritz c’est canon, mais entre les deux c’est quoi, de la forêt ? » Oui. Enfin non. Certains évoqueront bien sûr Hossegor, ses surfeurs nonchalants aux cheveux décolorés, ses vagues gigantesques et ses grandes plages de sables bordées de dunes. D’autres les yogi fraîchement installés dans les environs pour dispenser des cours de zenitude. Nous, on avait envie de nature. Et de bonne chère. Et de rencontres. « Tu ne peux pas être amoureux des landes sans aimer la nature. » On l’entendra souvent, cette maxime, pendant notre roadtrip landais. Et quand la côte grouille de monde, il règne dans les terres une quiétude apaisante.
Grosse bouffe et cacahuètes
Après sept heures de route sans arrêt, pas le temps de se dégourdir les pattes qu’on se cale à table pile pour l’heure du déjeuner chez Dehiou. On nous a prévenus, dans cette maison landaise traditionnelle place à une cuisine du sud-ouest familiale et sans chichi. Dans la grande salle, à ma droite des artisans qui s’en mettent plein la panse, à ma gauche des familles de 7 à 77 ans affichant un sourire jusqu’aux oreilles quand leur bouche n’est pas pleine.
Végétariens s’abstenir : confit de canard, magret de canard, foie gras de canard, tout ce que peut compter le canard de variétés se retrouvera forcément dans votre assiette. On apprécie aussi le plat géant et (très) fondant de gratin dauphinois et les vins locaux. Une adresse coquine de connaisseur, bien caché mais qui vaut le détour ! À se demander comment l’on peut travailler après… Ça tombe bien, ici on propose même quelques chambres.
Mais pas de sieste pour les (braves) hardis ! Aussitôt sustentés, on repart visiter une adresse incontournable de la région. C’est l’histoire d’une petite ferme familiale qui voit le jour en 1887 au lieu-dit Darrigade, non loin de Soustons, au milieu de ces forêts de pins intrigantes qu’on avait hâte de traverser…
Depuis ses débuts, cinq générations se sont succédées, le business de la ferme Darrigade s’est nettement développé et la production, diversifiée : maïs (300 hectares de semences), asperges du sable des Landes (30 hectares cultivés de mars à mai) ou élevage de canards bien sûr (foie gras et confits, 6 000 canards à l’année). L’asperge des sables des Landes est un incontournable de la région et de la maison. Elle est issue d’une jeune pousse souterraine qui s’allonge verticalement pour trouver la lumière. Cette spécialité locale remonte à plus de cent ans, lorsque le département cherchait de nouvelles cultures légumières adaptées au caractère sablonneux et perméable des sols et au climat océanique local. Ici, vous pouvez en acheter toutes fraîches, directement à la ferme. Une bonne adresse des Landes : les plus grands restaurateurs s’y fournissent !
Mais l’exotisme, le petit supplément d’âme même, de la ferme Darrigade, c’est… la culture des cacahuètes, commencée après la seconde guerre mondiale par les aïeux, un peu par hasard. « On les sème en mai, avec un semoir, et on récolte en octobre » nous explique-t-on. La spécialité locale ? La cacahuète transformée par le chocolatier Ttotte, légèrement torréfiée et délicatement enrobée de chocolat noir (ou au lait)… Un délice qui n’a pas fait long feu dans l’auto.
La pinède, tout l’or des Landes
Nous y voici. On s’enfonce dans cette forêt épaisse aux routes hypnotisantes. À l’orée de la nuit, il y a un côté intense dans cette forêt infinie : 80 % des Landes se compose de forêt non constructible. Au détour des bons chemins, quelques belles propriétés semblent s’y cacher de tout regard. Sylviculteurs installés à Millon depuis 1800, la famille Laboile-Moresmau en est une. Elle a longtemps vécu du pin et de sa résine. Dans les Landes, on surnommait alors le pin l’arbre d’or : c’est dire son importance… Au fil du temps, plusieurs activités se succèdent au Domaine de Million : vinicole (le fameux vin des sables), agricole (maïs), sylvicole (bois), distillerie de gemme et désormais touristique.
Entre lacs, forêts et océans, au Domaine de Millon règne un doux air de repos amplifié par l’héritage de cette longue saga familiale. Au cœur de la pinède, la maison historique est une large bâtisse basque des plus accueillantes. Les couchers de soleil entre les pins centenaires si bien alignés y ont une saveur toute particulière. Six gîtes sont proposés, de la cabane en bois aux studios cossus dont certains avec piscine privative. À l’automne, on peut même y cueillir les champignons ! La paix, la vraie, pour les Hardis que nous sommes et nos presqu’mille kilomètres dans les roues.
« Ici, on est né les pieds dans le sable des Landes, entouré de producteurs, éleveurs, cueilleurs, chasseurs, pêcheurs. Je cuisine tous les produits d’un pays de Cocagne » explique modestement le (grand) chef Jean Cousseau. C’est un peu l’une de nos rencontres-phare du pays. On est tombés, tous les trois, sous le charme du truculent chef (sans en oublier notre coup de fourchette ni de lever le coude pour autant) qui nous a si bien reçus au Relais de la Poste, sis à Magescq. Des produits fermiers issus de la terre, de la mer, de la cueillette et de l’élevage, tel est son leitmotiv. On y savoure la finesse d’une cuisine gastronomique tantôt bourgeoise ou rustique, toujours généreuse : oui, le terme, pour une fois, prend tout son sens.
En 1850, ses arrières grands-parents reprenaient une auberge sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. C’était le dernier gros relais de Compostelle à Gradignan, nous explique le chef autour d’un digestif bien mérité. Puis la Nationale 10 passa juste devant. Jean Cousseau, formé à l’école hôtelière de Toulouse, affiche ses deux étoiles depuis 51 ans, soit un record de détention européen, mesdames-messieurs !
À la carte, on se délecte des classiques, l’asperge est là depuis plus de soixante ans et les habitués en redemandent toujours. « Selon la saison, je la cuisine de différentes manières » précise-t-il. Le foie gras au raisin est une autre des grandes spécialités à la carte depuis 50 ans : les raisins sont patiemment pelés par les petites mains de la cuisine et le foie gras, chaud, rôti au four, se coupe comme du beurre dans une sauce épaisse à se damner. En cuisine, 40 personnes s’activent et 14 autres en salle ! Notez que pour ceux qui n’auraient pas la force de rentrer après le dîner, le relais est membre relais & châteaux depuis 1999. Hips.
« Et si le vrai luxe c’était l’espace ? »
Un slogan popularisé par Renault dans les années 1990 pour l’un des premiers monospaces du marché… qui s’applique aussi parfaitement à la région. Et plus particulièrement à la villa de l’étang blanc. Au bout d’une route de campagne sinueuse, face à l’étang qui change de couleur selon la lumière, le restaurant, entièrement composé de larges baies vitrées, nous donne l’impression d’être au cinéma. À 10 km de l’océan, la nature est préservée – espace Natura 2000 – et le chef étoilé. Excusez du peu !
« 50 % du travail en cuisine c’est le sourcing. Un produit frais contre un produit avec trois jours de frigo ça change tout ». Produits locaux et circuit (hype) court : le chef David Sulpice ne jure que par ça (et son potager d’aromates, une fierté). On y savoure des asperges de Soustons bien sûr, du merlu de Capbreton ou du bœuf de Chalosse. David et Magali, sa femme, ont beaucoup voyagé, ils ont fait les éponges, pris un peu partout avant de se poser dans les Landes. « Une cuisine qui a du caractère, à l’image du bonhomme » s’amuse Magali. L’étoile Michelin obtenue en 2019, neuf ans après l’ouverture, a eu un gros effet sur le hors-saison, nous explique-t-elle, elle qui gère l’hôtel de charme : « ça draine du monde depuis beaucoup plus loin, nombreux sont les amateurs de tables étoilées. » Conseil hardi : après un déjeuner de roi, demandez la chambre 6 pour la baignoire !
On vous parlait d’espace… On ne s’était pas encore aventuré du côté de l’océan. Pourtant, le paysage landais en est indissociable. Au lieu de contempler la côte depuis la terre ferme, on l’a découverte depuis un petit voilier de course français : un Archambault 135. On admire la chaîne des Pyrénées aux sommets encore enneigés, les séries de vagues sur la plage d’Hossegor ou le Gouf de Capbreton, ce mystérieux canyon sous-marin qui amène une grande diversité de poissons. C’est que l’équipe du Yacht Club Landais, qui propose tout un panel d’activités nautiques de plaisance sur l’océan ou sur lacs, connaît par cœur le coin et recèle d’anecdotes. Hardis un jour, hardis toujours, on a papoté océan, diktats écolos ou vegan, tour du monde, rugby et vieilles autos avec Jean-Pascal, notre loup de mer arrivé en 1990 et jamais reparti d’Hossegor, et Vincent, capitaine du navire et fan de combis VW. A part ça, le Yacht club Landais, dont la création remonte à 1947, accueille chaque année plus d’un millier d’enfants. Idéal pour s’en débarrasser et siroter l’apéro sur le voilier comme nous : bières locales, vin rouge et charcutaille sur le pont, ç’a du bon.
La jeunesse landaise qui s’active
Et en parlant de voile… À quelques encablures de là, dans son petit atelier de Saint-Vincent-de-Tyrosse, Nicolas de Chénérilles nous attend, un Bordelais qui n’a lui non plus, plus jamais quitté les Landes. Chez Oèst (sud-ouest en gascon) on recycle des voiles de bateaux. Nicolas aime l’objet en tant que tel, la matière, la forme, les œillets, les coutures, la solidité « tout ce qui se passe sur une voile m’attire » précise-t-il. Il les détourne pour en créer des objets du quotidien : des sacs de voyage (notre coup de cœur, avec leur dégaine très 80’s) des abat-jours et autres paniers à linge. « C’est du vrai recyclage, mes voiles sont déclassées, mal taillées ou alors usées ». Et si on préfère les moteurs à l’écologie à outrance, aux Hardis, ce recyclage-là, on adhère.
Tout ce grand air nous a ouvert l’appétit. Et ça tombe bien, les bonnes adresses landaises ne manquent pas. À Capbreton, impossible de rater Goustut, le restaurant locavore de Patrice Lubet et sa joyeuse bande de trentenaires. Ici la cuisine est créative, jeune et perfectionniste, centrée exclusivement autour du poisson et des produits de la mer. Le pitch : toute l’année, selon la pêche de saison, locale évidemment, cuisinée avec originalité, oscillant entre précision et influences street food, et le tout d’une fraîcheur inégalable. On mange en mezzés, tout le monde touche à tout dans un joyeux bazar et le menu change… Tout le temps.
En dessert ou à emporter, un invariable : on se régale du pastis landais Mitchut de Patrice. Non, le pastis n’est pas qu’une boisson alcoolisée marseillaise à l’anis, il signifie aussi gâteau en gascon ou en occitan. Cette brioche toute jaune et ronde, qui nous a un peu rappelé la gâche vendéenne, moelleuse et humide, se parfume à la vanille et (surtout) au rhum. Patrice n’avait qu’un bout de papier griffonné à la main en guise de recette lorsqu’il s’est essayer à redonner vie au pastis landais de sa maman. Après moultes expérimentations, adaptations, il est y arrivé. On a goûté… Mais on n’a pas su s’arrêter.
Les Échasses et 70 hectares & l’Océan, un peu de nature dans ce monde de luxe
Généralement, quand on arrive à l’hôtel, on y pose ses affaires et on part fissa visiter la région. Aux Échasses, pourtant, on se prend à vouloir rester scotché sur place. Pourquoi ce nom, d’ailleurs ? Au XVIIIe siècle, les échasses servaient aux bergers landais à surveiller leurs troupeaux de brebis, à marcher rapidement sur les terrains humides et à protéger leurs pieds du froid et des piqures d’ajoncs. On disait qu’ils étaient tchanqués, équipés d’échasses en gascon. Ici, les Échasses, c’est avant tout l’idée d’un rapport à l’eau original.
En Juillet 2015, Claire et Thomas achètent un champ a priori inhospitalier. « On est partis de rien. Il a fallu rendre le terrain constructible et monter notre projet. L’intention première était de s’intégrer à la nature » confient-t-ils. Le travail réalisé par l’architecte bayonnais Patrick Arotcharen semble colossal. Cette installation hôtelière s’inscrit « comme un tableau paysagé où l’intervention humaine dialogue avec la nature ». Le lac existant a mué vers un paysage de dunes auréolées de pins élancés. Du sable dragué a été déposé en cordon sur le bord du plan d’eau de manière à créer de petites criques où nichent des bungalows. Ou plutôt de petites villas de bois à toits papillon. À la fois ouvertes sur le lac et intimes pour leurs occupants, comme de petites unités autonomes, on y contemple depuis le lit ou le balcon la végétation digne d’une réserve naturelle.
Bref, un sacré chantier pour ces sept modges, (comprendre lodges pour deux convives) et un lodge familial pour quatre personnes, sans oublier la piscine et le spa. À l’intérieur, mobilier du Pays Basque et pièces chinées aux environs mélangés à un décor contemporain mais chaleureux. Sans oublier le restaurant où l’on mange local, bien sûr : Saubion, Landes ou Pays Basque et même des produits directement produis aux Échasses, comme les confitures de fruits du berer, un potager exploité en permaculture ou le miel de leurs abeilles. Vous l’avez compris… Dans les Landes, on ne rigole pas avec le produit, ni la gastronomie.
C’est aussi au milieu des grands pins qui se penchent sur bâtiment et le golf attenant, avec au loin la vue apaisante sur l’océan, que Guillaume Foucher et Frédéric Biousse ont choisi d’ouvrir l’hôtel 70 hectares & l’océan, de la collection Fontenille qu’on connaît bien (souvenez-vous : Marseille, Minorque, Luberon, Hossegor…). L’ex-hôtel du golf de Seignosse, à l’abandon depuis une petite décennie, a conquis le duo accompagné d’Élie Kouby.
70 hectares…& l’Océan, c’est la superficie du golf adjaçant. Dans ce bel hôtel style Louisiane, on a soufflé et admiré la vue depuis nos chambres (une trentaine) au cœur de la pinède, en position dominante, les larges baies vitrées ouvertes sur la cime des arbres. Par temps clair, les Pyrénées couronnent la forêt… On reviendra. Peut-être en cabriolet.
A.M
Carnet d’adresses dans les Landes
Restaurant Chez Déhiou,
90 chemin de Dehiou, Quartier Cistelak
Soustons (40),
T. 05 58 41 57 02. Réservation conseillée.
Ferme Darrigade,
36 chemin de Rouchéou,
Soustons,
T. 06 86 70 74 93. Commandes possibles.
Domaine de Millon,
682 Route de Millon
Soustons,
T. 06 84 33 11 01.
Chambres d’hôtes à partir de 140€ la nuit (haute-saison), gîtes à partir de 1000€ la semaine (haute-saison).
Restaurant gastronomique ** du Relais de la Poste, chez Jean Cousseau,
24, avenue de Maremne
Magescq,
T. 05 58 47 70 25. Réservation conseillée.
Menus à 110 et 150 €.
Autre alternative : l’Auberge, le bistrot du Relais de la Poste.
La Villa de l’étang blanc,
Hôtel de charme et restaurant *,
D 432,
Seignosse,
T. 05 58 72 80 15. Réservation conseillée.
Chambres à partir de 140€ (haute-saison). Menus à 80 et 95€.
Yacht Club Landais – École de Plaisance,
Ponton CH, Avenue Georges Pompidou,
Capbreton,
T. 06 09 79 53 72
Oèst,
3 rue des Souquayrots,
Saint-Vincent-de-Tyrosse,
T. 06 14 80 07 16
Fabriquées 100 % localement, on retrouve les pièces Oèst, (sud-ouest en gascon) sur toute la côte Atlantique, de l’île de Ré à Biarritz en passant par Hossegor.
Usine Artigia,
5 Rue Brémontier,
Magescq
Magasin d’usine sur place.
Chez Goustut,
Quai de la Pêcherie,
Cap Breton,
T. 05 58 42 18 38. Réservation conseillée. Le pastis landais se commande en ligne !
Les échasses, hôtel-spa ****
701 route de la Bruyere,
Saubion,
T. 06 51 96 55 54. Modge à partir de 350€ la nuit (haute-saison).
Hôtel 70 hectares & l’océan,
901 avenue du Belvédère,
Seignosse
T. 05 58 45 76 16. A partir de 200€ la nuit (haute-saison).
Mais aussi…
Le sculpteur Xavier Carrère travaille le verre, le bois et le métal à Magesq.
Le Bistro Kantxa et épicerie fine aux produits basques à Saint-Vincent-de-Tyrosse. Le patron est incollable sur la pelote !
La halle aux grains des Landes regorge d’objets chinés et de trouvailles déco, à Saint-Vincent-de-Tyrosse.