A Paris, Séveste

Nous arrivons chez Séveste un soir de juin, alors que l’entracte bat son plein. Les grosses chaleurs sont passées et la pluie a menacé toute la journée sans tomber : un heureux timing météorologique donc, puisque le restaurant montmartrois se situe exclusivement en extérieur. Les tables nappées parsèment la jolie place Charles Dullin, et l’on déjeune ou dîne sous les platanes, face au théâtre, fondé il y a tout juste 200 ans par le bien-nommé Pierre-Jacques Seveste. 

Seveste, le dernier-né des frères Flocon

Aux manettes de ce restaurant de poche, Josselin et Alexis Flocon, l’un derrière les fourneaux, l’autre derrière les bureaux. Jeunes premiers de la scène culinaire, les frères s’étaient déjà illustrés avec leur restaurant gastronomique, rue Mouffetard. A Montmartre, les conditions sont plus rudes, avec seul un petit local attenant au théâtre pour cuisiner, mais la carte n’en est pas moins soignée. 

Les produits sont 100% français et le sourcing sourcilleux, du poisson de ligne breton, aux fruits et légumes bio, en provenance directe de la ferme des Limons de Toulotte. C’est que, quand Josselin Flocon fait quelque chose, il aime le faire bien. Pas question donc de se servir du manque de place comme excuse pour en faire moins ! Bien au contraire, les contraintes du lieu semblent même avoir ravivé l’imagination du jeune chef.

A n’importe quelle heure du jour

A n’importe quelle heure de la journée, on croque une tartine au fromage frais, merlu fumé maison et concombre mariné, on boulotte un croque à l’andouille de Guémené, comté 18 mois et noisettes du piémont, ou on fond pour les pommes darphin, crème crue, huile de ciboulette, œufs de lump et pickles d’oignons. Le soir, les tables s’endimanchent et la carte se fait plus raffinée, autour d’assiettes à partager. S’il devient difficile d’échapper à cette mode des tapassiettes, parfois bien maigrelettes, force est de constater que chez Séveste, on fait dans la largesse. 

Sur notre table ce soir-là, un risotto de freekeh, safran et champignons à se damner, une tartelette de petit pois, fromage frais à l’échalote, menthe et caviar savoureuse, un merlu breton fumé au bois de framboisier, salade de fenouil et fromage frais plein de peps, ou encore un gravelax de magret de canard fermier, pickles de mûres et aubergines parfaitement marinés. Si les produits restent simples, les cuissons et les assaisonnements sont véritablement travaillés, et il en ressort des assiettes gourmandes, aux saveurs surprenantes. 

Heureux les becs sucrés, car ils seront satisfaits ! Contrairement à Flocon, Séveste s’autorise une petite infidélité au territoire français en mettant à la carte un dessert au chocolat (mais, là encore, sourcé avec soin), et ce n’est pas nous, gourmets de premier ordre, qui nous en plaindrons. Le gâteau au chocolat sans cuisson et sorbet mûres à la minute est tout simplement renversant, et la tartelette rhubarbe et crème crue mérite aussi amplement le coup de fourchette.

A l’automne, Seveste se dégustera au chaud

Conquis par le lieu, et déjà soucieux de nous trouver dépourvus une fois la bise revenue, nous avons demandé ce qu’il adviendrait de Séveste quand les températures chuteraient. Et grand bien nous en a pris, car sachez que l’équipe planche actuellement à la construction d’un speakeasy à l’étage du théâtre, en intérieur cette fois-ci, avec, au programme, cocktails soignés et grignotages de qualité.

Pour ce qui est de la suite, Josselin Flocon se verrait bien ouvrir un gastronomique dans la capitale, passer sa première étoile, avant de finir en beauté dans sa région natale, la Bretagne. En attendant, c’est place Dullin que se joue le premier acte, et il est prometteur.

C.d.S