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La voiture de plage, petite histoire du bikini automobile 1/2
29 JUILLET . 2022
Qui n’a jamais rêvé d’une sympathique auto pour se rendre à la plage ? Elles sont synonyme de joie de vivre des vacances, d’un certain chic ou de la libération des moeurs. Passons en revue quatre incontournables des bords de mer.
L’été approche et l’envie de rouler différent sans se prendre au sérieux aussi. Ça y est, les voitures de plage redeviennent les reines des littoraux. Ces drôles de petites autos présentent au choix, des portes échancrées, voire pas de portes du tout, un pare-brise rabattable ou des assises en osier. Elles reçoivent systématiquement une carrosserie ouverte, défini par leur usage estival. Sorte de bikini automobile ou de transat ambulant, leur minimalisme a toujours revendiqué une certaine coolitude à 4 roues.
Née au milieu des années 1950, la voiture de plage est avant tout italienne. Dans sa définition initiale, elle roule peu et est construite sur une base d’auto populaire. Fiat sera le premier pourvoyeur de châssis sur ce créneau naissant. Rapidement, dans les stations balnéaires de renom, la possession d’un tel gadget classe son propriétaire parmi le gratin de la société.
1. 1956, Fiat 600 Multipla Eden Roc par Pininfarina
La première des voitures de plage, c’est elle. C’est assurément la plus fantaisiste. À l’origine de son étude, une demande du jet-setteur et héritier de Fiat, Gianni Agnelli, désireux d’une auto élégante – mais pratique – pour déplacer ses invités de son domaine, sur les hauteurs de Nice, au rivage. L’Avvocato venait d’acquérir la Villa Leopolda, située sur les hauteurs de Villefranche-sur-Mer et Beaulieu-sur-mer.
Franco Martinengo, responsable du centre de style chez Pininfarina, réalise celle qu’on n’appelait pas encore voiture de plage sur la base du Fiat 600 Multipla. Le carrossier la prénomme Eden Roc, en référence à l’hôtel du cap d’Antibes ayant accueilli depuis 1870 de nombreuses personnalités : Jules Vernes, Anatole France, l’écrivain américain Francis Scott Fitzgerald, le peintre Marc Shagall ou encore l’actrice Rita Hayworth.
Cet élégant Multipla décapsulé, au pare-brise court et sans porte, reçoit des tapis en caoutchouc insensibles à l’eau de mer. Les sièges arrière, de superbes banc semi-circulaire comme sur un voilier, sont en lattes d’acajou, comme le carénage qui ceinture la caisse. L’inspiration nautique, de l’univers du yachting et du Riva, est évidente et le résultat superbe.
L’Eden Roc est exposée au Salon de Paris en 1956. Elle tape dans l’oeil du président d’Union Oil, l’américain William Doheny. Grand client du carrossier turinois, l’homme d’affaires commande une copie du charmant Eden Roc, afin de l’utiliser sur son complexe de Lake Arrowhead, en Californie. Son petit-fils l’a depuis récupéré et conte son histoire dans la vidéo ci-dessous.
Certaines rumeurs prétendent qu’un troisième exemplaire fut commandé par Henry Ford II pour agrémenter son yacht. D’après les archives Pininfarinia, seuls ces deux exemplaires à l’histoire hors norme seront assemblés.
2. 1957, Fiat Jolly par Ghia
L’archétype de la voiture de plage, spiaggina en italien, est incontestablement la Ghia Jolly sur base Fiat 500/600. Imaginée par Luigi Segre, le dynamique directeur de la carrosserie Ghia, il s’inspire des grosses voitures utilisées pour faire la navette à Capri ou à Ischia. Il souhaite une auto ludique mais relativement économique. La 500 Jolly est dévoilée sur le stand Ghia au Salon de Turin 1957 et conserve les parties avant et arrière du modèle original.
Sur la Côte d’Azur et la Riviera italienne, ces petites autos ouvertes se montrent idéales pour se rendre de la villa au restaurant, du yacht à la plage privée et vice-versa. Sur la Jolly les sièges sont invariablement en osier, insensibles à l’humidité des maillots de bain et au sable et, avouons-le, fort élégants.
Ghia vise la clientèle des hôtels de luxe. Les Jolly peuvent aussi être embarquées à bord d’un yacht, afin de les déplacer aisément de port en port. Elles se feront connaître lorsque des magazines de mode publient la photo de célébrités comme Yul Brynner ou Lyndon Johnson à leur bord.
En peu de temps, les Jolly deviennent l’auto en vogue des jeunes femmes de la haute en villégiature. La Fiat 500 Jolly aurait été produite à environ 600 exemplaires, et la 600 à environ 700 unités, et ce jusqu’au milieu des années soixante.
En fin communicant, Agnelli avait compris l’image sympathique que renvoyait un homme comme lui dans une petite auto si mignonne. Il commandera donc deux Spiaggina « spéciales » sur base 500, à Mario Boano, qui avait quitté Ghia en 1954. La première pour son usage personnel et la seconde comme cadeau pour son cher ami, magnat du transport maritime et deuxième mari de Jackie Kennedy, l’armateur grec Aristote Onassis.
3. 1968, Citroën Mehari
Comme le pull sur les épaules à l’île de Ré, la Méhari s’impose telle un must have de nos bords de mer avec une concentration toute particulière sur les îles et presqu’îles de la côte Atlantique. La Dyane 6 Méhari de son nom complet – même si elle n’a pas grand chose à voir avec cette curieuse 2 CV à la ligne baroque – est présentée à la presse le 16 mai 1968. Symbolique ! Citroën loue le golf de Deauville, en compagnie de vingt mannequins illustrant les différents usages que l’on pouvait faire de la voiture. Si vous ne connaissez pas la séance photo, elle mérite le détour.
La plate-forme est issue de la camionnette 2 CV AK et le moteur de l’Ami 6. Ce véhicule récréatif en plastique ABS est l’oeuvre du comte Roland Paulze d’Ivoy de la Poype, ancien pilote de chasse de la seconde Guerre Mondiale devenu industriel pionnier de la plasturgie.
Le comte avait déjà inventé le berlingot Dop en 1951 et désirait réaliser sa propre auto en ABS thermoformé, qu’il entendait commercialiser lui-même : la Donkey. Il fallait un châssis séparé pour installer la coque dessinée par le designer Jean-Louis Barrault, collaborateur de Moulinex. Après avoir envisagé celui de la Renault 4, le châssis de la 2 CV utilitaire est choisi pour l’absence d’un encombrant radiateur.
Le prototype se retrouve en démonstration chez Citroën et emballe la direction. Ce qui n’était pas prévu, c’est que la marque aux chevrons décide de produire l’auto ! Plus de 150 000 exemplaires seront commercialisés jusqu’en 1987 et l’ensemble des pièces, châssis et éléments de carrosserie, sont refabriqués. Comme le veut la tendance, on peut même désormais s’offrir une version électrique.
4. 1964, Mini Moke
« Le Minimoke, l’engin de guerre le plus farfelu et le plus pacifique du monde, la Jeep snob des petits dandies non violents » écrivait en 1967 Jean-Francis Held, journaliste et auteur. La (ou le, c’est selon) Mini Moke, bourricot en anglais, est une icône branchée des bords de mer, de Saint-Tropez à Portofino. Brigitte Bardot l’utilisait pour aller chercher son pain. Le cinéma s’en saisit à son tour lorsque Louis de Funès chasse à son bord Fantomas.
« Le Minimoke, l’engin de guerre le plus farfelu et le plus pacifique du monde, la Jeep snob des petits dandies non violents » – Jean-Francis Held
À l’origine conçue pour l’armée anglaise, désireuse d’un véhicule léger et parachutable, ses roues de Mini en 10 pouces et sa garde au sol ridicule la condamneront à un usage civil. Selon son cahier des charges militaire, la Mini Moke devait être suffisamment légère pour être portée par quatre soldats à bout de bras. On ne sait jamais, si elle tombe en panne…
De 1964 à 1968, sous la marque Austin puis Morris, 14158 Moke sont assemblées à l’usine British Motor Company de Birmingham de 1964 à 1968. Un succès en demi-teinte, mais la complexe carrière de la Moke ne fait que commencer.
Les suivantes sont assemblées de 1966 à 1981, en Australie ; chez une filiale basée à Sydney (26142 exemplaires) puis au Portugal. 8171 exemplaires sont fabriqués jusqu’en 1989. Les droits sont ensuite achetés par l’italien Cagiva qui produit 1500 ultimes autos jusqu’en 1992, simplement nommées Moke. Soit en tout, plus de 50 000 exemplaires.
On reconnaît les portugaises à leurs roues de 12 pouces contre 10 pour les anglaises et 13 pour les australiennes. Sous le capot, les moteurs évoluent avec la Mini, de 850 à 1275 cm3 et le poids de 406 à 578 kg.
Depuis l’été 2012, l’entrepreneur français Luc Jaguelin commercialise la Nosmoke, proche esthétiquement de la Moke originale, propulsée par un moteur électrique et homologuée dans la catégorie des quadricycles lourds. La production est assurée sur commande à Cerizay, dans les Deux-Sèvres, ancien site d’Heuliez. Mais comme d’habitude, rien ne vaut la recette originale…
A.M