Art
Nanda Vigo, l’exposition de l’été à Bordeaux
03 AOûT . 2022
Une exposition monographique d’une artiste pluridisciplinaire italienne, entre les murs d’une ancienne prison ? C’est le programme du musée des Arts décoratifs et du Design (MADD) de Bordeaux, qui accueille depuis début juillet et jusqu’au 8 janvier 2023 l’une des plus grandes manifestations consacrées à Nanda Vigo, artiste hétéroclite et pionnière, qui prôna toute sa vie une approche transversale de l’architecture, de l’art et du design. Visite guidée de l’exposition de l’été à Bordeaux.
Installé dans l’enceinte d’un hôtel particulier bordelais cossu, le Madd de Bordeaux dispose aussi d’un lieu insolite : une ancienne prison. C’est ici, ou plus précisément dans les cellules de cette ancienne prison, que se loge l’exposition de l’été à Bordeaux, monographie à forte dimension sensorielle consacrée à Nanda Vigo, la première de cette ampleur en France. Et si plusieurs expositions lui ont déjà été consacrées, toutes plutôt axées sur l’aspect plastique ou design de sa pratique, le Madd quant à lui a décidé de mettre en lumière toutes les différentes facettes du travail de Nanda Vigo pour en saisir l’ampleur.
« Identification : incertaine.
Architecte : réducteur.
Artiste : réducteur.
Concepteur : réducteur.
Pionnier : peut-être.
Bref : Nanda Vigo. »
Justine Despretz, commissaire d’exposition à l’origine du projet
A l’origine de ce projet, il y a une surprise. Celle de la co-commissaire de cette exposition, Justine Despretz : « J’ai découvert le travail de Nanda dans une église à Milan en 2018, avec un galeriste italien et j’ai été marquée par la force de son œuvre. Je voulais absolument faire quelque chose avec elle mais elle est décédée en 2019… Rapidement, j’ai remarqué qu’il n’y avait jamais eu d’exposition en France qui aurait pu révéler qui était cette artiste complète. Il était donc indispensable pour moi de présenter tous les aspects de son travail et ne pas séparer les disciplines. Enfin, le fait qu’elle soit femme a aussi motivé mon choix. J’ai eu la chance de proposer cette idée et que Constance (Rubini, Directrice du musée des Arts décoratifs et du Design, nldr) soit partante ! »
Une petite année plus tard, le projet est livré. Entre temps, d’intenses travaux de recherche et de collecte d’œuvres, un grand nombre de collaborations avec des galeristes et collectionneurs et les archives de Nanda Vigo permettent de livrer une exposition de grande ampleur dans laquelle on a la joie de découvrir des œuvres inédites, installations, reconstitutions d’intérieurs aujourd’hui détruits.
Nanda Vigo, l’espace au centre du propos
Native de Milan, Nanda Vigo est formée à l’École polytechnique fédérale Lausanne et fréquente dès 1959 l’atelier du célèbre peintre Lucio Fontana, dans lequel elle organise au mi-temps des années 1960 une exposition sur le groupe ZERO (regroupement dont l’intention est de faire table rase de toute forme de création antérieure pour aller vers une création nouvelle sur la base notamment de la lumière et sa dynamique) qu’elle a rejoint, sensible aux considérations artistiques de son temps.
Rattachée à la scène avant-gardiste italienne, elle se rapproche des artistes Piero Manzoni- qui deviendra son compagnon- et Enrico Castellani, avec une idée qui traverse son œuvre : décloisonner les disciplines et repousser les limites de la création. En cela, son travail s’articule autour de l’espace et de son appréhension que ce soit à travers l’utilisation de la lumière, des matières ou des formes.
« J’ai cherché la dématérialisation de l’objet à travers la création de fausses perspectives, de telle sorte que l’espace autour de la personne qui regarde s’identifie à l’objet lui-même. » Nanda Vigo
L’exposition bordelaise s’ouvre avec des œuvres-signature : dès 1959, Nanda Vigo inaugure son travail artistique avec une série d’œuvres intitulée Cronotopo, liée à ses recherches autour des notions de temps et d’espace, qui seront une base fondamentale de son œuvre. A la fois des tableaux, objets, sculptures murales et sur pied, ces pièces composées d’un cadre métallique contenant des panneaux de verre superposés fragmentent l’espace.
Plus loin, l’expérience se poursuit avec les ambiente cronotopico où le principe des Cronotopo se vit de l’intérieur : cette fois-ci le visiteur peut entrer dans un espace total où les matériaux réfléchissants – verres moulés, aciers, miroirs- entrent en interaction directe avec la lumière, conduisant à une perte de repères, à une perception troublée de l’espace.
Des intérieurs comme des œuvres d’art totales
On poursuit avec une autre forme d’expérience : celle de la visite d’un intérieur reconstitué. A la suite d’une commande annulée, le célèbre architecte Gio Ponti décide de donner les plans prévus pour une maison particulière à qui saura en faire usage et c’est Giobatta Meneguzzo, collectionneur d’art, qui les récupère et les fait exécuter à Malo, dans le nord de l’Italie, pour abriter sa collection.
C’est Nanda Vigo qui est choisie à la fin des années 60 pour en faire l’aménagement intérieur. Ce sera Lo Scarabeo sotto la foglia, une incroyable réalisation à la croisée de l’art, de l’architecture et du design, entièrement couverte de carreaux de céramique blanche qu’on découvre virtuellement grâce à un dispositif immersif élaboré en collaboration avec l’EPFL Pavilions, l’École polytechnique fédérale de Lausanne.
De cellule en cellule, on observe la diversité de l’œuvre de l’artiste, qui repose sur utilisation inédite du verre, du miroir, de l’aluminium ou des néons, grâce aux habiles reconstitutions d’intérieurs pour la plupart aujourd’hui démolis. Ces décors, qui apparaissent comme des œuvres d’art totales, ont d’ailleurs parfois été immortalisés sur grand écran, faisant le bonheur des chefs décos.
Installations (Genesis), design (lampe Iceberg, chaise Due Più, pouf Blocco, la série Storet ou encore la table Hard & Soft) et autres luminaires en collaboration avec Arredoluce (en 1971, elle reçoit le New York Award for Industrial Design, pour la géniale lampe Golden Gate produite par Arredoluce et bien sûr, présentée dans l’exposition)… Le visiteur fait l’expérience de ce voyage initiatique dans l’œuvre de cette artiste complète.
« J’ai toujours aimé l’art d’une telle façon qu’il me semble impossible de distinguer l’objet quotidien de son influence artistique. » – Nanda Vigo
Car pour comprendre l’œuvre de cette artiste, il faut admettre l’idée qu’elle ne peut être restreinte à une seule pratique. Au contraire. Toute sa vie durant elle a travaillé à une approche transversale des arts, de l’architecture et du design, comme autant de champs de création totale. Et c’est toute l’ambition de cette exposition où chaque surface devient un environnement dans lequel on peut vivre, agir et réagir.
J.C
Exposition Nanda Vigo, l’espace intérieur
Du 7 juillet 2022 au 8 janvier 2023
Au MADD (Musée des Arts Décoratifs et du Design)
39 Rue Bouffard, 33000 Bordeaux
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