Culture
Les expositions de Londres à ne pas manquer
11 OCTOBRE . 2022
Art, design, mode… et politique. Les Hardis passent en revue les meilleures expositions à Londres, toutes différentes et pourtant toutes empreintes de revendications politiques plus ou moins frontales. La fin de l’ère Keep Calm and Carry on ?
WILLIAM KENTRIDGE, HISTOIRE DE L’ABSURDE
La grandiose exposition de la Royal Academy retrace 40 ans de carrière de l’artiste William Kentridge en exposant des dessins au fusain, des films d’animation, un théâtre mécanique, des sculptures et des tapisseries.
A la fois autobiographiques et imaginaires, les œuvres de Kentridge soulignent le passé tumultueux de son Afrique du Sud natale, où les injustices raciales, les actes barbares et les trafics politiques jalonnent l’histoire d’une société vérolée par les inégalités sociales.
Le film d’animation Ubu Tells the Truth (1997), une référence à la pièce pré-surréaliste Ubu Roi d’Alfred Jarry, révèle la brutalité et l’absurdité de l’apartheid. La mémoire joue ici un rôle dénonciateur et cathartique, ouvrant la voie aux progrès qu’il reste à réaliser.
Royal Academy
William Kentridge
Burlington House, Londres W1J 0BD
jusqu’au 11 décembre 2022
YINKA ILORI, DESIGNER DE BONHEUR
Intitulée Parables For Happiness (paraboles pour le bonheur), l’exposition monographique de Yinka Ilori est un condensé de joie et de couleurs. De sa passion pour le surcyclage des chaises iconiques comme la Skeleton Side Chair de David Adjaye, aux 18 passages cloutés multicolores éparpillés dans Londres, Yinka embellit le quotidien.
Mais ne vous y trompez pas, sous la palette acidulée se cache parfois un commentaire doux amer de notre consumérisme débridé, comme ces tissus de wax nigérians couverts de ventilateurs stylisés ou de bougies de voiture.
Au rez-de-chaussée, la boutique du musée propose des chaussettes et T-shirt à emporter. On prolonge volontiers le plongeon dans l’univers onirique du designer à l’hôtel Bulgari, pour un tea-time customisé en version survitaminée.
Design Museum
Yinka Ilori: Parables For Happiness
224-238 Kensington High Street, Londres W8 6AG
Jusqu’au 25 juin 2023
BARBARA CHASE-RIBOUD, PREMIÈRE DAME
Première femme noire diplômée de la Yale School of Architecture and Design en 1960 et première artiste exposée au Whitney museum (avec Betye Saar), l’artiste Barbara Chase-Riboud garde de ces expériences une vision ambivalente de l’Amérique. Elle en tirera surement l’envie de célébrer d’autres pionnières comme la danseuse Joséphine Baker, première femme noire à entrer au Panthéon, et dont on retrouve un hommage à la Serpentine Gallery de Londres.
L’institution présente notamment une trentaine de sculptures monumentales et travaux sur papier qui inspectent la tension entre différents matériaux comme le bronze, l’aluminium, la laine ou encore la soie. Au-delà de l’esthétique, l’œuvre propose de nombreuses discussions politiques en filigrane, comme dans l’installation Malcolm X, une référence aux activistes américains assassinés en 1965.
Hyperactive engagée, l’auteure du roman Sally Hemings (qui raconte la relation amoureuse entre le Président Thomas Jefferson et l’esclave Sally Hemings) fête aussi la publication de ses mémoires, I Always Knew (Princeton Press).
Serpentine Gallery
Barbara Chase-Riboud: Infinite Folds
Serpentine North Gallery
West Carriage Drive, Londres W2 2AR
Jusqu’au 29 janvier 2023
FASHIONING MASCULINITIES, L’HABIT FAIT-IL LE MOINE ?
Pour sa première exposition entièrement dédiée à la mode masculine (il était temps !), le musée du V&A voyage à travers le temps et les genres pour explorer les multiples facettes du vêtement pour homme.
De l’Apollon du Belvédère, mâle alpha aux muscles saillants, aux créations fluides d’Harris Reed et à la peinture désormais iconique d’Omar Victor Diop, l’institution décortique la mode et ses codes.
On esquisse l’histoire des corps et de nos préjugés dans la section Undressed (déshabillé), avant d’admirer les folies sartoriales des Dandy anglais et autres Prince dans la partie Overdressed (trop habillé), pour en découdre avec les définitions étriquées grâce au chanteur et l’égérie Gucci Harry Styles, dans les salles du chapitre intitulé Redressed (rhabillé).
V&A
Fashion Masculinities: The Art of Menswear
Cromwell Road, Londres SW7 2R
Jusqu’au 6 novembre 2022
LUCIAN FREUD, NO COMMENT
Un peu comme dans la série belge culte Strip-Tease de la fin des années 1980, les images de la National Gallery se passent de commentaires. On appréhende ainsi les œuvres de Lucian Freud, maître de la peinture réaliste du 20ème siècle, sans cartel ni béquille.
On observe le gigantesque corps mou d’une femme affalée sur le sol au pied du lit (Evening in the Studio, 1993) ou encore le regard circonspect d’un portrait anonyme, dont on s’intéresse moins aux pensées qu’aux replis du visage, en suivant des yeux la retombée des chairs lentement vieillissantes (A Woman Painter, 1956-7).
Au fil des salles, on apprivoise l’œuvre d’un artiste pourtant omniprésent ces dernières décennies, pour réapprendre à voir.
National Gallery
Lucian Freud: New Perspectives
Trafalgar Square, Londres WC2N 5DN
Jusqu’au 22 janvier 2023