Rencontre : Arnaud Bachelin 5/5

Thé-ritoires, une adresse idéale pour un teatime à Paris rue de Condé (6è)

Archéologie et botanisme : sur la voie du thé

Il ne faut pas chercher bien loin le lien qui peut exister entre archéologie, botanique et passion pour l’univers et l’histoire du thé, d’autant plus que ce qui intéresse fondamentalement Arnaud « c’est l’histoire des plantes et plus précisément de l’usage des plantes. Après mes études j’ai ressenti le besoin d’être dans une pratique plus vivante. En tant qu’archéologue, on n’est pas en lien direct avec l’artisan. En tant que marchand de thé j’avais la possibilité de « rencontrer » la plante mais aussi les artisans qui font tout l’univers de ce produit.

Je disais souvent à ma famille et à mes amis que quand je serais à la retraite j’aurais un troupeau de moutons et un salon de thé et un jour une amie m’a dit : mais pourquoi tu ne le fais pas tout de suite ?  Ça a été l’élément déclencheur. Par la suite, j’ai fait de très belles rencontres qui m’ont amené à travailler sur le développement de produit, en l’occurrence du thé. J’ai d’abord travaillé avec d’autres maisons, en Angleterre, qui m’ont tout appris. Et j’ai ensuite créé ma société et ma marque quand je suis rentré à Paris.» 

De l’Angleterre au Morvan en passant par l’Empire céleste

En Angleterre, Arnaud est sous le charme de la notion de « country gentlemens », leur rapport à la campagne et l’art de vivre, mais aussi « le lyrisme et la poésie permanentes »  qu’il y trouve. Il faut dire que les anglais se sont parfaitement réapproprié l’aspect « cérémoniel », institué, du moment consacré au thé. Le fameux tea time : « Ce que j’aime c’est qu’ils s’accordent le temps et la façon de faire. Je suis très attaché aux gestes, à la façon de faire les choses. »

© Rose

Le choix de la boutique, à quelques pas du jardin du Luxembourg, un lieu authentique aux belles tomettes carrées patinées par le temps, à la devanture ancienne comme on en fait plus, au mobilier de bon ton et nostalgique, sert ce propos et cette vision. Non seulement pour le choix du cadre et de l’esthétique de la maison, mais aussi pour ce qui est de la sélection des thés.  Majoritairement chinois donc : « avec la tradition du thé chinois on touche à une culture plurimillénaire. On atteint réellement des sommets avec ces thés là, d’une qualité d’exception. Avec une variété de thés impressionnante et une véritable excellence. »

Le thé naturel : une philosophie éthique

Bien trop de maisons de thé proposent des thés parfumés de manière artificielle. Chez Thé-ritoires vous ne trouverez que quelques thés aromatisés, et de façon naturelle. Bien sûr il existe un lien entre thé et vin naturels. Ceci dit « le thé naturel ne répond pas à un cahier des charges aussi précis que les vins naturels, mais le thé naturel est lui aussi produit dans le respect de l’environnement et de l’homme, et on suit aussi les saisons du thé. C’est normal qu’au printemps on ait plus  accès à des thés verts qu’en hiver. »

On pourrait aussi faire un parallèle entre les cultivars du thé et les cépages du vin. Certains cultivars du thé sont plus prestigieux que d’autres, mais c’est aussi le lieu, ce que l’on veut en faire qui influe sur la qualité finale du thé et bien sûr l’intervention de l’homme. Les correspondances sont évidentes. 

Comptoir de qualité

Quant à la façon dont on consomme le thé aujourd’hui bien souvent en occident, elle peut être compréhensible, après tout rien de mieux qu’une grande théière le matin au réveil pour se sentir plein d’énergie. Pour autant «en Chine, on saura se satisfaire d’une toute petite quantité de thé de très grande qualité », car l’expérience et la saveur du thé lui donneront toute sa richesse en dehors du critère faussé de quantité.

Ceci dit, en France, aujourd’hui les amateurs de thé sont de plus en plus connaisseurs et possèdent de plus en plus souvent une vaisselle spécifiquement dédiée au service du thé dans l’esprit Gong Fu Cha. Arnaud se plaît d’ailleurs à valoriser dans son salon de thé, des artisans français comme Manon Clouzeau ou Pierre Auriol : « non seulement l’impact carbone est réduit, mais ce sont aussi des accessoires qui respectent les traditions, des produits vertueux. »

Evoluer dans son propre univers

De la même façon que l’esprit qui règne chez Thé-ritoires, Arnaud vous invite à « vous créer votre propre rituel en vous appropriant ce qui vous plait et en supprimant les étapes qui ne vous semble pas opportune ou ne vous correspondent pas. Il est plus juste de trouver sa propre spiritualité dans cette pratique de dégustation du thé. » Quant au choix des thés, il vous revient d’explorer vos goûts sans vous fier à ceux des autres.

Comme l’huile d’olive, le vin et toutes les bonnes choses, il faut faire confiance à son ressenti. Les questions à se poser pour trouver un marchand de thé de qualité ? « Pour moi c’est une boutique où il n’y a pas milles boîtes au mur. Cela garantit un sourcing un peu plus fin et il y a plus de chance d’avoir des produits « frais » pour les thés verts par exemple. Il faut aussi pouvoir poser des questions sur les périodes de récoltes, avoir des thés parfumés naturellement. Dialoguer aussi avec son propriétaire, après avoir identifié ce qu’on aime, se laisser orienter pour découvrir de nouvelles choses. » A noter qu’Arnaud propose des ateliers d’initiation au thé naturel chez Thé-ritoires. 

Thé-ritoires, une adresse idéale pour un teatime à Paris rue de Condé (6è)

Rien de plus limpide donc, pour quelqu’un qui est né le même jour que Robert Fortune  (botaniste et aventurier écossais durant l’époque victorienne, qui subtilisa pour le compte des anglais des plants de thé aux chinois, après de rocambolesques aventures, et qui permis donc le développement du thé en Inde), d’évoluer lui-même, entre autre, dans l’univers fascinant de ce breuvage millénaire. Ceci dit, Arnaud, individu passionnant s’il en est, est lui-même très prolifique. En plus d’être archéologue spécialisé dans l’archéobotanisme, de tenir une maison de thé, il est aussi auteur. Autour du thé, mais pas que. Il a notamment écrit deux ouvrages sur la façon de cuisiner l’ail des ours ou encore le foin, mais aussi un ouvrage tout récent, une traduction d’un livre de cuisine culte outre-manche : Mrs Beeton. Le tout aux éditions de l’Epure. Comme il ne faut jamais s’arrêter, il nous prépare un ouvrage sur…Robert Fortune ! Il est aussi l’heureux propriétaire d’une abbaye du 12e siècle qu’il rénove depuis plusieurs années et il a d’ailleurs reçu en 2019 le prix du Jeune repreneur d’un monument historique.

Les livres d’Arnaud Bachelin autour du thé :
Manuel pour s’initier au thé naturel aux éditions de l’Epure
L’heure de véri-thé aux éditions Baker Street

Un film autour du thé ? Dans un jardin qu’on croirait éternel.
Des livres ? Vie et esprit du thé de Soshitsu Sen ou encore Un thé chez les tigres de Gilles Brochard,
Votre thé du matin ? Un thé noir indien, un assam, comme un Mangalam Estate de la vallée du Brahmapoutre en Inde dans le district de Sibsagar.
Du déjeuner ? Un thé des rochers.
Du soir ? Un pu-erh.

Retrouvez dans l’ordre tous les articles sur l’histoire du thé sur leshardis.com :

• Petite histoire du thé 1/5 : aux origines, la Chine
• Petite histoire du thé 2/5 : les cérémonies du thé
• Petite histoire du thé 3/5 : Après la Chine, l’expansion
• Les différentes sortes, types et variétés de thé 4/5
• Interview d’Arnaud Bachelin, spécialiste des thés 5/5