Art
Les arts décoratifs d’Alberto Giacometti bientôt vendus aux enchères
17 NOVEMBRE . 2023
On avait dressé le portrait de l’été de David Gelly aux beaux jours, voilà que le commissaire-priseur revient sur le devant de la scène avec une vente aux enchères de collection comprenant un rarissime ensemble de pièces signées Alberto Giacometti, Dali, ou Jean-Michel Frank.
C’est le graal de tout commissaire-priseur : vendre une collection de caractère qui affirmerait le goût d’une époque, retracerait l’histoire d’amitiés artistiques et qui serait parfaitement documentée et illustrée par des photos d’époque. Â ce titre, c’est le quart d’heure de gloire de l’étude Coutau-Bégarie qui dispersera à Drouot le 30 novembre prochain, la collection d’un couple américano-britannique : Jean Henson et son épouse, Violet Tylden, figures emblématiques de la cosmopolite Café Society de l’entre-deux-guerres. Avant la vente, l’exposition ! Alors ne vous privez pas de découvrir ces chefs d’œuvres de vos propres yeux en salle à Drouot et en attendant on vous en dit plus …
C’est une histoire comme seul le XXème siècle a su en créer, faisant rêver bien des générations d’esthètes et amateurs d’art. Celle d’un couple visionnaire qui attira à lui tout ce que l’intelligentsia de l’entre deux guerres comptait. Entre amis artistes qui réalisèrent pour eux des œuvres d’art et pièces de mobiliers (Jean-Michel Frank), amis photographes qui les prirent pour modèles (Cecil Beaton) et amis écrivains (Georges Perec) qui firent d’eux des personnages de roman, Jean et Violet Henson incarnèrent à eux deux la quintessence d’une époque pleine d’esprit et de (grand) goût. Il faut remonter le fil de l’histoire pour saisir l’ampleur de cette aventure fabuleuse …
Jean Henson est originaire d’une modeste famille d’agriculteurs d’une petite ville de Géorgie aux Etats-Unis. Après s’être engagé comme volontaire dans l’US Navy durant la Première Guerre mondiale, il décide de poser ses valises à Paris. L’américain y retrouve Man Ray, rencontré quelque temps plus tôt à New York, et sera furtivement modèle pour lui. Ce dernier lui donne rapidement accès aux cercles artistiques parisiens, l’introduisant auprès de Dali, Cocteau, Christian Bérard et du décorateur Jean-Michel Frank qui deviendra l’un d’un des plus proches et fidèles amis du jeune américain.
La joyeuse troupe enchaîne les dîners mondains parisiens et part fréquemment se détendre à Capri, dans l’une des villas de ces jeunes gens talentueux et fortunés. C’est là, au cours des longues journées d’été de la petite île de la baie de Naples, que Jean Henson fera la connaissance de sa future épouse Violet Tylden, fille d’un officier supérieur de l’armée anglaise. La suite s’écrit en lettres, photographies et œuvres d’arts puisque le couple, vite marié, s’installe en 1927 dans un petit village de pêcheurs de Tunisie. Ils y construisent une villa dans le style traditionnel de la région, un écrin vernaculaire pour leur riche et éclectique collection. Un ami du couple, qui avait fréquenté les lieux, rapportera ainsi : « Ensemble, ils avaient créé une maison, un jardin, et une manière de vivre, fruits d’un mélange de simplicité géorgienne et d’extravagance baroque qui formaient un style hautement personnel (…) Les murs étaient dénudés, les plafonds voûtés (…). Contre ce fond sobre et joli, des meubles anglais en noyer, des glaces vénitiennes dorées, des tables de marbre, un cheval Tang (lot n°81), du bric-à-brac victorien, des lampes et des vases par Giacometti (lots n°49 à n°52), des boucliers et des masques africains et partout des fragments de Grèce et de Rome cohabitaient en parfaite harmonie ».
Dès les années 30, la villa tunisienne accueillit ainsi un ensemble exceptionnel de créations de Jean-Michel Frank et d’œuvres d’Alberto Giacometti ou encore de Salvador Dalí que le décorateur avait choisies pour le couple et qui firent probablement l’objet de présents de sa part. C’est en effet au cours de ces années que le décorateur visionnaire dont l’esthétique est souvent définie par cet « étrange luxe du rien », fit appel à de nombreux artistes pour parfaire ses projets. Parmi les collaborations qu’il initiera, celle avec le sculpteur d’origine suisse Alberto Giacometti est l’une des plus intéressantes en termes de dialogue artistique. Giacometti crée, notamment, des luminaires et vases qui viennent illuminer les projets du décorateur sans jamais compromettre le juste équilibre entre luxe et épure si cher à Frank.
Dans cette collection, on trouve ainsi un vase Lotus, une lampe Grecque, une lampe Égyptienne ou encore un Oiseau en vol, créatures de plâtre inspirées des civilisations anciennes, qui seront dispersées le 30 novembre prochain. « Il m’a toujours donné toutes les plus belles choses qu’il créait pour ma maison … » disait volontiers Jean Henson au sujet de Frank. Une collection comme le testament d’une amitié follement artistique !
 l’amitié du couple avec Jean-Michel Frank, s’ajoutent de nombreux liens tissés avec des peintres dont les œuvres graphiques complètent la collection et illustrent la relation si spéciale que le couple aura su entretenir toute sa vie aux artistes et intellectuels…
Vente Jeudi 30 novembre 2023 Drouot – Salle 9 Vente à 18h
Paris – Hôtel Drouot – Salle 9
9, rue Drouot – 75009 Paris
+33 (0)1 48 00 20 09
Expositions publiques
Paris – Hôtel Drouot – Salle 9
Mardi 28 novembre 2023 – de 11h à 18h
Mercredi 29 novembre 2023 – de 11h à 18h
Jeudi 30 novembre 2023 – de 11h à 16h