Cuisine
Recette de la tielle sétoise et histoire de ce plat authentique
13 DéCEMBRE . 2023
Au Panthéon des recettes de cuisine outragées et malmenées par les internautes et les livres de cuisine douteux devrait figurer la tielle sétoise, en bonne place avec la fameuse carbonara romaine. Pour une raison incongrue, cette simple tourte au poulpe se retrouve affublée de toutes les fantaisies, tantôt vulgaires, parfois sauvages, voire franchement indécentes. Pourquoi chercher à saccager la tielle, un plat simple et parfait de la tradition sétoise ? Rétablissons ensemble quelques faits.
Dans les restaurants de Sète comme dans ses rues, on ne prend pas le poulpe, ou plutôt le pouffre comme on l’appelle dans le sud du pays, à la légère. A tel point qu’une statue majestueuse du céphalopode trône sur la place de la mairie. La tielle apparue à Sète pour la première fois au XIXe siècle tire ses origines d’Italie comme d’autres spécialités sétoises que les habitants ont su adapter à leurs goûts et produits du terroir immédiat.
De Gaeta à Sète
La tielle a voyagé avec les immigrants italiens du nord de Naples, de Borgo di Gaeta plus précisément, raison pour laquelle on parle de la tielle de Gaeta comme étant la mère de la tielle sétoise. Avant ce périple méditerrannéen, cette tourte ou empanada inspirée des méthodes culinaires des Espagnols qui ont autrefois dominé la région était cuite dans un plat en terre cuite appelée teglia qui deviendra tielle en français. Le principe de la tourte, comme celui du pâté permettant de conserver longtemps les aliments.
On y glisse alors du poulpe mais aussi des moules, des anchois, des encornets ou encore de la scarole. En s’installant dans le quartier Haut de Sète, les pêcheurs de Gaeta et leurs femmes ont introduit la tielle de poulpe seul. La communauté italienne, très pauvre, ne parlant que napolitain et vivant de la pêche est longtemps restée repliée sur elle-même, profitant discrètement de ce qui deviendrait bientôt la nouvelle curiosité culinaire en ville.
L’héritage d’Adrienne
Dans les années 30, c’est Adrienne Pagès de Agde et son mari Bruno Virducci qui les premiers dressent un étal devant le pont de la Civette appelé « La Reine des mers ». On y vend des coquillages mais aussi et surtout des tielles que les Sétois découvrent enfin. Le succès est immédiat et les tielles cuites chez le boulanger voisin ne suffisent plus. Le beau-fils du boulanger, Mimi Cianni se rend à la foire de Marseille en 1937 et en ramène un four spécialement dédié aux tielles.
Adrienne et Bruno déménagent leur étal devant le bar de la Marine puis leur jeune fils Achille lance une fabrique artisanale dans le marché aux poissons. A partir des années 60/70, ce sont les filles du couple qui vont épouser les familles Dasse et Cianni et monter des fabriques artisanales, toujours à partir de la recette d’Adrienne.
Le succès de la tielle dépassera vite Sète et elle sera petit à petit produite industriellement afin d’être vendue partout en France. Dès lors, la recette traditionnelle échappe aux Sétois et la tielle sera saccagée par les « créatifs » de la pire espèce.
Alors pour manger une authentique tielle, il faut soit se rendre à Sète en évitant les mauvaises adresses, soit la préparer vous-même, c’est assez simple et tellement meilleur que les infâmes tielles vendues en barquettes. Alors au travail ! Nous devons la préservation de cette recette authentique à l’auteur culinaire Jean Brunelin qui défend la cuisine sétoise dans son livre et sur sa page Facebook.
La recette de la tielle
Faire cuire un kilo de petits poulpes de roche dans une casserole d’eau salée et parfumée d’une feuille de laurier et d’un brin de thym. Une fois les poulpes tendres, les refroidir, les peler, les vider et les couper en morceaux avec une paire de ciseaux. A part, faire chauffer un filet d’huile, y faire revenir un oignon émincé, ajouter du persil haché et de l’ail. Ajouter du concentré de tomates, mélanger puis détendre avec un peu de vin blanc. Ajouter les morceaux de poulpe et laisser cuire un quart d’heure. La préparation doit être assez compacte. Corriger l’assaisonnement et ajouter, si on le désire, des olives.
Préparer une pâte en mélangeant 500 g de farine, une cuillère d’huile d’olive, un peu de levure fraîche et de sel. Laisser lever la pâte puis l’abaisser en deux disques, l’un légèrement plus grand que l’autre.
Foncer un moule avec la plus grande abaisse, préchauffer le four à 200°C. Garnir avec la farce de poulpe, couvrir avec la seconde abaisse et souder les bords en pinçant soigneusement. Mélanger un peu d’huile avec des épices Spigol et badigeonner la tielle. Enfourner une demi-heure.
Pour qu’une tielle soit parfaite, la pâte doit être molle, gorgée de jus et surtout pas craquante.
A déguster chaud ou légèrement tiède.
Une bonne adresse à Sète
La Cettoise -Tielles aux saveurs d’antan
2 Rue du Palais, 34200 Sète